(1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — XXIV.  » pp. 482-483
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(1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — XXIV.  » pp. 482-483

XXIV.

Le besoin que les hommes ont de se divertir n'est pas de beaucoup si grand que l'on croit, et il consiste plus en imagination ou en accoutumance, qu'en une nécessité réelle. Ceux qui sont occupés aux travaux extérieurs n'ont besoin que d'une simple cessation de leur travail. Ceux qui sont employés dans des affaires pénibles à l'esprit et peu laborieuses au corps, ont besoin de se recueillir de la dissipation qui naît naturellement de ces sortes d'emplois et non pas de se dissiper encore davantage par des divertissements qui attachent fortement l'esprit: c'est une moquerie de croire qu'on ait besoin de passer trois heures dans une Comédie à se remplir l'esprit de folies. Les hommes de ce temps-ci n'ont pas l'esprit autrement fait que ceux du temps de S. Louis qui s'en passaient bien, puisqu'il chassa les comédiens de son royaume. Ceux qui sentent en eux ce besoin le doivent considérer non comme une faiblesse naturelle; mais comme un vice d'accoutumance, qu'il faut guérir en s'occupant sérieusement. Un homme qui a bien travaillé est satisfait quand il cesse de travailler, et il se divertit à ce qui le désoccupe. La Comédie n'est nécessaire qu'à ceux qui se divertissent toujours, et qui tâchent de remédier au dégoût qui accompagne naturellement l'excès des plaisirs; et comme cette nécessité ne vient que de leur mauvaise disposition, qu'ils sont obligés de corriger, on peut dire qu'elle n'est nécessaire à personne, et qu'elle est dangereuse à tout le monde.