La puissance séculière, l’autorité civile, et les magistrats surtout, doivent apporter une telle surveillance sur l’empiètement que les ecclésiastiques pourraient entreprendre sur ce qui concerne le gouvernement de l’Etat, et l’existence des citoyens, que le nombre des prêtres est tellement considérable, qu’ils forment, à eux seuls, une masse imposante dans le royaume, et que le gouvernement rencontrerait partout des individus tout prêts à lui résister, dans des matières d’autant plus délicates, que ces mêmes ecclésiastiques sont reconnus et révérés par les peuples comme des juges suprêmes en fait de religion et d’affaires de conscience. […] On a vu des souverains pontifes ambitieux, audacieux, employer la majesté de la religion et son crédit sur l’esprit des peuples, pour bouleverser des trônes et jeter le fer et la flamme parmi les nations ; la tiare voulait une autorité absolue sur le diadème des rois, et ses prétentions trouvaient des appuis dans tous les Etats de la chrétienté, où la cour de Rome compte des milliers d’ecclésiastiques qu’on peut considérer comme autant de généraux, ou de capitaines d’armées, qu’elle y fait stationner. […] On jugera par le dénombrement de l’ancien clergé de France, qui va suivre, combien la cour de Rome avait de zélés serviteurs dans le royaume, avant la révolution, et combien l’autorité de nos princes devait être entravée, lorsque le clergé formait et soutenait d’autres prétentions ; puissant par le nombre, puissant par les richesses de ses revenus, et plus puissant encore par l’influence de ses fonctions, le clergé à lui seul pouvait singulièrement contrarier la volonté du prince, lors même qu’elle se dirigeait vers le bien-être de ses sujets ; aujourd’hui à la vérité, tout est diminué dans le clergé, le nombre, les richesses, et même l’influence de l’opinion ; il faut encore ajouter que les lois constitutionnelles rendent au prince et à son gouvernement une suprématie d’autorité, qui n’en reconnaît ou n’en craint pas d’autre dans l’Etat, mais encore ce clergé s’élève actuellement à environ 50.000 individus, qui jouissent de plus de 30.000.000 fr. de revenus, et ces individus pourraient un jour, si on leur permettait de dériver de la ligne tracée par nos lois, chercher à ressaisir une autorité qu’ils n’ont perdue qu’à regret.