(1667) Traité de la comédie et des spectacles « Sentiments des Pères de l'Eglise sur la comédie et les spectacles — 4. SIÈCLE. » pp. 120-146
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(1667) Traité de la comédie et des spectacles « Sentiments des Pères de l'Eglise sur la comédie et les spectacles — 4. SIÈCLE. » pp. 120-146

4. SIÈCLE.

S. MACAIRE L'ANCIEN

Dans l'Homélie 27.

Si par l'ouïe toute seule on pouvait    entrer dans le Royaume du Ciel, et dans la vie éternelle sans peine, et sans travail, ceux qui se divertissent aux Spectacles du Théâtre, et ceux qui mènent une vie impudique y auraient bonne part : Mais on ne va au Ciel que par des travaux, et par des combats, parce que le chemin qui y conduit est étroit, pénible et fâcheux; c'est dans ce chemin rude qu'il faut marcher, et souffrir beaucoup de peines et d'afflictions pour entrer dans la vie éternelle.

SAINT CYRILLE ARCHEVEQUE DE JERUSALEM,

Dans la première Catéchèse mystagogique aux nouveaux Baptisés.

Vous avez dit au Baptême, je vous renonce Satan, je renonce à toutes vos œuvres, et à toutes vos pompes. Les pompes du Diable sont les Spectacles du Théâtre, et toutes les autres vanités semblables, dont le saint Roi David demande à Dieu d'être délivré : Détournez, dit-il mes yeux, afin qu'ils ne regardent point la vanité ; Ne vous laissez donc pas emporter à la passion pour les Spectacles du Théâtre, pour y voir les excès des Comédiens tout pleins d'impureté, et d'infamie.

SAINT AMBROISE ARCHEVEQUE DE MILAN,

Dans le traité de la suited du siècle

Adam n'eût point été chassé du Paradis, s'il n'eût été séduit par la volupté ; c'est pourquoi David, qui avait éprouvé combien les regards sont dangereux, dit avec raison, que l'homme est heureux lors que le nom du Seigneur est toute son espérance, et qu'il n'a nul égard aux vanités et aux folies trompeuses du siècle. Celui qui s'applique à considérer que le Seigneur lui est toujours présent, et qui a toujours les yeux intérieurs de son âme arrêtés sur Jésus-Christ, n'a point égard aux vanités et aux tromperies du siècle. Ainsi ce saint Prophète se tournant vers lui, lui fait cette prière: Détournez mes yeux, afin qu'ils ne regardent point la vanité. Le Cirque n'est que vanité, parce qu'il ne sert à rien. La Course des chevaux n'est que vanité, parce que la vitesse d'un cheval est un secours trompeur, quand il s'agit de se sauver : Le Théâtre et tous les autres Jeux ne sont que vanité.

Sur le 37. Verset du Psaume 118.

Celui qui est dans la voie de Dieu ne regarde point les vanités : Jésus-Christ est la voie parfaite. Celui donc qui appartient à Jésus-Christ, comment peut-il regarder les vanités, puisque Jésus-Christ a crucifié dans sa chair tous les vains plaisirs du monde ? C'est pourquoi détournons nos yeux des vanités, de peur que la vue de ces folies n'imprime de mauvais désirs dans notre âme ; Et sans parler du sens mystique de ce passage, Dieu veuille que cette interprétation ait la force de retirer des Spectacles du Cirque et du Théâtre, ceux qui y courent: Ces Jeux que vous regardez ne sont que vanité, élevez vos yeux vers Jésus-Christ, et détournez-les des Spectacles, et de toutes les pompes du siècle.

S. JEAN CHRYSOSTOME

Dans l'Homélie 15. au peuple d'Antioche.

Plusieurs s'imaginent qu'il n'est pas certain que ce soit un péché, de monter sur le Théâtre, et d'aller à la Comédie: Mais quoi qu'ils en pensent, il est certain que tout cela cause une infinité de maux ; car le plaisir qu'on prend aux Spectacles des Comédies, produit la fornication, l'impudence, et toute sorte d'incontinence. D'ailleurs nous ne sommes pas seulement obligés d'éviter les péchés. Mais nous devons encore fuir les choses même qui nous paraissent indifférentes, et qui portent néanmoins insensiblement au péché; Car comme celui qui marche sur le bord d'un précipice, quoi qu'il n'y tombe pas, ne laisse pas d'être toujours dans la crainte. Et il arrive souvent que la crainte le trouble, et le fait tomber dans le précipice. De même celui qui ne s'éloigne pas du péché, mais qui en est proche, doit vivre dans l'appréhension, car il arrive souvent qu'il y tombe.

Das la 3. Homélie de David, et de Saul.

Je crois que plusieurs de ceux qui nous abandonnèrent hier pour aller aux Spectacles d'iniquité, sont aujourd'hui ici présents, je voudrais les pouvoir reconnaître publiquement, afin de leur interdire l'entrée de ces Jeux sacrés, non pas pour les laisser toujours dehors, mais pour les rappeler après leur amendement. Comme les Pères chassent souvent de leurs maisons, et de leur table leurs enfants qui se laissent emporter à la débauche, non pas afin qu'ils en soient toujours bannis ; mais afin qu'étant devenus meilleurs par cette correction, ils rentrent avec louange et honneur dans la maison, et dans la compagnie de leurs Pères. Les Pasteurs en usent de même lors qu'ils séparent les brebis galeuses d'avec les autres, afin qu'étant guéries de leur maladie, elles retournent avec celles qui sont saines, sans aucun peril ; car autrement s'ils les laissaient parmi les autres, elles infecteraient tout le Troupeau ; C'est pour ce sujet que je voudrais pouvoir reconnaître ces personnes ; mais encore qu'elles nous soient inconnues, elles ne peuvent pas néanmoins se dérober aux yeux du Verbe Eternel qui est le Fils de Dieu. J'espère qu'il touchera leur conscience, et qu'il leur persuadera aisément de sortir volontairement, leur faisant connaître qu'il n'y a que ceux qui se portent à faire cette pénitence, qui soient véritablement dans l'Eglise : au contraire ceux qui vivant dans le dérèglement demeurent dans notre communion, quoi qu'ils soient ici présents de corps, ils en sont néanmoins séparés, plus véritablement que ceux qu'on a mis dehors, de telle sorte qu'il ne leur est pas encore permis de participer à la sainte Table, car ceux qui selon les Lois divines ont été chassés de l'Eglise, et demeurent dehors, donnent quelque bonne espérance par leur conduite qu'après s'être corrigés des péchés pour lesquels ils ont été chassés de l'Eglise, ils y rentreront avec une conscience pure ; mais ceux qui se souillent eux-mêmes, et qui étant avertis de se purifier des tâches qu'ils ont contractées par leurs crimes, avant que d'entrer en l'Eglise, se conduisent avec impudence, ils aigrissent l'ulcère de leur âme, et rendent leur mal plus grand; car il y a bien moins de mal à pécher, qu'à ajouter l'impudence au crime qu'on a commis, et à ne vouloir pas obéir aux ordres des Prêtres.

On me dira, le péché que ces personnes ont commis, est-il si grand qu'il mérite qu'on leur interdise l'entrée de ces lieux sacrés ? Mais y a-t-il de crime plus énorme que le leur ? Ils se sont souillés du crime d'adultère, et après cela ils se jettent impudemment comme des chiens enragés sur la sainte Table. Que si vous voulez savoir comment ils sont coupables d'adultère, je ne le vous déclarerai point par mes discours, mais par les propres paroles de celui qui doit juger de toutes les actions des hommes : Celui, dit-il, qui verra une femme pour la désirer, a déjà commis l'adultère dans son cœur. Si une femme négligemment parée qui passe par hasard dans la place publique, blesse souvent par la seule vue de son visage celui qui la regarde avec trop de curiosité ; Ceux qui vont aux Spectacles, non par hasard, mais de propos délibéré, et avec tant d'ardeur, qu'ils abandonnent l'Eglise par un mépris insupportable pour y aller, où ils passent tout le jour à regarder ces femmes infâmes, auront-ils l'impudence de dire qu'ils ne les voient pas pour les désirer, lorsque leurs paroles dissolues et lascives, les voix, et les chants impudiques les portent à la volupté ? etc.

Car si en ce lieu où l'on chante les Psaumes, où l'on explique la parole de Dieu, et où l'on craint et respecte sa divine Majesté ; la concupiscence ne laisse pas de se glisser secrètement dans les cœurs, comme un subtil larron; Ceux qui sont toujours à la Comédie, où ils ne voient et n'entendent rien de bon, où tout est plein d'infamie et d'iniquités dont leurs oreilles et leurs yeux sont investis de toutes parts; comment pourront-ils surmonter la concupiscence ? Et s'ils ne la peuvent pas surmonter, comment pourront-ils être exempts du crime d'adultère ? Et étant souillés de ce crime, comment pourront-ils entrer dans l'Eglise, et être reçus dans la Communion de cette sainte assemblée sans en avoir fait pénitence ? C'est pourquoi je conjure et je prie ces personnes de se purifier par la confession, par la pénitence, et par tous les autres remèdes salutaires, des péchés qu'ils ont contractés à la Comédie, afin qu'ils puissent être admis à entendre la parole de Dieu, car ces péchés ne sont point médiocres. Ne craignez-vous point, ô homme ? N'avez-vous point horreur de regarder cette sainte Table, où l'on célèbre les redoutables mystères, des mêmes yeux dont vous regardez ce lit qui est dressé sur le Théâtre, où l'on représente les détestables fictions de l'adultère ? N'avez-vous point horreur d'entendre les paroles impudiques d'une Comédienne, des mêmes oreilles que vous entendez les paroles d'un Prophète qui vous introduit dans les mystères de l'Ecriture ?

N'appréhendez-vous point de recevoir dans un même cœur un poison mortel, et cette Hostie sainte et terrible ? N'est-ce pas de là que naissent les dérèglements de la vie, les désordres des mariages, les guerres, les troubles, et les querelles domestiques ?

C'est pourquoi je vous prie tous de ne point assister à ces infâmes représentations des Spectacles, et d'en retirer les autres ; car tout ce qui s'y fait, bien loin d'être un divertissement, n'est qu'un dérèglement pernicieux qui n'attire que des peines et des supplices.

Que sert à l'homme de jouir d'un plaisir passager, s'il est suivi d'une douceur éternelle, et s'il est tourmenté nuit et jour par la concupiscence ? Consultez-vous vous-mêmes, et considérez la différence qu'il y a entre l'état où vous estes lors que vous revenez de l'Eglise, et celui où vous vous trouvez lors que vous sortez des Spectacles. Si vous comparez ces deux états, selon leurs divers temps, l'un avec l'autre, vous n'aurez pas besoin de mes avertissements: Cette comparaison suffira pour vous faire connaître combien l'un vous est utile et avantageux, et combien l'autre vous est dommageable.

Dans la 1. Homélie sur ces paroles du 1. Verset du Chap. 6. du Prophète Isaïe

J'ai vu le Seigneur.

Il n'y a rien qui expose plus au mépris la parole de Dieu, que l'applaudissement et l'approbation qu'on donne aux représentations des Spectacles ; c'est pourquoi je vous ai souvent conjurés par mes exhortations de ne point aller aux Spectacles, vous qui venez à l'Eglise pour entendre la parole Dieu, et pour participer à son sacrifice mystique et redoutable, afin que vous ne profaniez point les Mystères divins, en participant aux mystères du Diable.

Dans L'Homélie 6. Sur le Chap. 2. de S. Mathieu.

Ce n'est point à nous à passer le temps dans les ris, dans les divertissements, et dans les délices ; cela n'est bon que pour des Comédiens, et pour des Comédiennes, et particulièrement pour ces flatteurs qui cherchent les bonnes tables: Ce n'est point-là l'esprit de ceux qui sont appelés à une vie céleste, dont les noms sont déjà écrits dans cette éternelle Cité, et qui font profession d'une milice toute spirituelle ; mais c'est l'esprit de ceux qui combattent sous les enseignes du Démon.

Oui, mes frères, c'est le Démon qui a fait un art de ces divertissements et de ces Jeux pour attirer à lui les soldats de Jésus-Christ et pour relâcher toute la vigueur, et comme les nerfs de leur vertu, c'est pour ce sujet qu'il a fait dresser des Théâtres dans les places publiques, et qu'exerçant et formant lui-même ces bouffons, il s'en sert comme d'une peste dont il infecte toute la vie.

 

Saint Paul nous a défendu les paroles de raillerie, et celles qui ne tendent qu'à un vain divertissement ; mais le Démon nous persuade d'aimer les unes et les autres.

Ce qui est encore plus dangereux est le sujet pour lequel on s'emporte dans ces ris immodérés, car aussitôt que ces bouffons ridicules ont proféré quelque blasphème, ou quelque parole déshonnête, on voit que les plus fous sont ravis de joie, et s'emportent dans les éclats de rire. Ils leur applaudissent pour des choses pour lesquelles on les devrait lapider, et ils s'attirent ainsi sur eux-mêmes par ce plaisir malheureux le supplice d'un feu éternel ; car en les louant de ces folies, on leur persuade de les faire, et on se rend encore plus digne qu'eux de la condamnation qu'ils ont méritée. Si tout le monde s'accordait à ne vouloir point regarder leurs sottises, ils cesseraient bientôt de les faire : mais lors qu'ils vous voient tous les jours quitter vos occupations, vos travaux et l'argent qui vous en revient; en un mot renoncer à tout pour assister à ces Spectacles, ils redoublent leur ardeur, et ils s'appliquent bien davantage à ces niaiseries.

Je ne dis pas ceci pour les excuser, mais pour vous faire voir que c'est vous principalement qui êtes la source de tous ces dérèglements en assistant à leur Jeux, et y passant les journées entières. C'est vous qui dans ces représentations malheureuses profanez la sainteté du mariage, qui déshonorez devant tout le monde ce grand Sacrement : Car celui qui représente ces personnages infâmes, est moins coupable que vous qui les faites représenter, que vous qui l'animez de plus en plus par votre passion, par vos ravissements, par vos éclats, et par vos louanges, et qui travaillez en toutes manières à embellir et à relever cet ouvrage du Démon.

Ne me dites point que tout ce qui se fait alors n'est qu'une fiction; cette fiction a fait beaucoup d'adultères véritables, et a renversé beaucoup de familles ; c'est ce qui m'afflige davantage, que ce mal étant si grand, on ne le regarde pas même comme un mal, et que lors qu'on représente un crime aussi grand qu'est celui de l'adultère, on n'entend que des applaudissements et des cris de joie.

Ce n'est qu'une feinte, dites-vous, c'est pour cela même que ces personnes sont dignes de mille morts d'oser exposer aux yeux de tout le monde, des désordres qui sont défendus par toutes les lois : Si l'adultère est un mal, c'est un mal aussi que de le représenter.

Qui pourrait dire combien ces fictions rendent de personnes adultères, et combien elles inspirent l'impudence et l'impureté dans tous ceux qui les regardent; car il n'y a rien de plus impudique que l'œil, qui peut souffrir de voir ces ordures.

Dans L'Homélie 38. Sur le Chap. de S. Mathieu.

Les Chansons et les vers infâmes causent à l'âme une odeur plus insupportable que tout ce que nos sens abhorrent le plus, et cependant lors que les Comédiens les récitent devant vous, non seulement vous n'en avez pas de la peine, mais vous en riez, vous vous en divertissez, bien loin d'en avoir de l'aversion et de l'horreur.

Que ne montez-vous donc aussi sur le Théâtre, aussi bien que ces bouffons qui vous font rire ? Si ce qu'ils font n'est pas infâme, que n'imitez-vous ce que vous louez ? Allez seulement en public avec ces sortes de personnes. Cela me ferait rougir, dites-vous ? Pourquoi donc estimez-vous tant ce que vous auriez honte de faire ? Les lois des Païens rendent les Comédiens infâmes, et vous allez en foule avec toute la Ville pour les regarder sur leur Théâtre, comme si c'était des Ambassadeurs, ou des Généraux d'armée, et vous y voulez mener tout le monde avec vous pour emplir vos oreilles des ordures et des infamies qui sortent de la bouche de ces bouffons; vous punissez très sévèrement vos serviteurs lors qu'ils disent chez vous des paroles peu honnêtes ? Vous ne pouvez souffrir rien de sale dans vos enfants ni dans vos femmes le moindre mot qui choque l'honnêteté ; et lors que les derniers des hommes vous invitent à entendre publiquement ces infamies que vous détestez si fort dans vos maisons ; non seulement vous n'en avez point de peine, mais vous vous en divertissez et vous louez ceux qui les débitent, n'est-ce pas le comble de l'extravagance ?

Vous me répondrez peut-être que ce n'est pas vous qui dites ces choses infâmes. Si vous ne les dites pas, vous aimez au moins ceux qui les disent : Mais d'où prouverez-vous que vous ne les dites pas ? Si vous n'aimiez point à les dire, vous n'auriez point tant de plaisir à les écouter, ni tant d'ardeur à courir à ces folies.

Quand vous entendez des personnes qui blasphèment ; vous ne prenez point plaisir à ce qu'ils disent ; vous frémissez au contraire ; et vous vous bouchez les oreilles pour ne les point entendre. D'où vient cela sinon parce que vous n'êtes point blasphémateur ? Conduisez-vous de même à l'égard de ces paroles infâmes, et s vous voulez que nous croyions que vous n'aimez pas à en dire, n'aimez pas aussi à les écouter.

Comment vous pouvez-vous appliquer aux bonnes choses, étant accoutumé à ces sortes de discours ; comment pourrez-vous supporter le travail qui est nécessaire pour s'affermir dans la continence, lors que vous vous relâchez jusqu'à prendre plaisir à entendre des mots et des vers infâmes ; car si lors même qu'on est le plus éloigné de ces infamies, on a tant de peine à se conserver dans toute la pureté que Dieu nous demande ; Comment notre âme pourra-t-elle demeurer chaste, lors qu'elle se plaira à entendre des choses si dangereuses.

Ne savez-vous pas quelle pente nous avons au mal ? Lors donc qu'à cette inclination naturelle nous ajoutons encore l'art et l'étude, comment ne tomberons nous pas dans l'Enfer, puis que nous nous hâtons de nous y jeter ? N'écoutez-vous point ce que dit Saint Paul : Réjouissez-vous au Seigneur ? Il ne dit pas réjouissez-vous au Démon: Comment écouterez-vous ce saint Apôtre ? Comment serez-vous touché du ressentiment de vos péchés, étant toujours comme ivre et hors de vous, par la vue malheureuse de ces Spectacles ? Vous y courez avec une ardeur et une avidité insatiable. On n'en voit que trop les malheureux effets, lors que vous retournez chez vous. C'est là que chacun de vous remporte toutes ces ordures dont les paroles licencieuses, les vers impudiques, et les ris dissolus ont rempli vos âmes. Tous ces fantômes honteux demeurent dans votre esprit et dans votre cœur ; et c'est de à qu'il arrive que vous avez aversion de ce que vous devriez aimer, et que vous aimez ce que vous devriez avoir en horreur. Mais que dirai-je du brui et du tumulte de ces Spectacles ? de ces cris et de ces applaudissements diaboliques ? De ces habits qu'il n'y a que le Démon qui ait inventés ? On y voit un jeune homme qui ayant rejeté tous ses cheveux derrière la tête prend une coiffure étrangère, dément ce qu'il est, et s'étudie à paraître une fille dans ses habits, dans son marcher, dans ses regards, et dans sa parole. On y voit un vieillard qui ayant quitté toute la honte avec ses cheveux qu'il a fait couper, se ceint d'une ceinture, s'expose à toute sorte d'insultes, et est prêt à tout dire, à tout faire, et à tout souffrir. On y voit des femmes qui ont essuyé toute honte, qui paraissent hardiment sur un Théâtre devant un Peuple ; qui ont fait une étude de l'impudence, qui par leurs regards, et par leurs paroles répandent le poison de l'impudicité dans les yeux et dans les oreilles de tous ceux qui les voient, et qui les écoutent, et qui semblent conspirer par tout cet appareil qui les environne à détruire la chasteté, à déshonorer la nature, et à se rendre les organes visibles du Démon, dans le dessein qu'il de perdre les âmes ; enfin tout ce qui se fait dans ces représentations malheureuses ne porte qu'au mal : les paroles, les habits, le marcher, la voix, les chants, les regards des yeux, les mouvements du corps, le son des instruments, les sujets mêmes et les intrigues des Comédies, tout y est plein de poison tout y respire l'impureté.

Comment donc espérez-vous de demeurer chaste après que le Diable vous a fait boire de ce calice de l'impudicité qu'il en a enivré votre âme, et que par ses noires fumées il vous a obscurci toute la raison ; car c'est là qu'il vous fait voir tout ce que le vice a de plus honteux, la fornication, l'adultère, le déshonneur du mariage, la corruption des femmes, des hommes et des jeunes gens; enfin le règne de l'abomination et de l'infamie. Toutes ces choses devraient donc porter ceux qui les voient, non pas à rire, mais à pleurer.

Quoi donc, me direz-vous, renverserons-nous les Lois en détruisant le Théâtre, qu'elles autorisent ? Quand vous aurez détruit le Théâtre, vous n'aurez pas renversé les Lois, mais le règne de l'iniquité et du vice. Car le Théâtre est la peste des Villes.

Imitez au moins les Barbares qui se passent bien de tous ces Jeux. Quelle excuse nous restera-t-il, s'étant Chrétiens, c'est-à-dire citoyens des Cieux et associés aux Anges, et aux Chérubins, nous ne sommes pas néanmoins si réglés en ce point que le sont les Païens et les Infidèles.

Que si vous avez tant de passion pour vous divertir, il y a bien d'autres divertissements moins dangereux, et plus agréables que ceux-là.

Les Barbares ont dit autrefois une parole digne des plus sages d'entre les Philosophes: Car entendant parler de ces folies du Théâtre ; et de ces honteux divertissements qu'on y va chercher. Il semble, dirent-ils, que les Romains n'aient ni femme, ni enfants, et qu'ainsi ils aient été contraints de s'aller divertir hors de chez eux; voulant montrer par là qu'il n'y a point de plaisir plus doux à un homme sage et réglé, que celui qu'il reçoit de la société d'une honnête femme, et de celle de ses enfants.

Mais je vous montrerai, me direz-vous, des personnes à qui ces Jeux n'ont fait aucun mal ? Mais n'est-ce pas un assez grand mal que d'employer si inutilement un si long temps ; et d'être aux autres un sujet de scandale ? Quand vous ne seriez point blessé de ces représentations infâmes, n'est ce rien que vous y avez attiré les autres par votre exemple ? Comment donc êtes-vous innocent, puis que vous êtes coupable du crime des autres ? Tous les désordres que causent parmi le Peuple ces hommes corrompus, et ces femmes prostituées; et toute cette troupe diabolique qui monte sur le Théâtre, tous ces désordres, dis-je, retombent sur vous. Car s'il n'y avait point de spectateurs, il n'y aurait point de Comédiens ni de Spectacles, et ainsi ceux qui les représentent et ceux qui les voient, s'exposent au feu éternel. C'est pourquoi quand même vous seriez assez chaste pour n'être point blessé par la contagion de ces lieux, ce que je crois impossible, vous ne laisseriez pas d'être sévèrement puni de Dieu, comme étant coupable de la perte de ceux qui vont voir ces folies, et de ceux qui les représentent sur le Théâtre. Que s'il est vrai que vous soyez tellement pur, que ces assemblées dangereuses ne vous nuisent point, vous le seriez encore bien davantage, si vous aviez soin de les éviter.

Quittons donc ces vaines excuses, et ne cherchons point des prétextes si déplorables. Le meilleur moyen de nous justifier est de fuir cette fournaise de Babylone, de nous éloigner des attraits de l'Egyptienne, et s'il est nécessaire, de quitter plutôt notre manteau comme Joseph, pour nous sauver des mains de cette prostituée. C'est ainsi que nous jouirons dans l'esprit, d'une joie céleste e ineffable, qui ne sera point troublée par les remords de notre conscience, qu'ayant mené ici-bas une vie chaste, nous serons couronnés dans le Ciel par la grâce et par la miséricorde de notre Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire et l'Empire maintenant et toujours, et dans tous les siècles.

Dans la Préface de son Commentaire, sur l'Evangile de S. Jean.

Il n'est point nécessaire que je vous représente en particulier tous les vices des Spectacles, ce ne sont que des ris dissolus, des représentations honteuses, des paroles infâmes, des médisances, des bouffonneries; tout y est corrompu, tout y est pernicieux. Je vous déclare à vous tous, qu'aucun de ceux qui participent à cette sainte Table, ne trouble, et ne perde son âme par ces Spectacles qui causent la mort : tout ce qui s'y fait, est plein des pompes de Satan, et ne respire que l'impureté. Vous savez, vous qui êtes baptisés, quel est le pacte par lequel vous vous êtes engagés à nous, ou pour mieux dire, à Jésus-Christ. Lorsqu'il vous instruisait au baptême, que lui avez-vous dit touchant les pompes du Diable, comment avez-vous renoncé à ce malin esprit, et à ses Anges ? N'avez-vous pas promis de n'acquiescer jamais à ses maximes, et à ses œuvres ? C'est pourquoi nous devons prendre garde très soigneusement de n'être pas infidèles dans l'accomplissement de nos promesses, et de ne point nous rendre indignes de ces sacrés mystères.

SAINT JEROME,

Sur le premier Verset du Psaume 32.

Les uns mettent toute leur joie dans les choses de ce monde, les autres dans les Jeux du Cirque, les autres dans les divertissements de la Comédie ; Mais vous, dit le Roi Prophète à chaque juste, Mettez toute votre joie dans le Seigneur, et non pas dans les plaisirs de ce monde. C'est aux Justes qui ont le cœur droit, qu'il appartient de louer Dieu ; c'est à dire, à ceux qui dressent leurs cœurs par la règle de la vérité ; Car pour les impies il ne leur appartient que d'être malheureux : Malheur à ceux, dit le Prophète Isaïe, qui disent que ce qui est doux, est amer, et que ce qui est amer, est doux.