XIII.
C'est encore un très grand abus, et qui trompe beaucoup de monde, que de ne considérer point d'autres mauvais effets dans ces représentations, que celui de donner des pensées contraires à la pureté, et de croire ainsi qu'elles ne nous nuisent point, lorsqu'elles ne nous nuisent point en cette manière : comme s'il n'y avait point d'autres vices que celui-là, et que nous n'en fussions pas aussi susceptibles. Cependant si l'on considère les Comédies de ceux qui ont le plus affecté cette honnêteté apparente, on trouvera qu'ils n'ont évité de représenter des objets entièrement déshonnêtes, que pour en peindre d'autres aussi criminels, et qui ne sont guère moins contagieux. Toutes leurs pièces ne sont que de vives représentations des passions d'orgueil, d'ambition, de jalousie, de vengeance, et principalement de cette vertu Romaine, qui n'est autre chose qu'un furieux amour de soi-même. Plus ils colorent ces vices d'une image de grandeur et de générosité, plus ils les rendent dangereux et capables d'entrer dans les âmes les mieux nées ; et l'imitation de ces passions ne nous plaît que parce que le fond de notre corruption excite en même temps un mouvement tout semblable, qui nous transforme en quelque sorte, et nous fait entrer dans la passion qui nous est représentée.