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80. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre I. Des Parfums. » pp. 7-32

Sans sortir de la France, les Provençaux sont plus galans que les Flamands, leur pays plus chaud est plein d’orangers dont les fleurs répandent une odeur si forte que les Étrangers qui n’y sont pas accoutumés, en sont saisis & entêtés dans leurs voyages. […] Pasquier dans ses recherches prétend qu’un des grands maux que les Croisades ont fait à la France, c’est d’y avoir apporté la molesse, le luxe & le faste asiatique, mal encore plus grand que la perte de tant d’hommes & de trésors qu’elles ont occasionné, parce qu’il n’a fait que croître, & qu’il est devenu sans remède ; la France auparavant modeste, simple, frugale, peut-être même un peu grossière ne connoissoit pas non plus que les anciens Gaulois la magnificence des habits, la richesse des meubles, la somptuosité des repas, les délises des parfums. […] Le France avoit sans doute des jeux avant les Croisades, elle en eut dans tous les temps ; mais ces jeux étoient tous militaires comme ceux des Romains ; des exercices du corps, la lutte, la course, les chars, les tournois, la chevalerie, &c. […] Cette Princesse fameuse par sa beauté & par ses galanteries, mariée successivement à deux Rois à qui elle porta la plus riche dot ; au Roi de France qui la répudia, & qui aima mieux perdre une belle province que de vivre avec elle, au Roi d’Angleterre qui la tint quinze ans en prison : cette Princesse passa sa vie dans les fêtes, les jeux, les spectacles, donna elle-même les plus scandaleux, & rapporta en France & en Angleterre le luxe & la galanterie asiatique ; elle faisoit des amans par-tout, jusques chez les Mahométans où l’on prétend qu’elle fut aimée de Saladin, allumant par-tout le feu de la guerre ; en France pour se vanger de la jalousie de Louis, en Angleterre pour se vanger des amours de Henri qui cessa de l’aimer, & lui préféra des maîtresses ; elle arma ses enfans contre leur père, & fit naître une guerre civile ; elle courut de tous côtés : en Syrie poursuivre son mari, disoit-elle, en Allemagne pour délivrer son fils Richard ; deux fois en Espagne pour aller chercher ses belles-filles.

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