XXVIII.
Dieu ne nous impute pas les froideurs qui viennent de la soustraction de ses lumières,
ou simplement de la pesanteur du corps; mais il nous impute sans doute celles auxquelles
nous avons contribué par notre négligence, et nos vains divertissements. Il veut que
nous n'estimions rien tant que le don précieux qu'il nous a fait de son amour, et que
nous ayons soin de l'entretenir en lui donnant de la nourriture. C'est le commandement
qu'il a fait à tous les chrétiens en la personne des Prêtres de l'ancienne loi, auxquels
il ordonne d'entretenir toujours le feu sur l'autel, et d'avoir soin d'y mettre tous les
jours du bois le matin: « Ignis in altari semper ardebit, quem nutriet Sacerdos
subjiciens mane ligna per singulos dies.
» Cet autel est le cœur de l'homme,
et chaque chrétien est le Prêtre qui doit avoir soin de nourrir sur l'autel de son cœur
le feu de la charité, en y mettant tous les jours du bois c'est-à-dire, en l'entretenant
par la méditation des choses de Dieu et par les exercices de piété. Or si ceux qui vont
à la Comédie ont encore quelque sentiment de piété, ils ne peuvent désavouer qu'elle
n'éteigne et n'amortisse entièrement la dévotion. Et ainsi ils ne doivent point douter
que Dieu ne les juge très coupables d'avoir fait si peu d'état de son amour, qu'au lieu
de le nourrir et de
tâcher de l'augmenter, ils n'aient point craint de
l'éteindre par leurs vains divertissements, et qu'il ne leur impute comme un grand péché
le refroidissement, ou la perte de leur charité. Car si la dissipation des biens du
monde et de l'or terrestre, par le jeu et par le luxe n'est pas un petit péché, que
doit-on juger de la dissipation des biens de la grâce, et de cet or enflammé dont parle
l'Écriture, que nous devrions acheter par la perte de tous les biens et de tous les
plaisirs de la vie ?