(1574) Livre premier. Epître dixième. Cyprien à Eucratius son frère « Epître dixième. » pp. 30-31
/ 1079
(1574) Livre premier. Epître dixième. Cyprien à Eucratius son frère « Epître dixième. » pp. 30-31

Epître dixième.

L’argument.

On peut conjecturer par cette Epître, en quelle détestation on avait le temps passé les bateleurs, et joueurs de passe-passe, vu que par cette épitre S. Cyprien admoneste Eucratius de retirer de cette vilaine et déshonnête manière de vivre, un bateleur qui était parmi son peuple, pour suivre un plus honnête état, et mener une vie d’innocence. Tertullien a fait un livre des spectacles, et S.Cyprien une épître au peuple qui est ferme en l’Evangile.

Cyprien à Eucratius son frère,
Salut.
Pour la singulière amitié, que tu me portes, et pour l’accointance et modestie, que nous avons l’un envers l’autre, très cher frère, tu t’es voulu enquérir de moi, quelle était mon opinion et avis, touchant un bateleur, qui demeure entre vous, persistant toujours en son art déshonnête, et vilaine manière de vivre, et comme maître et conducteur d’enfants, non pour les enseigner, et instruire quelque chose de bon, mais pour les perdre et gâter, montre aussi les autres, ce qu’il a autrefois appris à sa ruine et damnation, à savoir si un tel personnage doit vivre et communiquer avec vous. Quant à moi, je ne suis point d’avis, qu’il soit séant à la majesté divine, ni que ce soit suivre la forme de la discipline Ecclésiastique, que par une si vilaine et infâme contagion, l’honnêteté et la sainteté de l’Eglise soit souillée. Car puisqu’il est défendu en la loi, que les hommes ne vêtent point les habits de femme, et que ceux qui le font sont maudits : c’est bien plus grand crime, de non seulement prendre et vêtir les accoutrements des femmes, mais aussi avec ceb, représenter et exprimer les gestes déshonnêtes, et efféminés des femmes, selon que cet art impudique l’enseigne. Et l’excuse est nulle, de dire qu’il ne monte plus sur échafaud et théâtre, s’il enseigne les autres à faire le semblable. Car on ne peut estimer que celui-là cesse de suivre un tel état, qui en constitue d’autres en sa place : et qui au lieu de lui seul, en met plusieurs pour ses lieutenants, contre l’ordonnance de Dieu, enseignant, et instruisant, comment le mâle se déguisera en femelle, et que le sexe soit changé par art, et qu’on plaise au diable, qui souille la créature de Dieu, en offensant par tels déguisements d’un corps efféminé et contrefait. Et si d’aventure il s’excuse de ce qu’il est pauvre et nécessiteux, il pourra bien être soulagé et aidé en sa nécessité, avec ceux qui sont entretenus et nourris aux dépens de l’église : pourvu qu’il se contente de si peu de viandes, que l’Eglise donne par raison, et mesure, sans excès. Et qu’il n’estime pas, qu’on lui doive donner salaire, pour désister de ses offenses, vu que c’est à son dam, qu’il vit ainsi, et non au nôtre. Au reste qu’il cherche du gain et du profit de son art autant qu’il voudra. Mais quel peut être le gain, lequel non seulement retire les hommes du banquet d’Abraham, d’Isaac, et de Jacob, ainsc aussi mène aux supplices d’une faim et soif éternelled ceux, qui ont été engraissés au monde, à leur jugement et condemnation ? Et pourtant retire-le, tant qu’il te sera possible, de sa méchante et damnable condition de vivre, pour le rappeler au chemin d’innocence, et à l’espérance de son salut, à ce qu’il se contente de la dépense de l’Eglise, qui est petite, mais salutaire. Que si l’Eglise de par-delà n’est pas suffisante, de nourrir et sustenter ceux qui ont disette, il se pourra retirer vers nous, pour recevoir par-deça ce qui lui sera nécessaire, tant pour son vivre, que pour s’entretenir : et que hors de l’Eglise il n’enseigne plus les autres, ce qui est abominable, et qui engendre la mort, mais que dedans l’Eglise il apprenne ce, qui est bon, et qui appartient à son salut. Je supplie Dieu, frère très cher, qu’il te tienne toujours en sa sainte grâce.

Annotation.

E n son art déshonnête et vilaine manière de vivre.) Le temps passé on a eu en grande abomination tels spectacles, comme même Tertullien le montre en son livre des Spectacles. Et de notre temps tels personnages sous prétexte de Comédies et Moralités, ou Farces ont semé plusieurs hérésies, et dénigré l’état Ecclésiastique, et par ce moyen étrangée plusieurs de l’union et du troupeau de notre Seigneur.