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346. (1804) De l’influence du théâtre « DE L’INFLUENCE DE LA CHAIRE, DU THEATRE ET DU BARREAU, DANS LA SOCIETE CIVILE, » pp. 1-167

Les institutions civiles de ces deux états étaient si différentes, qu’il n’est point étonnant que dans le premier, essentiellement belliqueux et conquérant, on fît peu de cas d’un talent, que d’ailleurs les hommes libres ne pouvaient exercer publiquement, sans déroger à toutes les prérogatives du citoyen, et où, comme le remarque très judicieusement un élégant traducteur de Tacite 23, on « n’accueillit jamais les arts en général que par ton et par air » ; car si, à l’époque même de la plus grande corruption des mœurs de ce peuple, les grands n’avaient pas d’autre société intime que celle des hommes de théâtre, ces derniers n’en étaient pas plus en vénération auprès d’eux. […] C’est ainsi que sur la foi d’un modèle imaginaire, sur un air modeste et touchant, sur une douceur contrefaite, le jeune insensé court se perdre en pensant devenir un sage. » Sans adopter dans leur entier des principes aussi rigides, et qui tiennent peut-être un peu du paradoxe et de l’hyperbole, j’oserai dire que si la société, malgré sa corruption, peut encore offrir à nos poètes dramatiques plus d’un modèle de vertu, propre à figurer avantageusement sur la scène, le théâtre n’en sera pas moins dangereux pour la jeunesse, à raison des couleurs favorables sur lesquelles on affecte de lui présenter le tableau de l’amour.

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