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22. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre IV.  » pp. 97-128

Le Chinois sans doute se réjouit comme le François, aux dépens des ridicules ; mais jamais n’a fait une affaire d’Etat d’un divertissement frivole ; jamais la ville de Pekin n’a fait bâtir une salle d’opéra, jamais la Cour Impériale n’a pensionné de troupe d’acteurs, jamais n’a proposé aux Lettres des récompenses pour l’éloge d’un comédien ; jamais on n’a disserté pour ou contre la comédie, en vaut-elle la peine ? […] Ces foiblesses donnoient lieu à bien des intrigues, il est rare qu’elles ne se mêlent sourdement aux plus grandes affaires, & malgré les déguisemens qui les cachent, elles décelent la petitesse de la grandeur. […] Pape Pie V & Gregoire XIII moins que d’autres : est-ce à un misérable musicien qu’ils auroient confié les affaires de l’Eglise, dans un Royaume aussi agité par les guerres de la Religion ? […] Il étoit, dit-on, jaloux de sa gloire, ou plutôt il n’en faisoit aucun cas, & ne croyoit pas pouvoir confier une affaire sérieuse à une femme : il étoit trop grand pour éprouver cette petitesse. […] Malgré ces devotes apologies, & les graves décisions du casuiste Moliere, le Roi n’étoit pas sans remords ; & lorsqu’il courut risque de sa vie par la Fistule & par l’opération, alors peu connue, que lui fit Felix son Chirurgien, il renonça aux spectacles, ce qu’il continua jusqu’à la mort, & augmenta même à mesure qu’il voyoit approcher sa derniere heure, & ses affaires en décadence dans la guerre de la succession d’Espagne.

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