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56. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre VI. De la Poésie de style. Si elle fait seule la destinée des Poëmes. » pp. 94-121

Ceux qui sont bien écrits, le fonds des choses égal, ont seulement le mérite qu’un homme qui accorderoit une grace d’une maniere polie & engageante, auroit sur un autre qui feroit la même grace, comme malgré lui & durement. […] Si les idées sont ce qui frappent le plus dans les Poëmes des Anciens, dans ceux des Etrangers, & dans les notres mêmes ; s’il y a parmi nous plus de lecteurs sensibles aux idées qu’aux expressions ; si nous avons des ouvrages bien écrits, qui n’ont pas réussi ; si quelques-uns de nos Auteurs se sont acquis une haute réputation, sans s’attacher à la partie du style ; enfin, si l’expression ne fait un grand effet que quand les pensées ont un grand éclat ; les deux premieres questions énoncées plus haut seront décidées. […] Nous avons en notre Langue des Poëmes bien écrits, qui n’ont pas réussi ; la Tragédie de Bérénice est, comme l’assure Racine lui-même, une de ses Piéces les mieux versifiées. […] Les meilleurs d’entr’eux, écrits dans le genre didactique, demandoient plus de jugement & de sagacité, que d’enthousiasme & d’imagination. […] « Le Père Mallebranche, dit-il, a écrit contre la contagion des imaginations fortes, dont le charme, pour nous séduire, consiste dans leur fécondité en images, & dans le talent de peindre vivement les objets.

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