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15. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE IV. Des Pièces pieuses. » pp. 68-95

Heureusement tout cela ne portait pas sur les mœurs, et peu à peu, comme dans tout le reste, on eût réformé les airs gothiques. […] Que n’a-t-on pas dit contre les anciens Légendaires qui par le faux merveilleux qu’ils ont répandu dans les vies des Saints, quoique par des vues bien différentes des Romanciers et des Poètes, ont jeté un air de roman sur les choses les plus certaines et les plus édifiantes, et ont contribué au funeste ravage que fait le pyrrhonisme ? […] On a porté la sévérité jusqu’à défendre aux Organistes de jouer pendant l’office divin des vaudevilles, des pièces profanes, des chansons tendres, des airs d’opéra, qui ne peuvent que distraire le peuple de l’attention au service, refroidir sa dévotion, par les sentiments qu’ils inspirent, et lui rappeler les mauvaises paroles composées sur ces airs : défense presque partout mal observée, soit par le goût du joueur, le plus souvent sans piété ; soit par disette et stérilité, la plupart ne sachant point d’autres airs, et n’étant pas en état d’en composer. […] Ils ont beau tâcher de s’y naturaliser, c’est l’accent, l’air, la couleur du pays, qu’on ne prend et qu’on ne perd jamais, qui les trahit malgré eux. […] Un air gêné, des soupirs de commande, des regards de coquetterie, des tons de fierté, des attitudes de volupté ne sont pas les couleurs de la piété.

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