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29. (1766) Réflexions sur le théâtre, vol 5 « Réflexions sur le théâtre, vol 5 — REFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE CINQUIÈME. — CHAPITRE IX. Spectacles de la Religion. » pp. 180-195

Contemplez ce bel astre qui répand la lumiere, & se levant & se couchant, nous donne tour à tour les jours & les nuits ; cet astre qui préside à la nuit, & qui par ses différentes phases nous enseigne le cours & la mesure des temps ; ces armées d’étoiles qui du plus haut des cieux brillent d’un si vif éclat ; cette terre avec ses montagnes, suspendue au milieu des airs avec un si juste équilibre ; ces fleuves intarissables, ce vaste océan avec ses immenses rivages, & l’harmonie merveilleuse qui unit constamment tous ces corps ; cette atmosphère de l’air qui pénètre tout par sa subtilité, & entretient tout par sa fécondité, qui tantôt rassemblant ses vapeurs en forme des nuées, & verse des pluies abondantes, tantôt les dissipant ménage la serénité d’un beau jour. […] L’oiseau vole dans le vague de l’air, le poisson se joue dans les abymes, l’homme cueille les fruits de la terre. […] Qu’est-ce qu’une boule qui roule sur un plancher pour imiter le tonnerre, quelque poignée de résine enflammée pour contrefaire la foudre & les éclairs, une trappe qui s’ouvre, un homme qui s’enfonce & qui est reçû sur des matelas pour ne pas s’écraser en tombant dans l’enfer, des cordes & des poulies qui enlèvent une Actrice en l’air sur un char attelé avec des chevaux de carton, un monstre de toile qui va dévorer Andromède, un homme qui fort de derriere la toile couvert d’un linceul, qui fait le revenant, que sais-je ? […] Il lui a formé une compagne aimable, semblable à lui, qu’il lui a unie par des liens indissolubles ; il lui fait naître d’autres lui-même qui lui font tous les jours goûter les douceurs de la société, les charmes de la tendresse & du respect ; il peut avec des amis vertueux, par un commerce de sentimens, de services & de plaisirs, goûter des délices pures & innocentes ; des exercices honnêtes, un travail conforme à son goût & selon ses talens, n’est pas moins utile à sa santé qu’amusant & récréatif ; la campagne lui déploie ses richesses, & paye avec usure le soin qu’il prend de la cultiver, les arbres lui présentent des fruits, les prairies font éclorre des fleurs, les troupeaux font couler des ruisseaux de lait, il peut déclarer une guerre innocente aux habitans de l’air.

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