si vous vous representiés chaque jour devant les yeux le détachement du monde, la fuite de ses pompes & de ses plaisirs, la haine de vous-même, la mortification de vos sens, la vie de la Foi, que vous avés embrassées, la conformité avec Jesus-Christ, qu’il exige de vous comme son membre & son enfant, si vous le compreniés bien, qu’il faut aimer Dieu de tout vôtre cœur sans retour, ni partage, que vous ne pouvés sans crime porter ailleurs vos affections & vos desirs, que toute pensée, toute parole, toute œuvre qui ne se rapporte point à lui, est l’œuvre de Satan, & par consequent criminelle, qu’un simple regard qui ne tend pas à lui & à sa gloire, lui deplaît, l’offense ; qu’une seule demarche quelque innocente qu’elle paroisse, si elle ne se fait pas selon la charité, nous rend rebelles & coupables : si vous les compreniés bien, dis-je, ces verités, vous gemiriés sans cesse, vous viendriés souvent au pied du Tribunal vous declarer coupable devant Jesus-Christ vôtre Juge, dont le Confesseur tient la place. […] Ce sera cette femme Chrétienne, qui renfermée dans l’enceinte de son domestique, éleve ses enfans dans la crainte de Dieu, laisse au Seigneur le soin de leur destinée, les aime tous d’une égale tendresse, ne leur marque d’autre place que celle où Dieu les appellera, ne s’abandonne point aux modes de luxe & de vanité, ne se trouve point dans les cercles de railleries & de médisances, ne s’assied point dans la Chaire du mensonge, ne paroît gueres qu’au Temple, & n’y va que pour y prier & y adorer, qui ne suit point les usages, les coûtumes, les maximes du monde, & qui par son rang & ses exemples donne du credit à la vertu. […] Je renonce aux maximes de ce monde trompeur : je déteste ses Loix : je ne veux point de commerce avec un Peuple qui vous méconnoît : j’ai en horreur les fausses Divinités qu’il respecte : les Idoles qu’il adore ne sont point des Dieux comme le nôtre : ils sont l’ouvrage de ses mains ; vous seul, ô mon Sauveur, mérités qu’on vous aime, qu’on vous serve, qu’on vous adore ; & les Loix corrompuës de Babilone n’ont rien de commun avec les saintes Loix de Jerusalem. […] On comprendra, mais trop tard, que vous seul merités d’être adoré & servi, aimé & glorifié, parce que tout sera passé dans le monde & que vous seul serés immuable, & demeurerés éternellement, te oportet adorari Domine. Voilà le fruit que vous devés tirer de ce Discours : vivés dès à present comme si vous êtiés prêts de paroître devant vôtre Juge ; veillés pour vous preserver de la corruption du grand nombre, pensés sans cesse que ce grand nombre se danne : detestés ses maximes, méprisés ses usages, ne comptés pour rien ses coûtumes, & souvenés-vous que tous les Saints se sont separés au moins de cœur & d’affection de son commerce, pour ne s’attacher qu’à Jesus-Christ, ne suivre que ses Loix, ne craindre que lui, & n’aimer que lui.