Il est vrai que cette continuité de la prière ne peut consister dans une attention perpétuelle de l'esprit à Dieu, et qu'il suffit qu'elle demeure quelquefois dans un simple désir que Dieu y connaît: mais il est certain que ce désir s'éteint facilement, si l'on n'a soin de le nourrir par des prières actuelles, et par la méditation des choses divines. C'est pourquoi les Chrétiens ne pouvant passer toute leur vie dans l'acte de la prière, sont obligés au moins de se renouveler de temps en temps devant Dieu : et comme c'est par ces prières actuelles qu'ils entretiennent celle qui doit être toujours dans le fond de leur cœur; ils doivent éviter avec un grand soin tout ce qui peut rendre ces prières indignes d'être présentées devant la Majesté divine, ce qui les oblige non seulement d'éviter les distractions qui leur surviennent dans la prière, mais beaucoup plus les sources de distractions qui remplissant l'âme de folles pensées, la rendent incapable de s'appliquer à Dieu. Cela suffit pour obliger tous ceux qui ont quelque soin de leur salut de fuir les Comédies, le Bal et les Romans, parce qu'il n'y a rien au monde qui fasse plus sortir l'âme hors de soi, qui la rende plus incapable de s'appliquer à Dieu, et qui la remplisse davantage de vains fantômes. […] L'on ne se peut pas procurer à soi-même l'esprit de prière, ni cette sainte ardeur qui s'excite quand il est plaît à Dieu par la méditation : « Et in meditatione mea exardescet ignis.