II.
Il est impossible de considérer le métier de Comédien, et de le comparer avec la profession Chrétienne, qu'on ne reconnaisse qu'il n'y a rien de plus indigne d'un enfant de Dieu et d'un membre de Jésus-Christ que cet emploi. On ne parle pas seulement des dérèglements grossiers, et de la manière dissolue dont les femmes paraissent sur le théâtre, parce que les défenseurs de la Comédie en séparent toujours ces sortes de désordres par l'imagination, quoiqu'on ne les en sépare jamais effectivement. On ne parle que de ce qui en est entièrement inséparable. C'est un métier qui a pour but le divertissement des autres ; où des hommes et des femmes représentent des passions de haine, de colère, d'ambition, de vengeance, et principalement d'amour. Il faut qu'ils les expriment le plus naturellement, et le plus vivement qu'il leur est possible ; et ils ne le sauraient faire s'ils ne les excitent en quelque sorte en eux-mêmes, et si leur âme ne se les imprime, pour les exprimer extérieurement par les gestes, et par les paroles. Il faut donc que ceux qui représentent une passion d'amour en soient en quelque sorte touchés pendant qu'ils la représentent; et il ne faut pas s'imaginer que l'on puisse effacer de son esprit cette impression qu'on y a excitée volontairement, et qu'elle ne laisse pas en nous une grande disposition à cette même passion qu'on a bien voulu ressentir. Ainsi la Comédie par sa nature même est une école et un exercice de vice, puisqu'elle oblige nécessairement à exciter en soi-même des passions vicieuses. Que si l'on considère que toute la vie des Comédiens est occupée dans cet exercice : qu'ils la passent tout entière à apprendre en particulier, ou à répéter entre eux, ou à représenter devant des spectateurs, l'image de quelque vice ; qu'ils n'ont presque autre chose dans l'esprit que ces folies; on verra facilement qu'il est impossible d'allier ce métier avec la pureté de notre religion. Et ainsi il faut avouer que c'est un emploi profane et indigne d'un Chrétien ; que ceux qui l'exercent sont obligés de le quitter, comme tous les Conciles l'ordonnent ; et par conséquent qu'il n'est point permis aux autres de contribuer à les entretenir dans une profession contraire au Christianisme, ni de l'autoriser par leur présence.