REMARQUES
SUR LE LIVRE DE J.J. ROUSSEAU, CONTRE LES SPECTACLESd.
Texte.
Page 13.
« Vous serez sûrement le premier Philosophe (M. d’Alembert) qui jamais ait excité un Peuple libre, une petite Ville, et un Etat pauvre à se charger d’un Spectacle public.
»
Page 14.
« Tout amusement inutile est un mal pour un être dont la vie est si courte et le temps si précieux.
»
Pages 15 et 16.
« L’on croit s’assembler au Spectacle, et c’est là que chacun s’isole : c’est là qu’on va oublier ses amis, ses voisins, ses proches, pour s’intéresser à des fables, pour pleurer les malheurs des morts, ou rire aux dépens des vivants. Mais j’aurais dû sentir que ce langage
n’est plus de saison dans notre siècle. Tâchons d’en prendre un qui soit mieux entendu.
»
Page 17.
« Quand à l’espèce des Spectacles, c’est nécessairement le plaisir qu’ils donnent, et non l’utilité qui les détermine9 ; si l’utilité peut s’y trouver, à la bonne heure.
»
Pages 21 et 22.
« Quand Arlequin Sauvage est si bien accueilli des Spectateurs, pense-t-on que ce soit par le goût qu’ils prennent pour le sens et la simplicité de ce personnage, et qu’un seul d’entre eux voulût pour cela lui ressembler ? C’est tout au contraire, que cette Pièce favorise
leur tour d’esprit, qui est d’aimer et rechercher les idées neuves et singulières, et il n’y en a point de plus neuves pour eux que celles de la nature. C’est précisément leur aversion pour les choses communes, qui les ramène quelquefois aux choses simples.
»
Page 22.
« Il s’ensuit de ces premières observations, que l’effet général du Spectacle est de renforcer le caractère national, d’augmenter les inclinations naturelles, et de donner une nouvelle énergie à toutes les passions.
»
Page 23.
« Le Théâtre purge les passions qu’on n’a pas, et fomente celles qu’on a. Ne voilà-t-il pas un remède bien administré ?
»
Note de la Page 24.
« Qu’on mette pour voir sur la Scène Française un homme droit et vertueux, mais simple et grossier, sans amour, sans galanterie, et qui ne fasse pas de belles phrases ; [...] j’aurai tort si l’on réussit.
»
Page 26.
« L’opinion n’en dépend point (du Théâtre), puisqu’au lieu de faire la loi au Public, le Théâtre la reçoit de lui.
»
Page 30.
« Que va-t-il voir au Spectacle (le Méchant) ? Précisément ce qu’il voudrait trouver partout, des leçons de vertu pour le Public, dont il s’excepte, et des gens immolant tout à leur devoir tandis qu’on n’exige rien de lui.
»
Pages 35 et 36.
« Ces productions d’esprit, comme la plupart des autres, n’ont pour but que les applaudissements.
»
« Quand l’Auteur en reçoit, et que les Acteurs les partagent, la Pièce est parvenue à son but, et l’on n’y cherche point d’autre utilité. Or si le bien est nul, reste le mal ; et comme celui-ci n’est point douteux, la question me paraît décidée.
»
Page 49.
« Tout en est mauvais et pernicieux (de la Comédie), tout tire à conséquence
pour les Spectateurs ; et les plaisirs même du Comique étant fondés sur un vice du cœur humain, c’est une suite de ce principe, que plus la Comédie est agréable et parfaite, plus son effet est funeste aux mœurs.
»
Page 73.
« Je ne ferai pas à Dancourt l’honneur de parler de lui.
»
Page 75.
« Nos Auteurs modernes, guidés par de meilleures intentions, font des Pièces plus épurées.
»
Page 86.
« Quand il serait vrai qu’on ne peint au Théâtre que des passions légitimes, s’ensuit-il de là que les impressions en sont plus faibles, que les effets en sont
moins dangereux ? Comme si les vives images d’une tendresse innocente étaient moins douces, moins séduisantes, moins capables d’échauffer un cœur sensible, que celles d’un amour criminel à qui l’horreur du vice sert au moins de contrepoison ? Mais si l’idée de l’innocence embellit quelques instants le sentiment qu’elle accompagne, bientôt les circonstances l’effacent de la mémoire, tandis que l’impression d’une passion si douce reste gravée au fond du cœur. [...] D’une action fort honnête faire un exemple de corruption : voilà l’effet des amours permis au Théâtre.
»
Page 93.
« Pour moi je crois entendre chaque Spectateur dire en son cœur à la fin de la Tragédie : Ah ! qu’on me donne une
Zaïre, je ferai bien en sorte de ne la pas tuer.
»
Page 97.
« Je crois qu’on peut conclure de ces considérations diverses, que l’effet moral du Spectacle et des Théâtres ne saurait jamais être bon ni salutaire en lui-même.
»
Page 100.
« Dans une grande ville pleine de gens intrigants, désœuvrés, sans religion, sans principes, dont l’imagination dépravée par l’oisiveté, la fainéantise, par l’amour du plaisir, et par de grands besoins, n’engendre que des monstres, et n’inspire que des forfaits ; dans les grandes villes où les mœurs et l’honneur ne sont rien, parce que chacun dérobant aisément sa conduite
aux yeux du public, ne se montre que par son crédit, et n’est estimé que par ses richesses ; la Police ne saurait trop multiplier les plaisirs permis, ni trop s’appliquer à les rendre agréables, pour ôter aux particuliers la tentation d’en chercher de plus dangereux. Comme les empêcher de s’occuper, c’est les empêcher de mal faire, deux heures par jour, dérobées à l’activité du vice, sauvent la douzième partie des crimes qui se commettraient.
»
Page 108.
« Je n’ai rien retenu de leurs mœurs, de leurs sociétés, de leurs caractères, (des Montagnons). Aujourd’hui que j’y porterais d’autres yeux, faut-il ne revoir plus cet heureux pays ? Hélas il est sur la route du mien !
»
Page 110.
« Dieu veuille qu’on n’y mette pas des lanternes, (chez les Montagnons.)
»
Page 112.
« En certains lieux les Spectacles seront utiles pour rendre les gens riches moins mal-faisants ; pour distraire le peuple de ses misères ; pour lui faire oublier ses Chefs en voyant ses Baladins ; pour maintenir et perfectionner le goût quand l’honnêteté est perdue ; pour couvrir d’un vernis de procédés la laideur du vice ; pour empêcher, en un mot, que les
mauvaises mœurs ne dégénèrent en brigandage.
»
Page 113.
« De ces nouvelles réflexions il résulte une conséquence directement contraire à celle que je tirais des premières.
»
Page 115.
« Des Spectacles et des mœurs ! Voilà ce qui formerait vraiment un spectacle à voir.
»
Page 118.
« Quant au choix des instruments propres à diriger l’opinion publique, c’est une autre question qu’il serait superflu de résoudre pour vous, et que ce n’est pas ici le lieu de résoudre pour la multitude.
»
Page 133.
« Le hasard, mille causes fortuites, mille circonstances imprévues, font ce que la force et la raison ne sauraient faire.
»
Page 135.
« L’état des Comédiens est un état de licence et de mauvaises mœurs ; les hommes y sont livrés au désordre ; les femmes y mènent une vie scandaleuse.
»
Page 136. Note.
« Si les Anglais ont inhumé la célèbre Oldfield à côté de leurs Rois, ce n’était pas son métier, mais son talent qu’ils voulaient honorer.
»
Page 141.
« La Tragédie chez les Grecs n’étant d’abord jouée que par des hommes, on ne voyait point sur leur Théâtre ce mélange scandaleux d’hommes et de femmes, qui fait des nôtres autant d’Ecoles de mauvaises mœurs.
»
Page 144.
« Quel est l’esprit que le Comédien reçoit de son état ? Un mélange de bassesse, de fausseté, de ridicule orgueil, et d’indigne avilissement, qui le rend propre à toutes sortes de personnages, hors le plus noble de tous, celui d’homme qu’il abandonne.
»
Page 147.
« Y a-t-il rien de plus odieux, de plus choquant, de plus lâche, qu’un honnête homme à la Comédie, faisant le rôle
d’un scélérat, et déployant tout son talent pour faire valoir de criminelles maximes, dont lui-même est pénétré d’horreur ?
»
Page 147.
« Dans ce siècle, où règnent si fièrement les préjugés et l’erreur sous le nom de Philosophie, les hommes abrutis par leur vain savoir, ont fermé leur esprit à la voix de la raison, et leur cœur à celle de la nature.
»
Page 148.
« Les Anglaises sont douces et timides.
»
Page 148.
Les Anglais et les Anglaises « ont tous deux un grand respect pour les choses honnêtes.
»
Page 149.
« Les Dames Anglaises errent aussi volontiers dans leurs Parcs solitaires, qu’elles vont se montrer à Vauxhall. De ce goût commun pour la solitude, naît aussi celui des lectures contemplatives et des Romans, dont l’Angleterre est inondée
» (t).
Note.
(t) « Ils sont, comme les hommes, sublimes ou détestables.
»
Page 150.
« La honte et la pudeur sont dans les femmes inséparables de l’honnêteté.
»
Page 150.
« A l’instant va s’élever contre moi cette Philosophie d’un jour, qui naît et meurt dans le coin d’une grande Ville, et veut étouffer de là le cri de la nature, et la voix unanime du genre humain.
»
Pages 151 et 152.
« Préjugés populaires ! me crie-t-on. Petites erreurs de l’enfance ! Pourquoi rougirions-nous des besoins que nous donna la nature ? Pourquoi trouverions-nous un motif de honte dans un acte aussi indifférent en soi et aussi utile dans ses effets ?… Par cette manière de raisonner, ceux qui ne voient pas pourquoi l’homme est existant, devraient nier qu’il existe.
»
Page 153.
« Les désirs sont égaux ! Qu’est-ce à dire ? Y a-t-il de part et d’autre mêmes facultés de les satisfaire ? Que deviendrait l’espèce humaine, si l’ordre de l’attaque et de la défense était changé ? L’assaillant choisirait au hasard des temps où la victoire serait impossible ;
l’assailli serait laissé en paix, quand il aurait besoin de se rendre, et poursuivi sans relâche, quand il serait trop faible pour succomber.
»
Pages 158. et 159.
« L’argument tiré de l’exemple des bêtes, ne conclut point et n’est pas vrai. L’homme n’est point un chien ni un loup. Il ne faut qu’établir dans son espèce les premiers rapports de la société, pour donner à ses sentiments une moralité toujours inconnue aux bêtes. Les animaux ont un cœur et des passions ; mais la sainte image de l’honnête et du beau, n’entra jamais que dans le cœur de l’homme.
»
Page 165.
« Par le progrès de la politesse elle a dû enfin dégénérer en grossièreté. C’est ainsi que la modestie naturelle au sexe est peu à peu disparue, et que les mœurs des vivandières se sont transmises aux femmes de qualité.
»
Page 171.
« Je n’aurais rempli qu’imparfaitement ma tâche, si je ne cherchais sur notre situation particulière, ce qui résultera de l’établissement d’un Théâtre dans notre ville.
»
Page 188.
« Qu’un Monarque gouverne des hommes ou des femmes, cela lui doit être assez indifférent, pourvu qu’il soit obéi ; mais dans une République il faut des hommes.
»
Page 194. Note.
« Les écrits des femmes sont tous froids et jolis comme elles ; ils auront tant d’esprit que vous voudrez, jamais d’âme ; ils seraient cent fois plutôt sensés que passionnés. Elles ne savent ni décrire ni sentir l’amour même.
»
Pages 206 et 207.
« Le vin tente moins la jeunesse et l’abat moins aisément ; un sang ardent lui donne d’autres désirs ; dans l’âge des passions toutes s’enflamment au feu d’une seule, la raison s’altère en naissant, et l’homme encore indompté devient indisciplinable avant que d’avoir porté ce joug des lois. […] Il se rend l’ennemi public par l’exemple et l’effet de ses mœurs corrompues […] Il vaudrait mieux qu’il n’eût point existé.
»
Page 227.
« Qu’est-ce au fond que ce goût si vanté ? L’art de se connaître en petites choses.
»
Page 248.
« Je voudrais qu’en général, dans les bals que je propose, toute personne
mariée y fût admise au nombre des spectateurs et des juges, sans qu’il fût permis à aucune de profaner la dignité conjugale en dansant elle-même : car à quelle fin honnête pourrait-elle se donner ainsi en montre au public ?
»
Page 257.
« A Sparte, dans une laborieuse oisiveté, tout était plaisir et spectacle.
»
Page 258.
« Pense-t-on qu’au fond l’adroite parure de nos femmes ait moins son danger, qu’une nudité absolue, dont l’habitude tournerait bientôt les premiers effets en indifférence et peut-être en dégoût ?
»
Pages 258 et 259.
« Ne sait-on pas que les statues et les tableaux n’offensent les yeux, que quand un mélange de vêtements rend les nudités obscènes ?
»
Réponse.
I.
Les Spectacles par eux-mêmes ne sont point contraires à la Philosophie ; la seule erreur de M. d’Alembert est peut-être d’avoir proposé de les établir à Genève.
II.
Le mal par rapport à l’homme est la souffrance et le dégoût, non l’amusement et l’émotion dont il a essentiellement besoin.
III.
Qu’importe si les sujets sont morts ou vivants ? Ce sont les vertus qui intéressent, et elles sont toujours vivantes. La Salle d’un Spectacle est le cabinet des honnêtes gens ; c’est là qu’ils viennent penser, s’échauffer, s’exciter vers l’honnête et le beau ! un Spectacle vertueux est la nourriture des âmes, il en est l’exercice, non l’oisiveté.
IV.
Cette seconde condition n’est pas indifférente, c’est au contraire le principal moyen exigé, et c’est l’essence d’une bonne Pièce.
V.
La simple nature plaît dans Arlequin Sauvage e, parce que nous ne pouvons nous détacher d’elle, et que nous aimons à nous voir dans cette nudité.
VI.
Pour rendre le Spectacle utile, il n’y a donc qu’à choisir les passions vertueuses.
VII.
M. Rousseau est prié de nous faire apercevoir le sel ou le bon sens de cette plaisanterie.
VIII.
Le grossier sans doute nous déplairait ; partout il nous paraît un défaut ; mais la droiture et la franchise, qui ne seraient pas traitées d’une façon burlesque, nous intéresseraient sans autre secours ; elles crient sans cesse au fond de notre âme.
IX.
L’opinion publique s’y soumet à la longue : Qui a poli les mœurs et le langage des Athéniens, si ce n’est leur Théâtre ?
X.
Le méchant pourrait profiter de la pratique des vertus qu’on ferait aimer aux hommes ; donc il ne faut pas exciter les hommes à la vertu ? Quelle conclusion !
XI.
Les applaudissements que les Auteurs s’efforcent de mériter, sont ordinairement ceux qui peuvent leur rapporter une réputation de bonnes mœurs et de vertu, parce qu’elle est la seule qui donne de la considération.
Si la Pièce nous arrache des larmes, ou de pitié pour un innocent malheureux, ou de joie pour un opprimé qui triomphe ; si elle peint dignement quelque vertu ; si elle inspire de l’horreur pour quelque vice, elle aura les applaudissements qui lui sont dus ; les Acteurs jouiront de ceux qu’ils méritent ; le Spectateur lui-même s’applaudira d’avoir été sensible.
Ainsi je ne conçois pas comment dans ces productions d’esprit le bien est nul, et que le seul mal reste. Je nie la majeure de cette hypothèse scolastique.
XII.
Rendre ridicule les vices et les défauts, ce qui est l’effet du Comique, c’est fortifier et rendre agréables les vices du cœur humain. Quel faux jour est ceci ! Heureusement il est aisé à apercevoir.
XIII.
Que M. Rousseau nous permette de trouver plaisant ce souverain mépris de l’Auteur de Narcisse f pour l’Auteur des trois Cousines g.
XIV.
Aveu de sa part qu’il existe des Pièces où l’on enseigne la vertu.
XV.
Qu’un sentiment faux est difficile à soutenir ! plus on parle et plus on s’avilit. Enfin, selon M. Rousseau, c’est une corruption que d’enseigner la vertu et l’innocence des inclinations, parce qu’on peut en abuser ! La passion est en nous, ce n’est point elle que nous acquérons au Théâtre, mais précisément les circonstances qui l’embellissent, qui s’unissent à notre penchant, et le décident pour l’honnête.
XVI.
Mauvais bon mot d’une imagination ardente de jeune homme, que les nouveaux protecteurs de M. Rousseau approuveront sans doute !
XVII.
Même de ces considérations diverses que nous venons d’entendre, cette conclusion positive me paraît hasardée. Qu’on la mette vis-à-vis des principes que j’ai rappelés sur les conditions d’une bonne Pièce.
XVIII.
Calomnie atroce, qui attaque par un écrit public tous les peuples policés ! Oser dire que les grandes villes ne sont pleines que de scélérats, c’est être soi-même partisans du vice, c’est lui donner le principal attribut de la vertu : elle seule fait le lien des hommes : le crime les désunit : une société qui subsiste, présente nécessairement l’idée d’urbanité et de mœurs : L’oisiveté et la fainéantise se trouvent dans les forêts, le travail et l’industrie dans les villes.
Le peuple Français est sobre, laborieux, spirituel, industrieux ; il a la douceur de son climat ; il n’engendre point de monstres ; il n’est point couvert de forfaits. Magistrats qui le gouvernez, punissez ses calomniateurs ; dès qu’il verra que vous l’estimez, il se respectera lui-même ; l’ambition d’être estimable germera dans son cœur ; il acquerrra du nerf ; il se perfectionnera dans la vertu et dans les mœurs.
XIX.
Ceci est une histoire détachée, dont on ne voit ni l’à propos, ni le but : M. Rousseau met ces Montagnons, dont il a oublié les mœurs, la société et le caractère, au-dessus de tous les peuples de la terre. Il lui fallait un peuple qu’il ne connût pas, pour pouvoir en aimer un. Il regrette aussi son pays : (quoiqu’il dise dans un autre endroit, que la politesse et l’urbanité qui commencent a y paraître dans la jeunesse, le choquent terriblement.) Qu’il se satisfasse, et nous laisse dans nos Villes avec nos défauts : il doit abandonner des hommes pervertis, et assez dégradés pour chercher à s’amuser, et pour aimer à être ensemble.
XX.
Il lui était réservé de trouver mauvais l’établissement des lanternes dans Paris.
XXI.
Répétitions des mêmes injures.
XXII.
Laquelle faut-il croire ?
XXIII.
Fausse plaisanterie, puisque cela n’est nullement incompatible.
XXIV.
M. Rousseau croit superflu de prouver ce qu’il avance à la multitude (c’est-à-dire, à nous autres) : mais il trouve convenable de donner plutôt des leçons sur le Tribunal des Maréchaux de France. Cette épisode de la cour d’honneur prouve combien il a de suite dans l’esprit.
XXV.
Le hasard est un être de raison, un mot vide, inventé par l’ignorance : ce que nous nommons hasard, ce que nous croyons fortuit, est un résultat dont nous ignorons le calcul, de même que l’axiome que nous croyons le plus certain.
XXVI.
Vices de caractère, et non de profession !
XXVII.
Cette distinction ne peut avoir lieu. Quel était le talent de la célèbre Oldfield, si ce n’était celui de son métier ? Et si ce métier eût été réputé infâme, comment aurait-on pu honorer et récompenser l’art de le bien exercer ?
XXVIII.
Où est le scandale à voir des hommes et des femmes ensemble ? C’est l’ordre de la nature : et il me paraît plus scandaleux de voir les hommes faire le rôle des femmes. N’imitons point en cela les Grecs.
XXIX.
Un Comédien peut n’être point cela : ce n’est point son essence.
XXX.
Est-il permis de donner ces couleurs à un amusement sans conséquence, que nous nous procurons dans nos sociétés ?
XXXI.
Il se peint lui-même, s’écrierait ici le Lecteur indigné, s’il ne craignait de lui ressembler.
XXXII.
On ne croyait pas que ce fussent leurs vertus caractéristiques.
XXXIII.
« Chaque homme, chaque action a son prix ; » voilà leur principe ; c’est le fondement de leur société.
XXXIV.
Preuve admirable de leur solidité, que leur passion pour les Romans !
XXXV.
Ils ne sont point sublimes.
XXXVI.
Pourquoi la honte ? Ce n’est pas un crime d’être femme, et la honte ne suit que le crime.
XXXVII.
La reconnaissance ne paraît point être la vertu de M. Rousseau.
XXXVIII.
Fausse réfutation ! La pudeur ou timidité naturelle, qui naît de la délicatesse des organes, n’est point trouvée ridicule ; mais peut-être la loi qui la met en précepte, qui en donne des règles, et qui honore et déshonore les femmes pour le même acte.
XXXIX.
Raison originale ! Il imagine les femmes bien maladroites !
XL.
Palinodie formelle de l’Auteur ! Un vrai Philosophe employerait-il de pareils raisonnements ?
Un homme n’est pas un chien, un singe n’est pas un renard, qu’est-ce que cela prouve ?
Il s’agit ici, ce me semble, des passions et de la façon de les satisfaire. M. Rousseau accorde aux animaux un cœur et des passions comme aux hommes, voilà la ressemblance que l’on veut établir ; il oublie le démenti qu’il vient de donner.
Qui dispute que notre espèce n’ait une idée de l’honnête et du beau ? Mais l’honnête et le beau se trouvent-ils dans une pudeur artificielle et d’éducation, plutôt que dans la candeur et la bonne foi ?
XLI.
Quoi, on punit d’exil et de prison, les premiers d’un Etat, pour une chanson d’un jour que leur jeunesse a fait éclore, qui ne satirise qu’en particulier ! Et on laisse vomir, imprimer, et distribuer au Citoyen de Genève, des libelles infâmes, contre ce qu’il y a de plus respectable dans les Nations !
Les femmes de qualité, dit-il, sont parvenues à avoir les mœurs des Vivandières ! J’ai voyagé ou connu toute l’Europe, et partout j’ai trouvé la décence de chaque pays généralement observée.
XLII.
Qui est-ce qui a donné cette tâche à M. Rousseau ?
XLIII.
Ce n’est pas précisément la quantité de monde que l’on gouverne, ni son obéissance passive qui fait la force et le crédit d’un Royaume, c’est le nerf et l’industrie de chaque membre ; et un Royaume, pour fleurir, en exige davantage qu’une République, d’autant qu’ils sont moins excités.
Ainsi il est faux qu’il soit indifférent à un Monarque de gouverner des hommes ou des femmes.
XLIV.
Le Citoyen de Genève est encore le premier qui ait accusé les femmes d’être froides, et de ne pouvoir ni exprimer ni sentir l’amour. Eh, Héloïse ? Eh tant d’autres ? Toutes ses accusations vont à notre destruction ; mais il faut espérer qu’on en rappellera, dès qu’on sera sorti de l’étonnement que la singularité et la causticité de ce nouveau Diogène cause à tout le monde.
XLV.
Comment la raison était-elle avant que de naître ? A quel propos cette fureur assassine contre tous les jeunes gens répandus sur la terre, et qui font l’espérance de chaque Pays ? Il ne restait plus qu’eux à détruire.
XLVI.
Quelle définition du goût ! Le goût embrasse tout : c’est la justesse du tact, c’est la vérité même.
XLVII.
Voilà une autre singularité : la danse est un exercice salutaire à la santé, comme la promenade : quoi ! exciter le mouvement, le broiement de nos liquides et les ressorts de nos solides, c’est profaner la dignité conjugale ?
J’ignore cette dignité conjugale, qui m’empêche de me faire du bien en me divertissant : je ne connais de dignité naturelle que la dignité paternelle, et je danse encore sans croire blesser celle-ci, tout comme ses chers Spartiates, dont il nous donne lui-même les fêtes pour modèle.
XLVIII.
Laborieuse oisiveté est volé au Prince Persiflès.
XLIX.
Serions-nous moins bien organisés que les autres animaux ?
L.
On ne sait point cela : une belle nudité absolue fait, selon moi, plus d’effet qu’une demi-nudité.