(1825) Encore des comédiens et du clergé « CHAPITRE XI. De l’excommunication considérée comme injuste et par conséquent nulle, de la part des prêtres qui anathématisent les Comédiens, morts sans les secours spirituels de l’Eglise. » pp. 186-211
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(1825) Encore des comédiens et du clergé « CHAPITRE XI. De l’excommunication considérée comme injuste et par conséquent nulle, de la part des prêtres qui anathématisent les Comédiens, morts sans les secours spirituels de l’Eglise. » pp. 186-211

CHAPITRE XI.
De l’excommunication considérée comme injuste et par conséquent nulle, de la part des prêtres qui anathématisent les Comédiens, morts sans les secours spirituels de l’Eglise.

Nous avons considéré, sous le point de vue politique et celui de la législation, le délit que commet un prêtre, qui anathématise la profession de comédien, qui en exige l’abjuration, et qui, lorsqu’un acteur vient à mourir subitement, lui refuse les prières à l’église et la sépulture en terre sainte.

Nous allons examiner le même délit, sous le rapport des lois ecclésiastiques. En effet, pour que ce refus de prières et de sépulture puisse avoir lieu d’une manière canonique, il faut que les individus auxquels on voudrait l’appliquer, eussent été excommuniés, dénoncés dans les formes.

On sait maintenant, que les comédiens du troisième âge, ne sont point dans cette catégorie, et je l’ai démontré précédemment. Il en résulte que les prêtres qui, en matière d’excommunication, violent les saints canons et décrets des conciles, se rendent doublement coupables, envers l’autorité séculière et envers la discipline ecclésiastique.

Ce serait ici le lieu, de parler des différentes espèces d’excommunications qui sont fondées sur le droit naturel, que toute société doit avoir, de bannir de son corps ceux qui en violent les lois ; et on demanderait à l’autorité spirituelle si elle prétend avoir le droit de lancer un anathème dont l’effet puisse produire, dans l’ordre social, une peine civile et matérielle, sans la permission du souverain, dont l’excommunié est le sujet.

Je ne m’étendrai point sur cette question, qui cependant, mériterait d’être d’autant plus éclairée du flambeau de la critique, que des théologiens ultramontains l’ont obscurcie par des sophismes captieux, et ont adopté des principes basés sur l’injustice la plus révoltante et la plus contraire à l’indépendance, aux prérogatives, et à la dignité de l’autorité temporelle. Cette question tient aux plus hautes considérations, puisqu’elle intéresse la vie et la liberté des rois, que les ultramontains placent sous l’autorité des papes.

Je me bornerai ici, à distinguer l’espèce d’excommunication, que des prêtres semblent vouloir appliquer aux comédiens morts subitement sans les secours spirituels de l’église : mais je fais observer que le prêtre déclare implicitement, par cette excommunication, que celui qu’il anathématise est damné à jamais, à cause de sa profession de comédien.

L’excommunication dont il est ici question, est celle qui serait portée par une loi canonique et qui serait encourue de plein droit dès que l’action est commise ; par exemple, si on exerce une profession anathématisée par l’église. On les appelle excommunications du canon. Elles sont en si grand nombre, qu’il serait difficile aux plus savants canonistes d’en faire un dénombrement. Or, le comédien qui meurt subitement sans confession, et auquel on ne peut reprocher d’avoir refusé ou méprisé les secours spirituels de l’église, ne doit pas être anathématisé, attendu qu’il n’encourt aucune excommunication à raison de sa profession de comédien. Du reste, il doit être traité par l’église, comme tous les autres citoyens qui professent la religion chrétienne.

Le prêtre qui refuse les prières de l’église et la sépulture à un acteur, pour le seul fait de sa profession, commet un véritable délit envers les lois civiles et ecclésiastiques, c’est ce que nous avons déjà prouvé dans le chapitre précédent, en parlant de MM les procureurs du roi, dont le devoir est de s’opposer à de pareils abus.

Ainsi donc, les prêtres feraient non seulement ce qui ne leur est pas permis par notre législation, mais encore ils contreviendraient aux lois de l’église, en frappant d’opprobre, un cadavre que le prince et les citoyens honorent et qui dans l’ordre social réclame les égards qui sont dus à celui qui, de son vivant, a mérité l’estime de ses concitoyens.

Nous ajouterons qu’une conduite aussi blâmable et même coupable, est contraire à la charité chrétienne, puisque le prêtre en rejetant avec dédain et avec anathème, ce cadavre qui lui aurait été présenté, ose par cela même et sur sa responsabilité, prononcer que le défunt est damné éternellement, et que par conséquent toutes les prières de l’église lui seraient inutiles dans l’autre monde.

Les prêtres ne doivent-ils pas savoir qu’une seule pensée, qu’un seul moment d’élévation de l’âme du pécheur vers ce Dieu de bonté, de clémence et de miséricorde, que nous adorons tous, suffit pour opérer son salut et lui obtenir une place au séjour des bienheureux ? Or, si le comédien, saisi d’une mort subite, n’a pas eu le temps de demander un confesseur, mais qu’il ait pu adresser à l’être suprême son acte de contrition, et que Dieu dans sa toute puissance miséricordieuse, ait écouté les paroles de repentir du moribond et en ait appelé l’âme à lui ; ce comédien, dis-je, verra donc du haut des cieux, où il jouirait de la béatitude éternelle, son corps profané sur la terre, par le ministre du Dieu même qui lui aurait pardonné ! …. Ce corps ne recevra pas la sépulture chrétienne, et l’âme brillera d’un éclat céleste à côté du Dieu des chrétiens ! …. Le prêtre sera plus terrible que son maître suprême, il aura préjugé de ses desseins et il en aura consommé la vengeance sur terre, tandis que le pardon aura placé l’âme dans le ciel ! …. Par cette conduite téméraire, le prêtre se met également au-dessus de Dieu et au-dessus de l’autorité des rois, auxquels il doit compte de sa conduite lorsqu’elle porte le trouble dans la société, il frappe, il damne, il couvre de mépris et d’opprobres ce que Dieu glorifie et ce que l’autorité des rois honore et protège !

Cet orgueil démesuré, ce conflit d’autorité, cet abus de puissance est tout à fait contraire à l’esprit de notre sainte religion et à la volonté de notre législation.

Le clergé de France est d’autant moins fondé à frapper les acteurs, de l’anathème qui résulte de ses sentences exterminatoires, qu’il a lui-même aidé à leur institution, et que dans le principe de la création des comédiens du troisième âge, les prêtres ont rempli des rôles, dans les mystères que ces mêmes comédiens représentaient. Le scandale, qui alors avait lieu dans les processions profanes et obscènes, ainsi que dans les églises et sur les théâtres où se donnaient ces comédies pieuses, mais accompagnées de farces licencieuses, était tout à fait nuisible à la religion. L’autorité séculière défendit enfin aux prêtres, de remplir désormais des rôles de comédiens, et à ceux-ci de ne plus prendre leurs sujets de comédie dans les mystères de la religion.

Dans l’animadversion que le clergé témoigne contre les comédiens, il signale son ignorance, son injustice, son ingratitude, et il démontre en outre, qu’il agit avec deux poids et deux mesures, ainsi que je l’ai déjà dit plus haut. En cela rien n’est plus immoral et impolitique, de la part d’un corps aussi respectable que celui des prêtres.

Je répéterai ici, qu’on a vu des papes et des cardinaux, instituer des théâtres, tant à Rome qu’en Italie, et en France : on a vu un abbé directeur de notre opéra, à Paris ; on a vu des capucins, des cordeliers, des augustins, demander l’aumône par placet, aux sociétés théâtrales, et la recevoir de nos comédiens bienfaisants : on a vu des religieux et des prêtres de l’église apostolique et romaine, prier Dieu pour la prospérité de la compagnie des comédiens. C’est ce que j’ai fait connaître dans le livre intitulé : Les Comédiens et le Clergé, auquel je renvoie pour les détails.

On se demandera, comment des prêtres peuvent-ils prier Dieu pour des comédiens, que d’autres prêtres anathématisent et proscrivent ? Voilà ce que des théologiens devraient expliquer, mais je ne leur en fais pas le défi, car ils ont des réponses à tout.

On a vu encore des comédiens enterrés dans nos Eglises, tandis que d’autres n’ont pu obtenir de place dans nos cimetières. Cependant on voit journellement nos comédiens entrer dans nos temples, participer aux exercices de notre religion, faire des aumônes, rendre le pain béni, etc., etc., et continuer, en même temps, d’exercer leur profession ; donc ils ne sont pas excommuniés dénoncés ; car en ce cas, ils devraient être exclus de l’Eglise.

Les papes, les rois, les cardinaux, et tous les souverains de la chrétienté, qui ont institué des théâtres et des comédiens, pour le plaisir et l’instruction du public, ont-ils prétendu se damner, eux et leurs sujets, par la fréquentation à laquelle ils s’exposaient volontairement avec des excommuniés ? C’est donc de la part du prêtre, une usurpation sur l’autorité séculière, que de blâmer, punir, et damner la profession de comédien, que le prince a créée, et instituée.

Les prêtres qui, en invoquant les saints canons, veulent déshonorer la profession de comédien que les lois autorisent, assurément font preuve d’ignorance, ainsi que je l’ai démontré ; mais ils devraient du moins ne pas oublier eux-mêmes, ce qui leur est propre et obligatoire dans ces canons, et je le leur ai rappelé dans le livre des Comédiens et du Clergé aux pages 344 et 347.

C’est l’oubli de ces lois canoniques, qui a fait naître l’ambition et la soif des richesses dans le cœur des prêtres, et a causé, par leurs intrigues et leurs entreprises criminelles, tant de troubles, tant de désordres, tant de guerres de religion, tant d’assassinats et de régicides, dont malheureusement abonde l’histoire des peuples de la chrétienté.

Le péril est toujours imminent. Les principes anarchiques du fanatisme religieux, font des efforts continuels pour tout envahir et tout détruire. Présentement encore, la faction des moines et des jésuites ultramontains, exerce ses fureurs dans la péninsule, ainsi que je l’ai déjà dit. Elle voudrait en même temps pénétrer en France, elle cherche à y propager les mêmes principes, le même esprit, et y exciter les mêmes désordres. Déjà elle y entretient ses avant-postes à Montrouge, à Saint-Acheul et dans un grand nombre d’autres positions avantageuses, qui sont autant de repaires d’hypocrites et de fanatiques. De tout côté cette secte impie signale ses perfides projets par des intrigues ambitieuses et par les effets de sa funeste influence ; déjà elle publie des écrits remplis de fausses doctrines où elle proclame audacieusement la désobéissance et la résistance aux autorités légitimes, et y répand les principes abominables du régicide.

Parmi ces livres détestables, ou en distingue un entre autres, qui m’est parvenu au moment où j’écrivais ce chapitre. Je veux parler de l’ouvrage intitulé des Crimes de la Presse, dédié à la Sainte-Alliance (in-8° ; Paris, 1825, chez Potey, libraire, rue du Bac, n° 46)r.

L’auteur de ce livre anonyme, par un reste de pudeur sans doute, n’a pas osé compromettre son nom, craignant de lui faire partager l’infamie dont cette honteuse production sera à jamais flétrie. Je ne prétends pas dire que cet écrit ne contienne quelques réflexions utiles que j’approuve, mais qui ne peuvent justifier les doctrines anti-chrétiennes et séditieuses, dont il est infecté.

Qui le croirait ? cet écrivain furibond, foulant à ses pieds la charité, l’humilité et la douceur évangéliques, justifie les rigueurs salutaires de la Saint-Barthélemy s, donne des éloges mensongers à l’atroce inquisition, vante avec impudeur la clémence de ce tribunal de sang, et approuve toutes les cruautés religieuses.

Tel est le langage de ce détracteur furieux de la liberté de la presse, et il a soin d’assurer d’après son autorité, que de tous les crimes, ceux de la presse sont les plus grands.

Tel est le manifeste du fanatisme et de l’ultramontanisme, rédigé à Montrouge, et lancé dans le monde, pour y produire un grand effet, pour y répandre la terreur, et faire trembler l’opposition. Si on en croit à l’auteur de cette déclaration de guerre, la liberté de la presse va être anéantie, ou tellement garrottée, qu’elle sera presque nulle, et il propose de la soumettre à un tribunal arbitraire et inquisitorial.

Tant de moyens de répression, seront véritablement infaillibles pour donner raison au jésuitisme, et pour imposer silence aux courageux adversaires, des infâmes casuistes de la société ignacienne, qui n’ont cessé et ne cessent encore de prêcher la morale la plus dépravée, et d’autoriser le régicide.

Telles sont les mesures que, les pères de la foi veulent adopter, depuis qu’ils sont poussés à bout, par les arguments irrésistibles, auxquels ils ne peuvent plus répondre, malgré le système de dénégation qu’ils ont adopté et qui leur est commun avec tous les scélérats effrontés qui paraissent sur le banc des cours d’assises. Les écrivains qu’ils soudoient, ne font que déraisonner, que balbutier, et tous s’accordent à aboyer après des mesures inquisitoriales, comme étant leurs dernières ressources. Déjà la petite guerre est déclarée aux imprimeurs et aux libraires, déjà de prétendus agents de la police de la librairie, qu’ils compromettent, parcourent les boutiques de libraires, y empoignent des livres mis à un index secret qui n’a pas eu de publicité ; d’autres avec un air d’intérêt, conseillent aux marchands de livres, de ne plus exposer tel ou tel ouvrage ; toutes les supercheries sont enfin mises en œuvre, pour empêcher ou entraver le débit des ouvrages qui déplaisent à un parti, mais dont la vente, cependant, n’est pas encore prohibée.

Tous ces moyens ne leur suffisent pas encore. Il leur faut recourir à des mesures plus efficaces et plus directes. C’est dans cette intention, que l’auteur du livre des crimes de la presse, qui ne rêve qu’inquisition, provoque l’établissement d’un conseil basé sur l’injustice la plus évidente et sur l’arbitraire le plus absolu et le plus tyrannique. Ce nouveau conseil serait, quoi qu’il en dise, un tribunal véritablement inquisitorial, il en aurait tous les caractères odieux. La défense par avocats, et la défense verbale ou écrite, seraient interdites aux accusés. Les sentences de cet infâme tribunal, ne seraient soumises ni à une cour d’appel, ni à une cour de cassation.

Peut-on douter maintenant, que la secte jésuitique ne fasse aujourd’hui tous ses efforts, pour reproduire et reconstituer partiellement une véritable inquisition, sous des formes mal déguisées. Déjà elle a obtenu des lois qui portent l’empreinte bien caractérisée d’un principe inquisitorial. C’est ainsi que pour le malheur de la belle France, les Jacobinières de Montrouge, de Saint-Acheul, etc., etc., arrivent peu à peu à leur but désorganisateur et destructeur, en replongeant le peuple dans l’ignorance et en cherchant à lui rendre les erreurs et les superstitions des siècles de barbarie ; ils veulent enfin procurer à la France le même genre de bonheur et de gloire, que la secte monachique et jésuitique procure aujourd’hui à la malheureuse Espagne.

Il faudrait un gros volume, pour relever toutes les erreurs dangereuses et antisociales, qui fourmillent de toutes parts dans le livre des crimes de la presse ; mais je me bornerai à faire quelques réflexions sur le Chapitre XIX de cet écrit, contenant une diatribe amère et virulente contre l’un de nos plus savants députés11.

L’auteur, vrai Pygmée en logique, ne cesse de déraisonner avec âcreté, et sa fureur s’exhale dans chaque page et pour ainsi dire à chaque ligne de son livre. Il oublie que les Pygmées ne savaient faire la guerre qu’à des grues, et qu’un jour, réunis en corps d’armée, ils osèrent attaquer Hercule seul et endormi. Le fils de Jupiter s’étant éveillé, regarde avec pitié, mais en souriant, cette fourmilière audacieuse et mutine. Puis, malgré le nombre des assaillants, il enveloppe toute l’armée dans sa peau de lion et l’emporte comme dans un sac pour les déposer aux pieds d’Euristhée, roi de Mycènest. De même aussi notre auteur du livre des crimes de la presse, en vrai Pygmée et sans être revêtu des armes de la logique et du bon sens, ose se mesurer avec l’un des plus grands orateurs de la tribune, avec ce puissant génie, si brillant d’éloquence et si fort de raisonnement.

Toute la dialectique de notre auteur Pygmée, est renfermée dans un cercle vicieux, qui se réduit à soutenir naïvement, que la vérité est vraie, et que celui qui ose nier la vérité de notre religion, qui est vraie, (et à cet égard son antagoniste ne le contestait pas), mérite sans rémission d’être puni dès ce bas monde, et d’y jouir par anticipation des douceurs de l’enfer. C’est dans ce raisonnement lumineux, que les moines, que les jésuites ultramontains et tous les prêtres fanatiques, puisent leur haine implacable contre les protestants, et en général, contre tous les hérétiques et tous les mécréants. Ils voudraient les convertir à force ouverte et les exterminer tous, ici-bas, comme des séditieux, comme des rebelles, comme des criminels, dignes de la mort et des plus cruels supplices, parce qu’ils se refusent à croire certaines vérités révélées et incontestables parce qu’elles sont vraies. Voulant ensuite, à tout prix, accorder aux vérités qui sont vraies, la terrible prérogative de vérités légales, il soutient, avec la même force de logique, que les autres gouvernements, non catholiques, ne peuvent pas obtenir le privilège ni le droit, d’avoir aussi des vérités religieuses légales. Il en résulte, d’après son intention, ou du moins d’après son raisonnement, que quiconque se refuserait de croire aux vérités de notre religion, devenues vérités légales, celui-là sera rebelle à la loi d’état et par conséquent digne de mort.

Tel est le principe atroce de l’inquisition religieuse, que les jésuites professèrent de tout temps et professent encore, et dont l’auteur du livre des crimes de la presse s’est rendu l’apôtre.

S’il en était ainsi, quel triomphe pour le fanatisme altéré de sang humain ! bientôt il commanderait en maître aux gouvernements assez dociles, pour devenir les bourreaux serviles des vengeances sacerdotales, bientôt il pourrait livrer aux bras séculiers, tous ceux qui ne voudraient pas croire à des vérités religieuses et légales, bientôt il obtiendrait le rétablissement de ce tribunal de sang, qui portait un nom dérisoire, celui de saint Office, bientôt il remettrait en usage contre des accusés non encore convaincus, le supplice horrible de la question, bientôt il renouvellerait les rigueurs de la Saint-Barthélemy, que des écrivains éhontés ont déjà la hardiesse d’appeler aujourd’hui salutaires, bientôt à l’exemple de la révocation de l’édit de Nantes, il obtiendrait la révocation de la charte qui autorise la liberté des cultes. On verrait alors de nouvelles dragonnades qui, justifiées par des lois d’Etat, iraient de nouveau convertir les protestants à coups de sabre.

C’est ainsi que les jésuites parviendraient à obtenir l’exécution des lois d’Etat, qui sur terre anticiperaient l’enfer et rempliraient dès ce bas monde l’office des démons.

Qu’on ne dise pas, que de pareilles craintes soient puériles et imaginaires. La triste situation de nos voisins au-delà des Pyrénées, ne prouve que trop, combien ces craintes se réalisent effectivement de nos jours, par la complication des désordres anarchiques de la faction monacale et jésuitique ; que de parjures ! toutes les capitulations sont violées ; que d’excès, que de violences et de crimes, ne démontrent-ils pas que tous les maux en Espagne sont l’ouvrage du fanatisme !

Tant de désordres et d’assassinats dans la péninsule, démontrent que notre ministère qui ne peut pas être complice des jésuites, est au moins impuissant pour y rétablir le bon ordre, et qu’il a été forcé, par une puissance occulte et inconcevable, à rétablir involontairement, sans doute, l’anarchie dans ce malheureux pays, en remettant l’autorité entre les mains d’une faction qui, aujourd’hui, opprime la souveraineté légitime ; et c’est précisément cette même faction, ainsi que leurs correspondants en France, qui craignent tant la lumière, et se déclarent les ennemis si implacables de la liberté de la presse.

L’auteur fanatique du livre des crimes attribués à la presse, est un logicien si profond, qu’il ne s’est pas aperçu, qu’en voulant démontrer les vérités de la religion chrétienne, par une pétition de principe, il en avait plutôt affaibli les preuves, s’il était possible. Ce n’est pas son intention, sans doute ; mais en osant violer les règles du raisonnement, au point de dire ou faire entendre, qu’une vérité est vraie, parce qu’elle est vraie, il a manqué de respect envers les mystères révélés de notre religion, en employant pour les défendre, des arguments puérils et absurdes. Il aurait dû plutôt annoncer, que la révélation existe par la foi, et que pour obtenir la foi, qui est un don de Dieu, il faut s’humilier et soumettre sa raison aux vérités de la divine révélation.

Notre auteur, très probablement, ignore ce que c’est qu’une pétition de principe, et néanmoins, il a la témérité de se mesurer avec l’un des plus forts logiciens de notre époque. Il a si peu de tact, qu’il ne s’est pas même aperçu du ridicule qu’il avait encouru.

Pour l’instruction de ce néophyte dans l’art de raisonner, je consens à lui apprendre ce que tout le monde sait, ou doit savoir, qu’en logique, on appelle pétition de principe, la supposition pour vrai, de ce qui n’est qu’en question. Cette supposition est entièrement contraire à la raison, puisque dans tout raisonnement, ce qui sert de preuve, doit être plus clair et plus connu, que ce que l’on veut prouver. On peut rapporter à ce sophisme, tous les raisonnements, où l’on voudrait prouver une chose inconnue, par une autre chose qui est autant ou plus inconnue, ou une chose incertaine, par une autre chose qui est autant ou plus incertaine.

Si l’auteur que je réfute, n’était que mauvais logicien, on se bornerait à le plaindre de son peu de jugement, mais il tient à un parti formidable, qui sent qu’avec la force en main, on peut se passer de tout, et même se moquer de l’art de raisonner, ce qui n’arrive que trop souvent à la secte jésuitique. N’est-il pas encore évident que ce parti dominateur, pour arriver à ses fins, ne recule pas, lorsqu’il faut fouler à ses pieds les principes de la religion chrétienne, et les maximes de l’évangile ? Il se moque ainsi de la religion, comme il se moque, depuis si longtemps, de l’art de raisonner.

La secte ultramontaine considère que la religion, sous le point de vue qu’elle l’envisage, ne peut être maintenue et pratiquée que par la force, que par la terreur et par les supplices, tandis que la religion chrétienne, et je me fais un devoir de le répéter, est toute de paix, de douceur, et de charité : les gouvernements catholiques doivent donc être bien persuadés qu’ils n’obtiendront jamais la paix et la tranquillité, et ne feront jamais le bonheur des peuples, tant qu’ils souffriront dans leur sein, la secte ambitieuse et perturbatrice des jésuites.

Je dois bien m’attendre à essuyer de la part de l’auteur du livre des crimes de la presse, un déluge de calomnies et d’injures. A coup sûr, il signalera le présent écrit, comme une des preuves les plus évidentes, des crimes de la presse. Suivant cet auteur si judicieux, je ne serai à ses yeux, qu’un hypocrite impie, irréligieux, athée, et séditieux, et ce ne sera qu’en haine de la religion, si je suis parvenu à prouver qu’il a complètement déraisonné ; mais après tout, est-il possible d’empêcher un loup furieux, de mordre, et de hurler ? pourrais-je, d’ailleurs, me plaindre, lorsque le savant député, M. Royer-Collard lui-même, n’est pas épargné ? On va en juger par les citations qui suivent, elles sont tirées du livre des crimes de la presse, dans lequel l’auteur, en parlant du savant député, s’exprime ainsi qu’il suit :

(Page 131), « Il y a de la démence à force d’y avoir de la déraiso ».. — (Page 132), « Il y a créé de sottes attaques, pour se donner les honneurs du triomphe. » — (Page 135), Il lui reproche « un horrible blasphème ; il a nié Dieu, il a été athée. » — (Même page), « Il a appuyé son horrible doctrine par des sophismes ». — (Page 137), « Son discours est un monument à jamais mémorable de sophismes, de démocratie, d’impiété, d’orgueil, et en même temps d’hypocrisie. » — (Page 138), Il le nomme, « cet homme d’orgueil », etc., etc.

Telles sont les charitables imputations, les aimables épithètes, et les douces calomnies que notre auteur atrabilaire, prodigue à un célèbre orateur, à un député du Corps-Législatif, à l’occasion d’un discours que ce même député a prononcé avec toute la convenance que le sujet méritait, et sans blesser l’orthodoxie la plus méticuleuse.

Mais pourquoi faudrait-il que l’auteur du livre des crimes de la presse, que cet écrivain du jésuitisme, ait ainsi que ses semblables, le privilège exclusif de dire des sottises, et de vomir impunément des calomnies contre ses adversaires ? Ne pourrait-on pas lui renvoyer ses injures à leur adresse avec beaucoup plus de raison ? Ne pourrait-on pas lui donner aussi des qualifications, qu’on ne pourrait taxer, tout au plus, que de médisance ? Aurait-il le droit de s’en plaindre en justice ? Je ne vois pas pourquoi je me gênerais à son égard ; et pour débuter, je vais l’apostropher à la manière du poète Homère, et je lui lancerai la plus grosse injure, et la mieux méritée.

« C’est à vous, jésuite hydrophobe et lycanthrope, que j’adresse la parole. La rage éclate dans votre livre des crimes de la presse, les hurlements épouvantables que vous y poussez, y retentissent dans chaque chapitre, et presque à chaque page. »

Cet ouvrage immodéré, assez mal écrit, dicté avec une fureur aveugle, dépourvu de logique, ne prouve-t-il pas que ce coryphée des doctrines de Montrouge, est malheureusement attaqué d’hydrophobie et de lycanthropie ?

Ce qu’il y a de plus funeste dans ces horribles maladies, et surtout dans l’hydrophobie, c’est que le caractère spécifique de la rage est, comme on sait, l’envie de mordre indistinctement et ses amis et ses ennemis. Nous en voyons des exemples dans le livre des crimes de la presse. On est tout étonné, en le parcourant, d’y trouver une liste ou une catégorie nombreuse de personnages dans tous les rangs et de toutes les opinions politiques et religieuses, que ce loup enragé, attaque avec furie et qu’il cherche à blesser par ses morsures envenimées.

Mais, ô surprise extrême !!! on voit figurer dans cette liste fatale, l’un des meilleurs amis de cet auteur forcené, et cet ami, c’est M. l’abbé de La Mennais u. Il l’attaque par jalousie de métier, sans doute. Cependant il l’appelle un écrivain célèbre, mais en même temps il lui reproche d’avoir molli un instant et d’avoir commis un crime qui est irrémissible au tribunal de Montrouge. Ce crime consiste à être convenu du mérite incontestable et de la rare habileté de raisonnement de M. Royer-Collard. Ma citation est textuelle, c’est ce qu’on pourra vérifier à la page 139 du fameux livre des Crimes de la presse. Hé ! qu’avait-il besoin de mordre cet abbé, pour le punir d’avoir montré un instant de bon sens et de raison ? Pourquoi déchirer ce nouveau père de l’Eglise ? Il n’était pas nécessaire de lui inoculer de nouveau le virus hydrophobique. On peut voir ce que j’en ai dit plus haut à la page 70, du deuxième chapitre précédent.

Quoi qu’il en soit de ce livre des crimes de la presse ; de ce manifeste des missionnaires de la foi ; de cet avant-coureur de l’anéantissement de la liberté de la presse et de l’établissement d’une censure inquisitoriale, il n’en est pas moins vrai, que ce libelle mériterait à plus juste titre, d’être poursuivi par un réquisitoire, comme contenant des principes dangereux et véritablement nuisibles à l’Etat et à la religion. C’est enfin le devoir du ministère public, de dénoncer des réalités criminelles, plutôt que de poursuivre des tendances idéales.

Les ministres d’Etat, et le ministère public, n’auraient-ils pas dû s’opposer plutôt au refus scandaleux du Clergé, d’assister aux obsèques de Louis xviii, de glorieuse mémoire ?

Il sera difficile d’oublier la conduite de ces prêtres orgueilleux, qui, sous prétexte de vaines préséances, se retirèrent fièrement, en refusant d’accompagner le corps de l’illustre souverain jusqu’à Saint-Denis.

Ces ministres du culte, manquèrent de présence d’esprit. Que ne suivaient-ils le convoi sans étiquette, et sans prendre un rang contesté ? Ils auraient alors donné l’exemple de prêtres chrétiens, pratiquant l’humilité évangélique, et se montrant en même temps12, sans rancune, contre l’immortel auteur de la Charte.