L’esprit se familiarise avec elle : on apprend à la souffrir et à en parler ; et l’âme s’y laisse doucement aller en suivant la pente de la natures. […] Car c’en est une manifeste que de ne pouvoir ni ne vouloir résister à cet ascendant auquel on assujettit, dans les comédies, les âmes qu’on appelle grandes. […] C’est ainsi que la véritable éloquence remue l’âme pour la faire agir pour le plus grand bien ; mais l’art du théâtre ne la remue que pour lui faire goûter les sensations de la volupté. […] Elle s’empare d’autant plus facilement des âmes innocentes, qu’elle leur paraît plus innocente elle-même. […] Ajoutez la confusion et la négligence des spectateurs, le lieu même qui invite à la volupté, tout ce qu’on entend avant que ces femmes paraissent et après qu’elles ont paru ; ajoutez le son des instruments de diverse espèce, les charmes d’une musique dangereuse, qui amollit l’âme, qui dispose les hommes et les rend plus faciles à se laisser prendre aux attraits des courtisanes qui se donnent en spectacle.