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14. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre VI. Siécle de Louis XV. Chap. 2. » pp. 161-170

Adelaïde de Savoye Duchesse de Bourgogne fût amenée en France à l’âge de douze ans, on crût ne pouvoir mieux travailler à son éducation & la rendre digne du Trone auquel elle étoit destinée qu’en l’amenant à l’école du théatre : leçon un peu différente de celle que le sage Fénélon avoit donnée à son mari. […] Voltaire trouve une contradiction entre l’infamie attachée au metier de comédien, & l’honneur qu’on fait au théatre de le régarder comme une école noble, utile, digne des personnes Royales ; il a raison, rien de plus ordinaire dans le monde, on croit se deshonorer en se mesalliant, & un Seigneur épouse une actrice. […] Il appretie Moliere avec justice, il contribua à défaire le public des importuns subalternes (les petits maitres) de l’affectation des précieuses, du pédantisme des femmes scavantes, de la robe & du latin des médecins, & fut un législateur des bienséances du monde  ; mais cette saine morale, cette école de vertu, cette réforme des mœurs qu’on veut donner à Moliere, fait rire, ou plutôt fait pitié ; on plaint l’aveugle qui le croit ou l’avance, & le public qui est la victime de son libertinage. […] Un François à sa place se seroit mis à l’école de Baron, se seroit exercé sur le théatre, auroit traîné avec lui une troupe d’acteurs, leur auroit assuré les plus riches pensions, auroit fait faire à tous ses architectes trente plans de salles de spectacle, auroit bâti la plus suberbe à Petersbourg, & dans les grandes Villes de son Empire, à Moscou, Novogorod, Astracan, &c.

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