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158. (1697) Histoire de la Comédie et de l’Opéra « HISTOIRE ET ABREGE DES OUVRAGES LATIN, ITALIEN ET FRANCAIS, POUR ET CONTRE LA COMÉDIE ET L’OPERA — CHAPITRE III » pp. 42-76

Le désir de plaire est ce qui conduit le premier, et le second est conduit par le plaisir d’y voir peintes des passions semblables aux siennes : car notre amour propre est si délicat, que nous aimons à voir les portraits de nos passions aussi bien que ceux de nos personnes. […] Il n’y aurait que les libertins qui pussent voir les pièces déshonnêtes ; les femmes de qualité et de vertu en auraient de l’horreur, au lieu que l’état présent de la Comédie ne faisant aucune peine à la pudeur attachée à leur sexe, elles ne se défendent pas d’un poison aussi dangereux et plus caché que l’autre qu’elles avalent sans le connaître, et qu’elles aiment lors même qu’il les tue. Mais pour pousser encore davantage cette matière sans sortir pour cela des bornes de la vérité : peut-on appeler tout à fait honnêtes des ouvrages, dans lesquels on voit les filles les plus sévères écouter les déclarations de leurs amants, être bien aises d’en être aimées, recevoir leurs lettres et leurs visites, et leur donner même des rendez-vous ? […] Vous remarquerez qu’il n’y en a presque point qui ne flattent avec ce fard qui en déguise l’horreur, et en fait aimer l’injustice et l’infamie, qui ne soient employées à faire éclater des flammes criminelles, qui ne soient remplies d’équivoques déshonnêtes, et qui ne portent dans l’imagination des idées si sales et si honteuses, qu’il est impossible qu’elles ne blessent entièrement la pureté. […] Lactance dans l’Abrégé qu’il a fait de ses Institutions, dit qu’un des effets funestes de ces Chansons, est de laisser dans le cœur une très grande disposition au crime et au libertinage ; en sorte que ceux qui les aiment et qui en font leur divertissement, se laissent facilement engager dans le désordre et dans l’impiété.

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