XXVII.
Une des principales parties de la piété, et un des principaux moyens de la conserver, est d'aimer la parole de Dieu, et d'y trouver sa consolation. C'est par le sentiment de la douceur que le Prophète avait éprouvée dans cette nourriture spirituelle, qu'il dit à Dieu : « Inventi sunt sermones tui, et comedi eos, et factum est verbum tuum in gaudium et in leatitiam cordis mei.
» « J'ai trouvé vos paroles, et je m'en suis nourri, et elles ont rempli mon cœur de joie et d'allégresse.
» C'est cette consolation divine, qui entretient notre espérance, selon saint Paul, et qui nous soutient dans les traverses de cette vie. Or l'expérience peut faire connaître à tout le monde, que rien n'éteint davantage la joie spirituelle que l'on ressent dans la lecture de la parole de Dieu, que les joies séculières et sensuelles, et principalement celles de la Comédie. Ces deux joies sont entièrement incompatibles. Ceux
qui se plaisent dans la Comédie, ne se peuvent plaire dans la vérité ; et ceux qui trouvent leur plaisir dans la vérité n'ont que du dégoût pour ces sortes de plaisirs. C'est pourquoi ce même Prophète à qui Dieu avait donné ce goût spirituel pour sa parole, témoigne incontinent après qu'il ne pouvait souffrir les assemblées de jeux et de divertissements; et qu'il mettait toute sa gloire et toute sa joie à considérer les merveilles des ouvrages de Dieu : « Non sedi cum concilio ludentium, et gloriatus sum a facie manus tuae.
» Et le saint Roi David, qui avait aussi goûté la douceur de la loi divine témoigne de même le mépris qu'elle lui faisait concevoir de tous les vains discours, des gens du monde : « Narraverunt mihi iniqui fabulationes, sed non ut lex tua.
» C'est le sentiment que le S. Esprit inspire à tous ceux à qui il donne de l'amour pour sa sainte parole. Tous ces divertissements, qui sont si agréables à ceux qui aiment le monde leur sont une viande fade, dont ils ne sauraient
manger; parce qu'ils n'y voient que du vide, du néant, de la vanité et de la folie, et qu'ils n'y trouvent point le sel de la vérité et de la sagesse; ce qui leur fait dire avec Job, qu'ils n'en sauraient goûter : « An poterit comedi insulsum quod non est sale conditum ?
» « Qui pourrait manger de cette viande qui n'a point de sel ?
»
Mais si l'âme au contraire s'abandonne à ces faux plaisirs, elle perd incontinent le goût des spirituels, et ne trouve que du dégoût dans la parole de Dieu. Ce sont ces raisins verts dont le Prophète dit, qu'ils agacent et engourdissent les dents de ceux qui en mangent : « Omnis homo qui comedit uvam acerbam, obstupescent dentes ejus.
» C'est-à-dire, selon l'explication de S. Grégoire, que lorsqu'on se repaît des vaines joies du monde, les sens spirituels deviennent engourdis, et incapables de goûter et d'entendre les choses de Dieu. « Qui praesentis mundi delectatione pascitur, interni ejus sensus ligantur, ut jam
spiritualia mandere et intelligere non valeant.
» Or entre les joies du monde qui éteignent l'amour de la parole de Dieu, on peut dire que la Comédie et les Romans tiennent le premier rang, parce qu'il n'y a rien de plus opposé à la vérité, et que l'esprit de Dieu, comme dit S. Bernard, étant un esprit de vérité, ne peut avoir de part avec la vanité du monde. « Sed nec erit ei unquam pars cum mundi vanitate, cum veritatis sit spiritus.
»