(1710) Instructions sur divers sujets de morale « INSTRUCTION II. Sur les Spectacles. — CHAPITRE I. Que les Spectacles sont des plaisirs défendus. Preuves de cette défense tirées de l'Ecriture sainte, des Pères de l'Eglise, des Conciles, des Rituels, et des Lois civiles. » pp. 43-53
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(1710) Instructions sur divers sujets de morale « INSTRUCTION II. Sur les Spectacles. — CHAPITRE I. Que les Spectacles sont des plaisirs défendus. Preuves de cette défense tirées de l'Ecriture sainte, des Pères de l'Eglise, des Conciles, des Rituels, et des Lois civiles. » pp. 43-53

CHAPITRE I.
Que les Spectacles sont des plaisirs défendus. Preuves de cette défense tirées de l'Ecriture sainte, des Pères de l'Eglise, des Conciles, des Rituels, et des Lois civiles.

D.a A juger d'un Chrétien par les principes que vous avez établis, quelle doit être sa vie ?

R. La vie d'un Chrétien qui a été enseveli avec Jesus-Christ par le Baptême, et qui a fait vœu d'embrasser sa Croix,doit être non seulement une imitation, mais encore une continuation de la vie de Jésus-Christ, puisque c'est son esprit qui doit agir en lui, et imprimer dans son cœur les mêmes sentiments qu'il a imprimés dans celui de Jésus-Christ.

D. La vie d'un Chrétien peut-elle être une vie de plaisir ?

R. Le véritable plaisir d'un Chrétien consiste à se priver de tous les plaisirs passagers ; à attacher son cœur au lieu où se trouvent les véritables délices ; et à se faire de Jésus-Christ l'unique objet de ses consolations, et de sa joie.

D. Tous les plaisirs sont-ils défendus à un Chrétien ?

R. Il y a des plaisirs qui lui sont permis, et qui peuvent même lui devenir nécessaires pour soutenir le poids des affaires auxquelles sa vocation l'engage, et pour le distraire des occupations laborieuses qui causent à l'âme une espèce de lassitude qu'on a besoin de réparer.

D. Quels sont les plaisirs qui sont permis à un Chrétien.

R. Tous ceux qu'il peut prendre en les rapportant à Dieu, qui doit être la fin de toutes ses actions selon ces paroles de l'Apôtre : « Soit que vous mangiez, ou que vous buviez, et quelque autre chose que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu. 

D. Quels sont les plaisirs défendus à un Chrétien ?

R. Ceux qui entretiennent l'oisiveté, et la mollesse, qui excitent les passions, et corrompent les bonnes mœurs. Dieu n'en peut être la fin.

D. Les spectacles peuvent-ils être comptés parmi les plaisirs permis ?

R. Les spectacles sont absolument défendus, parce qu'ils sont absolument mauvais, et qu'on ne saurait les mettre au rang des choses qui peuvent être bonnes ou mauvaises, selon le bon ou le mauvais usage qu'on en fait ; et que rien n'est plus opposé à la vie, aux sentiments, et aux devoirs d'un véritable Chrétien.

D. Qu'appelle-t-on spectacles ?

R. On appelle spectacles des divertissements publics, tels que sont les Comédies, les Opéra, et les autres représentations qui se font sur les Théâtres. La fin de ces représentations étant d'exciter les passions, elles sont directement contraires au Christianisme. Quand même elles ne les exciteraient que par hasard, on ne doit pas souffrir qu'un Chrétien s'expose pour un vain divertissement à ces dangereuses émotions.

D. Met-on au rang des spectacles défendus toutes les représentations qui se font sur les Théâtres ?

R. On en excepte celles qui se font dans les Collèges pour l'exercice de la jeunesse ; « Leurs Règlements portent que les Tragédies, et les Comédies qui ne doivent être faites qu'en latin, et dont l'usage doit être rare, aient un sujet saint, et pieux ; que les intermèdes des actes soient tous latins, et n'aient rien qui s'éloigne de la bienséance ; et qu'on n'y introduise aucun personnage de femme, ni jamais l'habit de ce sexe. »

D. En allant à la comédie ne pourrait-on pas offrir à Dieu le plaisir qu'on y va prendre ?

R. Ce serait se moquer de Dieu, et des hommes que de dire que l'on va à la comédie pour l'amour de Jésus-Christ, oserait-on lui offrir cette action, et lui dire : « Seigneur c'est pour vous que je veux aller à la comédie ; ce sera votre esprit qui m'y conduira ; ce sera vous qui serez le principe de cette action ; c'est par votre Croix que vous me l'avez méritée. Y a-t-il quelqu’un assez aveugle, ou assez endurci pour pouvoir souffrir sans horreur l'impiété de ce langage ? et ceux qui travaillent le plus à justifier la comédie, ont-ils jamais osé offrir à Dieu cette action, et lui rendre grâces de l'avoir faite ? C'est une preuve sensible que leur conscience dément leurs fausses lumières, et qu'ils sont eux-mêmes convaincus du mal qu'il y a dans la comédie. »

D. Pourquoi les spectacles sont-ils absolument mauvais ?

R. Parce qu'on n'y représente que les objets de la concupiscence, et que tout ce qu'on y entend, tout ce qu'on y voit, tend à détruire l'amour de Dieu, et à faire naître l'amour du monde dans le cœur des Spectateurs.

D. Si les spectacles sont absolument mauvais, d'où vient que l'Ecriture ne le condamne pas ?

R. C'est une erreur que de croire que l'Ecriture ne condamne pas les spectacles. L'Ecriture les condamne quand elle condamne les concupiscences du siècle. Ecoutez ce que dit saint Jean : « Je vous écris, pères… Je vous écris, enfants… Je vous écris, jeunes gens… N'aimez point le monde, ni ce qui est dans le monde… Car tout ce qui est dans le monde est concupiscence de la chair, ou concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie, ce qui ne vient point du Père, mais du monde. » Dans ces paroles le monde, et le Théâtre qui en est l'image sont également réprouvés. « C'est le monde avec tous ses charmes, et toutes ses pompes qu'on y représente dans toutes les comédies. Comme dans le monde, tout y est sensualité, curiosité, ostentation, orgueil, et on y fait aimer toutes ces choses, puisqu'on n'y songe qu'à y faire trouver du plaisir. »

D. Les Pères de l'Eglise ont-ils cru que les spectacles étaient condamnés par ces paroles de l'Apôtre ?

R. Tertulien dit précisément que l'Ecriture en condamnant les concupiscences du siècle, condamne les spectacles.Nous pourrions ajouter à son autorité celles de saint Basile, de saint Chrysostome, de saint Augustin, et de plusieurs autres Pères.

D. Ne dit-on pas que les Pères ne condamnaient les spectacles, qu'à cause de l'idolâtrie qui y régnait ?

R. L'idolâtrie n'était pas le seul mal que les Pères condamnaient dans les spectacles. Une de leurs principales raisons était, qu'ils portent à la corruption des mœurs, et qu'on n'y voit que des objets de passion.

D. Ce caractère convient-il aux comédies d'aujourd'hui ? n'en a-t-on pas banni tout ce qui pourrait blesser la pudeur ?

R. Il est vrai que le Théâtre ôte aux passions, et surtout à l'amour ce qu'elles ont de plus grossier, et de plus opposé à la bienséance ; mais il est vrai aussi qu'une passion couverte d'un voile d'honnêteté est plus dangereuse. Comme elle paraît sans honte, et sans infamie, on fait gloire d'en être touché, on se familiarise peu à peu avec elle. On s'accoutume à en parler. L'esprit la regarde sans précaution, et le cœur s'y livre sans resistance.Ceux qui ont pris soin de comparer le Théâtre tel qu'il est aujourd'hui avec celui des anciens, trouvent que le nôtre est beaucoup plus dangereux, et que les comédies de nos Poètes sont plus propres à allumer les feux de l'amour impudique.

D. L'Eglise a-t-elle condamné les spectacles dans ses Conciles ?

R. L'Esprit de l'Eglise dans ses Conciles n'est pas différent de celui des Pères, ou plutôt les Pères ont parlé comme l'Eglise ; qui a condamné les spectacles pour les mêmes raisons tant particulières que générales.
D. Les Canons qu'elle a faits pour les condamner sont-ils abrogés, ou obligent-ils encore ?
R. L'esprit de l'Eglise n'est point changé. La condamnation des Comédiens est précise dans tous les Rituels.La pratique en est constante, et on prive des Sacrements pendant la vie, et à la mort ceux qui jouent la comédie, s'ils ne renoncent à leur Art. On les passe à la sainte Table comme des pécheurs publics. On les exclut des Ordres Sacrés comme des personnes infâmes, et on leur refuse la sépulture Ecclésiastique.

D. La condamnation des Comédiens emporte-t-elle celle de la comédie ?

R. Oui. Si la profession des Comédiens est indigne des Chrétiens, et que ceux qui l'exercent, soient obligés de la quitter, comme les Conciles l'ordonnent, il n'est pas permis par conséquent aux autres de contribuer à les entretenir dans une profession si contraire au Christianisme. Si tout le monde s'accordait à ne vouloir point assister aux spectacles, les Comédiens cesseraient bientôt de les donner. Ainsi ceux qui montent sur le Théâtre, sont moins coupables, au sentiment de saint Chrysostome, que ceux qui leur applaudissent, et les approuvent : « Otez les Spectateurs, et vous ôterez les Acteurs. »

D. Les Lois civiles ne tolèrent-elles pas les Comédiens ?

R. L'esprit des Lois a toujours été contraire au Théâtre. Elles ont toujours flétri les Comédiens. Si elles les tolèrent, c'est qu'elles ne sont pas établies pour remédier à tous les maux, mais seulement à ceux qui attaquent directement la Société. Cette tolérance n'empêche pas qu'on ne doive dire que les maux que le monde permet, ne laissent pas d'être condamnés par l'Evangile.