VII.
On se trompe fort en croyant que la Comédie ne fait aucune mauvaise impression sur soi,
parce qu'on ne sent point qu'elle excite aucun mauvais désir formé. Il y a bien des
degrés avant que d'en venir à une entière corruption d'esprit, et c'est toujours
beaucoup nuire à l'âme que de ruiner les remparts qui la mettaient à couvert des
tentations. C'est beaucoup lui nuire que de l'accoutumer à regarder ces sortes d'objets
sans horreur et avec quelque sorte de complaisance, et de lui faire croire qu'il y a du
plaisir à aimer et à être aimé. L'aversion qu'elle en avait était comme des dehors qui
fermaient l'entrée au diable, et quand ils sont ruinés par la Comédie, il y entre
ensuite facilement. L'on ne commence pas à tomber quand on tombe sensiblement, les
chutes de l'âme sont longues, elles ont des progrès et des préparations; et il arrive
souvent qu'on ne succombe à des tentations que parce qu'on s'est affaibli en des
occasions qui ont paru de nulle importance, étant certain que celui qui
méprise les petites choses s'engage peu à peu à tomber. « Qui spernit modica
paulatim decidet"
C'est un des sens de cette parole de Job: " Qui
habitant domos luteas consumentur velut a tinea.
» Ce qui marque que ceux qui
vivent de la vie des sens et dans les plaisirs du monde sont souvent consumés par des
passions dont l'effet est insensible au commencement comme celui de la tigne l'est sur
les habits, et qu'ils attirent, comme dit un Prophète, l'iniquité dans leurs cœurs par
ces vains amusements : « Vae qui trahitis iniquitatem in funiculis
vanitatis.
»