(1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — XII.  » p. 467
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(1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — XII.  » p. 467

XII.

Le plaisir de la Comédie est un mauvais plaisir, parce qu'il ne vient ordinairement que d'un fond de corruption, qui est excité en nous par ce qu'on y voit. Et pour en être convaincu il ne faut que considérer que lorsque nous avons une extrême horreur pour une action on ne prend point de plaisir à la voir représenter : et c'est ce qui oblige les Poètes de dérober à la vue des spectateurs tout ce qui leur peut causer cette horreur désagréable. Quand on ne sent donc pas la même aversion pour les folles amours et les autres dérèglements que l'on représente dans les Comédies, et qu'on prend plaisir à les envisager, c'est une marque qu'on ne les haït pas, et qu'il s'excite en nous je ne sais quelle inclination pour ces vices, qui naît de la corruption de notre cœur. Si nous avions l'idée du vice selon sa naturelle difformité, nous ne pourrions pas en souffrir l'image. C'est pourquoi un des plus grands poètes de ce temps remarque qu'une de ses plus belles pièces n'a pas été agréable sur le théâtre, parce qu'elle frappait l'esprit des spectateurs d'une idée horrible d'une prostitution à laquelle une1 Sainte Martyre avait été condamnée. Mais ce qu'il tire de là pour justifier la Comédie, qui est que le Théâtre est maintenant si chaste que l'on n'y saurait souffrir les objets déshonnêtes, est ce qui la condamne manifestement. Car on peut apprendre de cet exemple que l'on approuve en quelque sorte tout ce que l'on souffre et ce que l'on voit avec plaisir sur le Théâtre, puisque l'on ne peut souffrir ce que l'on a en horreur. Et par conséquent y ayant encore tant de corruptions et de passions vicieuses dans les Comédies qui paraissent les plus innocentes, c'est une marque qu'on ne haït pas ces dérèglements, puisqu'on prend plaisir à les voir représenter.