On aime à contrefaire & à voir contrefaire les autres ; & la populace même dans ce tas d’ordures qu’elle vomit, lâche souvent des traits pleins de sel, des saillies ingénieuses & agréables, dont un bel esprit se feroit honneur. […] Il n’est pas étonnant qu’une nation médisante par caractère, aime si fort l’art de médire, & la médisance mise en action, parée de toutes les graces les plus piquantes, & fondue avec la galanterie, autre sel qu’elle ne trouve pas moins piquant, & que le théatre à son tour souffle, attise, alimente ce feu. […] Pour peu qu’on aime son salut & celui du prochain, peut-on se dissimuler ou voir avec indifférence ces maux extrêmes, & applaudir au théatre, qui les multiplie, les perpétue, les rend dominans & irréparables ? […] Mais les plaisanteries sont aujourd’hui les seules armes que l’irréligion sait manier, elle ne s’en sert qu’avec trop de succès ; on aime à en être blessé, on aide à enfoncer le glaive. Peu de lecteurs sont capables de suivre un systême, de saisir une preuve, une objection, une réponse ; tout sait railler, tout aime à rire, on se moque des Saints & de leurs vertus, des Ministres & de leurs fonctions, des cérémonies & de leur signification, des mystères & de leur profondeur, du Pape & des Évêques, & de leurs décisions, de leurs règlemens, de leur pouvoir, de leurs censures.