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253. (1781) Lettre à M. *** sur les Spectacles des Boulevards. Par M. Rousseau pp. 1-83

Leçons tout-à-la-fois utiles & agréables, qui forment la base sur laquelle posent les bonnes mœurs5 Tel est, ou doit être le but des Théatres avoués par la Nation6. […] Le choix du sujet doit intéresser l’un, la maniere agréable de rendre ses idées doit captiver l’autre. […] Un libertin peut quelquefois être un homme fort agréable en société ; mais il est rare qu’un débauché (& en conscience on ne peut pas donner un nom plus décent aux piliers des Trétaux) soit amusant & sociable, parce que le ver rongeur qui ne le quitte pas, imprime à ses discours, ainsi qu’à sa démarche & à ses gesses, je ne sais quel air froid, taciturne, & même farouche, qui glace & qui révolte. […] Il est un fait hors de doute, & que pourraient, au besoin, constater les Empyriques, qui font aujourd’hui fortune à traiter le mal Amériquain ; c’est qu’on ne pouvait travailler plus utilement pour leur art, fort suspect, qu’en établissant ces Salles du Boulevard, qui sont pour me servir des expressions d’un Agréable, qui avait appris à les connaître à ses propres dépens, les galeries de la sœur aînée d’une cadette déjà assez meurtriere. […] Si cette épidémie continue, avant une vingtaine d’années nos filles & nos femmes ne connaîtront plus qu’une seule profession, celle d’Actrices Foraines, toutes voudront l’embrasser comme la plus agréable, la plus lucrative, & surtout, la plus conforme à leur penchant déterminé pour le luxe & les plaisirs.

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