et fréquemment vos affaires n’ont elles pas été plus embrouillées par ceux que vous avez chargés de les éclaircir et de vous faire rendre justice ? […] Je ne m’ingère pas de remettre en jugement cette production sous le rapport dramatique ou littéraire ; cette cause a été plaidée et bien jugée ; il y a long-temps que c’est une affaire finie ; d’ailleurs, il y a prescription à cet égard : il serait trop ridicule d’y revenir et de paraître vouloir, de concert avec des étrangers jaloux de la supériorité de nos compatriotes, détruire une réputation légitimée par une si antique possession ; il ne s’agit ici que d’erreurs, ou de démontrer, d’après l’expérience, qu’une composition dramatique, quelle que soit sa perfection, présente toujours des côtés très-défectueux ; que souvent la forme, par exemple, a des effets contraires qui nuisent au fond, et empêchent l’auteur d’arriver heureusement à son but. […] Si cette considération ne renfermait pas une réponse suffisante, et que je fusse obligé d’en faire une au libelliste froid qui, à la vue de la plus grande misère, et du pouvoir commun à tous les hommes d’être immoral, m’a contesté l’affaire et le besoin pur d’écrire sur l’indigence et l’immoralité, et de traiter des moyens d’en détruire les causes, je pourrais y ajouter, qu’ayant vu dès mon enfance la maison de mon père, administrateur des pauvres, continuellement assiégée ou remplie de malheureux pleurant, souffrant la faim et le froid, marqués de tous les traits de la misère, ces tristes scènes, ont fait naître et laissé dans mon cœur un sentiment pénible que je n’ai pu soulager que par la composition de ce Traité ; et que ma mission fut, par conséquent, de la nature de celle que nous recevons tous de la pitié, pour tâcher de retirer notre semblable d’un abîme où nous le voyons périr.