(1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — VII.  » p. 461
/ 1079
(1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — VII.  » p. 461

VII.

On se trompe fort en croyant que la Comédie ne fait aucune mauvaise impression sur soi, parce qu'on ne sent point qu'elle excite aucun mauvais désir formé. Il y a bien des degrés avant que d'en venir à une entière corruption d'esprit, et c'est toujours beaucoup nuire à l'âme que de ruiner les remparts qui la mettaient à couvert des tentations. C'est beaucoup lui nuire que de l'accoutumer à regarder ces sortes d'objets sans horreur et avec quelque sorte de complaisance, et de lui faire croire qu'il y a du plaisir à aimer et à être aimé. L'aversion qu'elle en avait était comme des dehors qui fermaient l'entrée au diable, et quand ils sont ruinés par la Comédie, il y entre ensuite facilement. L'on ne commence pas à tomber quand on tombe sensiblement, les chutes de l'âme sont longues, elles ont des progrès et des préparations; et il arrive souvent qu'on ne succombe à des tentations que parce qu'on s'est affaibli en des occasions qui ont paru de nulle importance, étant certain que celui qui méprise les petites choses s'engage peu à peu à tomber. « Qui spernit modica paulatim decidet" C'est un des sens de cette parole de Job: " Qui habitant domos luteas consumentur velut a tinea. » Ce qui marque que ceux qui vivent de la vie des sens et dans les plaisirs du monde sont souvent consumés par des passions dont l'effet est insensible au commencement comme celui de la tigne l'est sur les habits, et qu'ils attirent, comme dit un Prophète, l'iniquité dans leurs cœurs par ces vains amusements : « Vae qui trahitis iniquitatem in funiculis vanitatis. »