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30. (1790) Sur la liberté du théatre pp. 3-42

Si les chefs d’un tel gouvernement laissent subsister un assez grand nombre de spectacles pour amuser le peuple, ils limitent pourtant ce nombre à cause de la difficulté qu’ils éprouveroient à les surveiller : delà l’établissement des priviléges accordés à l’intrigue par la faveur, et qui ont toujours été, pour les hommes en place, une source de prévarications de tous les genres. […] Les censeurs doivent être choisis parmi les hommes qui se sont toujours montrés le plus pénétrés des principes de ce gouvernement ; et pour les y attacher davantage, on leur accorde des graces personnelles, dont la continuité et la stabilité dépendent entiérement du maintien de ces mêmes principes. […] On avoit lieu de croire que les comédiens, devenus citoyens actifs, électeurs et éligibles, élevés pour la plupart aux grandes militaires dans les bataillons de leurs districts, et ayant coopéré eux-mêmes par leur constance, leur assiduité, leur zele et leur courage à la révolution, qui nous a rendus libres, ne prétendroient pas jouir des bienfaits de la nouvelle constitution, et conserver les priviléges exclusifs, qui leur ont été accordés sous l’ancien régime. […] Créer un second théâtre, c’est accorder un second privilége, et non pas les anéantir ; c’est faire beaucoup pour un second entrepreneur, ou une seconde société ; mais rien pour la liberté, rien pour l’art dramatique : car point d’art quelconque sans liberté. […] La connoissance de la hiérarchie dramatique étoit véritablement une science difficile à acquérir, et l’on ne sauroit trop admirer le génie fécond du ministre de Paris, pour trouver le moyen d’accorder de nouveaux priviléges sans enfreizidre les anciens.

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