V.
Le mariage règle la concupiscence, mais il ne la rend pas réglée. Elle retient toujours quelque chose du dérèglement qui lui est propre ; et ce n'est que par force qu'elle se contient dans les bornes que la raison lui prescrit. Or en excitant cette passion par les Comédies, on n'imprime pas en même temps l'amour de ce qui la règle. Les spectateurs ne reçoivent que l'impression de la passion, et peu ou point de la règle de la passion. L'auteur l'arrête où il veut dans ses personnages par un trait de plume ; mais il ne l'arrête pas de même en ceux en qui il l'excite. La représentation d'un amour légitime et celle d'un amour qui ne l'est pas font presque le même effet, et n'excitent qu'un même mouvement qui agit ensuite diversement selon les différentes dispositions qu'il rencontre : et souvent même, la représentation d'une passion couverte de ce voile d'honneur est plus dangereuse, parce que l'esprit la regarde avec moins de précaution, qu'elle y est reçue avec moins d'horreur, et que le cœur s'y laisse aller avec moins de résistance.