CHAPITRE IV.
Détail des péchés qu'on commet en allant aux
Spectacles. Réponse à ceux qui demandent s'il y a péché mortel, et si tous ceux qui y
vont, sont également coupables.
D. Concluez-vous de tous ces principes qu'il y a péché d'aller aux spectacles.
R. Oui. Il y a péché. 1. D'applaudir aux Comédiens, de les approuver, et de contribuer à les entretenir dans leur profession.
2. « De s'exposer sans raison, et pour son seul plaisir au péril de perdre la grace.
3. « D'autoriser par sa présence des assemblées profanes, où toute la morale de l'Evangile est renversée, où toutes les maximes de l'amour se débitent au scandale de la Religion, où l'on n'entend que des chansons qui amollissent, et qui corrompent peu à peu le cœur.
4. « Par la complaisance qu'on a pour tous ces airs languissants et amoureux quand on serait même exempt de passion.
5. « Dans la perte du temps ; on se plaint qu'on en manque pour ses exercices du Christianisme,et on le dérobe à ses occupations, à ses devoirs les plus pressants pour de vains spectacles, qui seraient de ce côté-là criminels quand ils ne le seraient pas d'ailleurs.6. « Dans le mauvais usage de l'argent, qu'on y dépense. Dieu fera voir au Jugement qu'on pouvait ce jour-là donner du pain à vingt personnes qui en ont manqué.
7. « Dans les effets que les Spectacles produisent infailliblement au regard même des personnes les plus innocentes, une grande dissipation d'esprit, un éloignement des choses de Dieu, une froideur pour la Prière, un dégoût des Livres de piété, un amour du monde. Car c'est là le règne du monde. Ces assemblées ne sont composées que de personnes mondaines, qui avec leurs parures immodestes ne songent qu'à voir, et à être vues. Le péché est encore plus grand pour les personnes qui font profession de vertu, parce que les mondains s'autorisent de leur régularité apparente, et croient se pouvoir permettre des plaisirs que les gens de bien ne se refusent pas. »
D. Y a t-il péché mortel ?
« Pour moi, dit ce Père, quelque recherche que j'en aie faite jusqu'à cette heure, je ne l'ai pu découvrir. Peut-être que ce secret est caché de peur que nous n'en devenions plus lâches à éviter toutes sortes de péchés. Car si nous les connaissions, nous ne nous mettrions pas peut-être en peine de les éviter…. »Au lieu que maintenant que nous ne les connaissons pas, nous sommes plus obligés de nous tenir sur nos gardes, et de tâcher de nous avancer dans la vertu… La règle de ce Père qui ne regarde pas précisément la matière dont nous parlons, peut bien y être appliquée.
D. Dans le doute s'il y a péché mortel d'aller aux spectacles, ne s'expose-t-on pas à s'en rendre coupable si l'on y va ?
« celui qui méprise les petites choses tombe peu à peu ».
D. Tous ceux qui y vont sont-ils exposés aux mêmes dangers ?
« celui qui aime le danger y périra »,il n'excepte personne.Un Chrétien ne saurait conserver une véritable piété sans le secours d'une crainte salutaire, qu'il conçoit à la vue des dangers qui l'environnent. Si au contraire il se familiarise avec ses dangers, et qu'il marche avec confiance sur le bord du précipice, il y tombera.
D. Que doit-on répondre à ceux qui disent qu'ils y vont sans aucune mauvaise intention, et qu'ils savent séparer ce qu'il y a de mauvais, et de vicieux d'avec ce qu'il y a d'honnête, et de conforme aux bonnes mœurs ?
R. Il faut leur répondre qu'il n'est pas possible de séparer dans les spectacles l'agréable d'avec le licencieux, et que c'est se tromper que de croire qu'on n'aime pas le péché quand on aime ce qui le cause. Vouloir aller aux spectacles sans offenser Dieu, c'est vouloir se jeter dans le feu sans se brûler, ou se précipiter dans un abîme sans se perdre.
D. Tous ceux qui y vont, sont-ils également coupables ?
R. Dieu seul peut faire ce discernement, parce que seul il connaît les plus secrètes pensées des cœurs. S'ils ne le sont pas tous également, c'est la louange de la grâce de Jésus-Christ. Sa miséricorde est plus grande que la présomption des hommes. Il en abandonne quelques-uns à leurs passions, et c'est par un juste jugement. Il arrête celles des autres lors même qu'ils s'y livrent, et c'est une bonté toute gratuite. La conséquence est qu'il faut veiller, prier, s'éloigner du péché, et de toutes les occasions qui y engagent. Si les mondains ne les aperçoivent pas, les Prêtres les doivent instruire. Malheur à ceux qui les flatteraient.