(1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — V.  » p. 459
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(1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — V.  » p. 459

V.

Ce qui rend le danger de la Comédie plus grand, est qu'elle éloigne tous les remèdes qui peuvent empêcher la mauvaise impression qu'elle fait. Le cœur y est amolli par le plaisir. L'esprit y est tout occupé des objets extérieurs, et entièrement enivré des folies qu'il y voit représenter, et par conséquent hors de l'état de la vigilance chrétienne nécessaire pour éviter les tentations, et comme un roseau capable d'être emporté de toutes sortes de vents. Il y a bien de l'apparence que personne n'a jamais songé de s'y préparer par la prière, puisque l'Esprit de Dieu porterait bien plutôt à éviter ce divertissement dangereux, qu'à lui demander la grâce d'être préservé de la corruption qui s'y rencontre. Que si les personnes qui vivent dans la retraite et dans l'éloignement du monde, ne laissent pas de trouver de grandes difficultés dans la vie chrétienne au fond même des monastères; s'ils reçoivent des atteintes du commerce du monde, lors même que c'est la charité et la nécessité qui les y engage, et qu'ils se tiennent sur leurs gardes autant qu'ils peuvent pour y résister ; quelles peuvent être les plaies et les chutes de ceux qui, menant une vie toute sensuelle s'exposent à des tentations, auxquelles les plus forts ne pourraient pas résister ? Ne doit-on pas dire d'eux, en les comparant avec les personnes spirituelles de l'Église, ce que Job dit de l'homme en le comparant avec les Anges ; « Ecce qui serviunt ei non sunt stabiles, et in angelis suis reperit pravitatem, quanto magis hi qui habitant domos luteas consumentur velut a tinea ? » Ces esprits qui servent à Dieu de ministres ne sont pas stables, et il trouve des défauts dans ses Anges mêmes ; à combien plus forte raison des âmes enfermées dans des corps, comme dans des maisons de boue, seront-elles sujettes à la corruption et au péché ? Ou ce que dit Isaïe : « Super humum populi mei spinae et vepres ascenderunt; quanto magis super omnem domum gaudii civitatis exultantis ? » Si la terre de mon peuple dit le Seigneur, est couverte de ronces et d'épines; c'est-à-dire si les âmes qui soupirent après leur patrie céleste sont quelquefois percées par les pointes du péché, à quels désordres ne s'emporteront point ceux qui vivent dans les plaisirs, et qui ont le cœur rempli de toutes les folles joies du monde ? « Quanto magis super omnem domum gaudii civitatis exultantis ? »