/ 481
364. (1694) Lettre d’un Docteur de Sorbonne à une personne de Qualité, sur le sujet de la Comédie « letter » pp. 3-127

La Comédie d’aujourd’hui n’est autre chose qu’un Spectacle pompeux disposé pour le plaisir, où des Acteurs et des Actrices paraissent avec des ajustements mondains et peu modestes, où l’on chante et où l’on danse, où l’on exprime les sentiments tantôt d’une manière tendre et tantôt d’une manière fougueuse, suivant les passions différentes qui les animent, où les passions se poussent d’ordinaire à l’excès, et que l’on tâche néanmoins quelquefois de déguiser sous les livrées de la vertu. […] n’y laisse-t-on pas insensiblement toucher son cœur, non seulement par les bonnes intelligences qui paraissent quelquefois entre les Acteurs et les Actrices, mais par leurs démêlés mêmes et leurs petites brouilleries ? […] Le Cardinal de Richelieu avait cru que ces conditions était compatibles avec les divertissements qu’on cherche à la Comédie : mais l’expérience a fait voir le contraire ; la Scène depuis ce temps-là n’a point changé de face, on a représenté depuis comme auparavant des Pièces purement Comiques, on a joué des farces, on a dansé des ballets, les décorations ont été également pompeuses, les Acteurs et les Actrices ont paru avec les mêmes airs et les mêmes ajustements, les passions les plus vives et les plus piquantes, ont éclaté dans les Pièces les plus sérieuses ; et quand on pense dire son sentiment là-dessus, on répond que sans tout cela les Acteurs et les Spectateurs se morfondraient également au Théâtre, tant il est vrai que la Comédie sera toujours Comédie, et les Comédiens toujours Comédiens, c’est-à-dire, toujours infâmes. […] Mais si Sa Majesté a assisté autrefois aux Spectacles, elle a pu avoir des raisons de politique qui ne sont pas du ressort du Docteur ni du mien : et ça a été peut-être avec la confiance que sa présence imprimerait assez de respect, tant aux Acteurs qu’aux Spectateurs, pour les contenir les uns et les autres dans les termes de la modestie. […] « Les Acteurs qui les jouent, dit-il, ne sont point des personnes consacrées ni vouées au Seigneur ; ce qui serait indécent, je l’avoue ; et si cela était, je le condamnerais absolument et sans restriction.

/ 481