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5. (1697) Lettre à Mme la Marquise de B. « A MADAME LA MARQUISE DE B… » pp. 302-316

Si je remontais un peu plus haut, je trouverais Corneille et Molière qui sont au dessus de tous les éloges qu’on leur peut donner ; l’un à qui Racine aurait cédé pour le sérieux ; et l’autre à qui tout le Monde doit céder pour le Comique. […] Je sais que ce n’est pas vous faire ma Cour de donner la préférence à Corneille sur Racine, et qu’étant son Amie comme vous l’êtes, il vous est aisé de croire ce que vous souhaiteriez qui fût : mais quelque déférence que j’aie pour vos sentiments, j’ai le malheur de ne pouvoir déguiser les miens ; et supposé entre eux une égalité de mérite, Corneille étant venu le premier, et ayant purgé le Théâtre de la Barbarie qui s’y était introduite, je crois que le premier Rang lui est légitimement dû. Non que je m’arrête à ces Parallèles que l’on fait courir, où la passion dérobe toujours quelque chose à la Justice : si Corneille trouve moins de Gens qui l’imitent que Racine, c’est peut-être qu’on s’y attache avec moins de soin ; et si j’avais l’Eloge de Racine à faire, les efforts que l’on fait pour l’imiter, ne serait pas le plus méchant endroit que j’y pûsse mettre. […] Toutes les fois que vous allez à la première Représentation d’une Pièce sérieuse, vous croyez, dites-vous, aller à Athènes ou à Rome : vous ne trouvez en votre chemin que Grecs et Romains, encore sont-ils tout défigurés depuis que Corneille et Racine ne les font plus parler. […] Retrouve en sa faveur une Plume pareille A celle dont le Ciel fit présent à Corneille ; Et pour lui faire un sort aussi beau que le sien Prête lui ton secours, et réponds-lui du mien.

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