XXII.
Non seulement la Comédie et les Romans rendent l'esprit mal disposé pour toutes les actions de Religion et de piété, mais ils le dégoûtent en quelque manière de toutes les actions sérieuses et communes. Comme on n'y représente que des galanteries ou des aventures extraordinaires, et que les discours de ceux qui y parlent sont assez éloignés de ceux dont on use dans la vie commune;on y prend insensiblement une disposition d'esprit toute de Roman; on se remplit la tête de Héros et d'Héroïnes ; et les femmes principalement prenant plaisir aux adorations qu'on y rend à celles de leur sexe, dont elles voient l'image et la pratique dans les compagnies de divertissement, où de jeunes gens leur débitent ce qu'ils ont appris des Romans, et les traitent en Nymphes et Déesses, s'impriment tellement dans la fantaisie cette sorte de vie, que les petites affaires de leur ménage leur deviennent insupportables. Et quand elles reviennent dans leurs maisons avec cet esprit évaporé et tout plein de ces folies, elles y trouvent tout désagréable, et surtout leurs maris qui, étant occupés de leurs affaires, ne sont pas toujours en humeur de leur rendre ces complaisances ridicules, qu'on rend aux femmes dans les Comédies et dans les Romans.