I.
Il n'y a guère eu que ce siècle-ci où l'on ait entrepris de justifier la Comédie, et de la faire passer pour un divertissement qui se pouvait allier avec la dévotion. Les autres étaient plus simples dans le bien et dans le mal. Ceux qui y faisaient profession de piété témoignaient par leurs actions et par leurs paroles, l'horreur qu'ils avaient de ces spectacles profanes. Ceux qui étaient possédés de la passion du théâtre, reconnaissaient au moins qu'ils ne suivaient pas en cela les règles de la religion chrétienne. Mais il s'est trouvé des gens dans celui-ci, qui ont prétendu pouvoir allier sur ce point la piété et l'esprit du monde. On ne se contente pas de suivre le vice, on veut encore qu'il soit honoré et qu'il ne soit pas flétri par le nom honteux de vice, qui trouble toujours un peu le plaisir que l'on y prend, par l'horreur qui l'accompagne. On a donc tâché de faire en sorte que la conscience s'accommodât avec la passion, et ne la vînt point inquiéter par ses importuns remords. Et c'est à quoi on a beaucoup travaillé sur le sujet de la Comédie. Car comme il n'y a guère de divertissement plus agréable aux gens du monde que celui-là, il leur était fort important de s'en assurer une jouissance douce, et tranquille, afin que rien ne manquât à leur satisfaction. Le moyen qu'emploient pour cela ceux qui sont les plus subtils, est de se former une certaine idée métaphysique de Comédie, et de purifier cette idée de toute sorte de péché. La Comédie, disent-ils, est une représentation d'actions et de paroles comme présentes. Quel mal y a-t-il en cela ? Et après avoir ainsi justifié leur idée générale de Comédie; ils croient avoir prouvé qu'il n'y a point de péché aux Comédies ordinaires, et ils y assistent ensuite sans scrupule. Mais le moyen de se défendre de cette illusion est de considérer au contraire la Comédie, non dans une spéculation chimérique, mais dans la pratique commune et ordinaire dont nous sommes témoins. Il faut regarder quelle est la vie d'un Comédien et d'une Comédienne, quelle est la matière et le but de nos Comédies ; quels effets elles produisent d'ordinaire dans les esprits de ceux qui les représentent, ou qui les voient représenter ; quelles impressions elles leur laissent ; et examiner ensuite si tout cela a quelque rapport avec la vie, les sentiments et les devoirs d'un véritable Chrétien. C'est ce qu'on a dessein de faire dans cet écrit. Mais comme la plupart des raisons dont on se servira s'étendent naturellement à la lecture des Romans, on les y comprendra souvent, et l'on prie ceux qui le liront de les y comprendre quand on ne le fera pas expressément.