CHAPITRE VI.
Histoire de la Poësie
Dramatique chez les Romains.
Par un Passage de Platon, dans le second Livre des Loix, par les Vases Etrusques sur lesquels on voit des cothurnes & des masques, & par Varron qui nomme un Poëte qui avoit fait des Tragédies Toscanes ; on juge que les Spectacles Dramatiques furent très-anciens dans l’Italie : mais les Romains peu curieux des amusemens de l’Esprit, les ignorerent pendant plusieurs Siécles.
La Religion, ou pour mieux m’exprimer, la Superstition, donna chez les Romains comme chez les Grecs, la naissance à des Représentations publiques. Elles commencerent par des Jeux bouffons sur un Théâtre, Spectacle très-nouveau pour un Peuple belliqueux, dit Tite-Live, Nova res bellicoso Populo. Les Romains, pour faire cesser la Peste qui les affligeoit, introduisirent une nouvelle peste, bien plus dangereuse, suivant S. Augustin, novam pestem … … quod est multo perniciosius moribus, intulerunt. Ils s’imaginerent que des Jeux sur un Théâtre appaiseroient la colere des Dieux ; ils firent venir des Baladins de Toscane, & leurs Jeux n’ayant point calmé la peste, on chercha un autre remede. Un clou fut enfoncé par la main d’un Dictateur au côté droit du Temple de Jupiter. Telle étoit alors la stupidité des Romains.
Il n’y avoit ni Action, ni Vers dans les Jeux que représenterent les Baladins de Toscane ; ce n’étoient que des Danses grossieres, au son de la flute, sine carmine ullo. Les Jeunes Gens de Rome les voulant imiter, y ajouterent des Vers pleins de raillerie, qu’ils chantoient en faisant des mouvemens qu’ils accordoient avec leurs Chants : parce que ce mot Toscan Hister, signifioit Acteur, ces Acteurs furent nommés Histriones. Leurs Vers qui n’étoient d’abord que railleurs, devinrent très-mordans ; le jeu dégénéra en rage. In rabiem verti cæpit jocus. Hor. Le Magistrat y mit ordre ; les Jeunes Gens reciterent des Vers plus sages, en les accompagnant de Chants & de Danses.
Leurs Piéces qui n’avoient aucune forme Dramatique, étant composées de Chants, de Danses, & de Vers de toute sorte de mesures, furent nommées Satyres, du mot Latin Satura qui veut dire un mélange de plusieurs choses. Notre mot Farce a eu une pareille origine ; ces petites Piéces étant farcies de plusieurs badinages différens.
Après la premiere guerre Punique, Andronicus fit jouer, pour la premiere fois, l’an de Rome 514, une Piéce divisée en Actes, & osa abandonner les Satyres pour traiter des Sujets suivis. Tite-Live employe ce terme, il osa, parce que c’étoit une entreprise hardie, de vouloir mettre une forme à un Spectacle qui n’en avoit aucune. Andronicus, originaire de la Grece, & qui pouvoit avoir quelque connoissance des Spectacles Grecs, voulut les imiter. Il jouoit lui-même sa Piéce, & faisoit d’abord l’Acteur & le Chœur : il chantoit & dansoit à la fois, au son d’une flute. Comme le Peuple le faisoit jouer souvent, & quelquefois lui faisoit repéter les mêmes choses, il s’enroua, & & demanda la permission de faire chanter à sa place un homme qui se tiendroit auprès du Joueur de Flute. Débarrassé du Chant qui lui faisoit perdre la respiration, il dansa avec plus de vigueur : ce qui fut cause qu’on partagea pour toujours la Danse & le Chant entre deux Personnages. On donna aux Acteurs de la Piéce, qui conserverent le nom d’Histrions, des Chanteurs, qui pendant que ces Histrions dansoient, suivoient dans leurs Chants, leurs mouvemens & leurs gestes, ad manum cantari cæptum, termes de Tite-Live, que je tâcherai d’éclaircir, quand je parlerai de la Déclamation Théâtrale des Anciens.
Les Piéces d’Andronicus firent oublier aux Romains les Satyres : ils n’en voulurent plus d’autres, tant que les Poëtes jouerent eux-mêmes dans leurs Piéces ; mais lorsque ces Représentations eurent été abandonnées à des Personnes viles, les Jeunes Gens de Rome n’ayant plus la même considération pour les Acteurs, reparurent sur le Théâtre, pour réciter à la fin de la Piéce sérieuse, quelques Vers badins. Ces nouvelles Satyres, furent nommées par cette raison Exodia, d’un mot Grec qui signifie fin, & furent associées aux Piéces nommées Atellanes, d’Atella Ville de Toscane.
Les Atellanes avoient pour objet, comme les Piéces Satyriques chez les Grecs, de réjouir le Spectateur, que la Tragédie avoit attristé ; mais la sévérité Romaine qui étoit encore dans sa vigueur, n’y permit qu’un élégant badinage, venustam elegantiam, dit Donat sur Térence : & Valere Maxime dit de même, Hoc genus delectationis Italicâ severitate temperatum. Cette sagesse qu’exigeoient les Magistrats ne dura pas toujours : mais les Acteurs des Attellanes conserverent toujours le privilége de n’être point regardés comme Histrions, tanquam expertes ludicræ artis ; on ne pouvoit, lorsqu’on étoit mécontent de leur jeu, les obliger d’ôter leurs masques, affront que le Peuple faisoit aux autres Comédiens. La Jeunesse Romaine qui se réserva à elle seule le droit de représenter ces Piéces, ne voulut point qu’elles fussent profanées par les Comédiens. Nec ab Histrionibus pollui passa est. Tit. Liv. L’Atellane conservoit encore du tems de Ciceron sa dignité, puisque pour dire qu’au lieu d’un aimable Plaisant, on lui a envoyé un misérable Farceur, il s’exprime ainsi, Non Atellanum sed mimum introduxisti. L. 9. Ep. 16.
Andronicus, cet Eschyle des Romains, eut un Rival dans Nævius dont la premiere Piéce fut jouée l’an 519 de Rome. Ses railleries ayant offensé une famille puissante, il fut mis en prison, & ensuite condamné au bannissement. Les Enfans des Muses n’imprimerent pas d’abord un grand respect aux Romains, & le Consul qui mena avec lui Ennius dans la Province où il alloit commander, fut repris par Caton, comme un homme voluptueux, qui menoit des Poëtes à sa suite. [Tuscul. 1.].
Pacuvius, Cæcilius, Accius composerent plusieurs Piéces Dramatiques, & tous ces Poëtes dont Horace, Perse & Martial ne parlent qu’avec mépris, sont traités plus favorablement par Quintilien, qui prétend que la perfection ne leur a manqué que parce qu’elle manquoit à leur siécle.
Le Peuple prenant goût aux Piéces Dramatiques, il fallut des Théâtres ; ils n’étoient d’abord que de planches rassemblées, qu’on retiroit après le Spectacle. On fut même longtems sans accorder aux Spectateurs la liberté de s’asseoir : on ne croyoit pas qu’il fût de la dignité de la République de permettre à des Romains de rester longtems occupés d’amusemens qui ne convenoient qu’à des Grecs, & on craignit que la liberté de s’asseoir ne leur fît passer des journées entiéres dans l’oisiveté. La sévérité de la discipline faisoit quelquefois abattre les Théâtres. Le Consul Scipion en fit détruire un, comme inutile, & pernicieux aux mœurs publiques, tanquam inutile & nociturum publicis moribus : Tit. Liv. Saint Augustin représente aux Romains qu’un de leurs Citoyens a été plus sage que leurs Dieux, puisqu’il a condamné des Spectacles qu’ils avoient établis pour honorer leurs Dieux. Ce Scipion étala dans un long discours les dangers de ces Spectacles, disant qu’il falloit laisser aux Grecs leurs vains amusemens Græcam luxuriam, & ne pas donner entrée à Rome à cette iniquité étrangere, peregrinæ nequitiæ. Nous avons vu à Athenes Solon gémir des Spectacles introduits par Thespis : nous voyons à Rome, les graves Personnages gémir du même mal, & les Censeurs faire souvent abattre les Théâtres. Tout changea, les mœurs tomberent, & les Censeurs firent eux-mêmes élever des Théâtres : il se trouva encore du tems de Pompée des Personnes séveres qui lui reprocherent de ce qu’au lieu des Théâtres qui n’avoient été jusqu’à lui que de planches rassemblées, il en avoit fait construire un, qui subsisteroit toujours. On en vit bien-tôt plusieurs,
Cuneata crevit hæc Theatri immanitas. Ausone.
Plaute fut le premier Poëte qui montra aux Romains ce que c’est que le Génie. Il n’inventoit pas les Sujets de ses Piéces : le Peuple qui admiroit l’esprit des Grecs, ne vouloit voir sur le Théâtre que des Sujets tirés des Piéces Grecques : il falloit que le lieu de la Scene fût à Athenes, & parce que celui des Menechmes étoit en Sicile, Plaute prévient dans son Prologue, que malgré cela cette Piéce est Grecque,
Hoc argumentum Græcissat, tamenNon Atticissat, verum Sicilicissat.
Ce que Boileau a dit, du coup fatal porté à la Comédie, par la mort de Moliere, fut dit par Varron sur la mort de Plaute,
Comœdia luget, Scena est deserta,Deinde risus, ludus, jocusque & numeriInnumeri simul collachrymarunt.
Ces Ris & ces Jeux ne furent point ramenés sur le Théâtre par Térence Carthaginois, qui acheté comme Esclave par un Senateur Romain, & ensuite affranchi, sur plaire aux Grands de Rome, & si particuliérement au Fils de l’Ancien Lælius, & à Scipion le jeune, qu’on l’accusoit d’être secouru par eux dans ses compositions, plus que par son génie. Lorsqu’il présenta sa premiere Piéce aux Ediles pour être jouée, ils voulurent, avant que de l’acheter, qu’elle fût examinée par Cecilius, qui étoit alors fort vieux. Cecilius reçut froidement le Poëte qui étoit mal vétu, & comme il étoit à table, lui accorda avec peine un moment pour réciter quelques Vers. A peine les eut-il entendus, qu’il fit mettre à table avec lui le Poëte, & remit après le repas la lecture de la Piéce.
Terence nous apprend dans ses Prologues, qu’il étoit persécuté par la jalousie d’un vieux Poëte. Les Représentations des Piéces étoient exposées au tumulte des cabales. Les Comédiens pour être applaudis avoient des gens apostés dans l’assemblée. Plaute dans un Prologue, fait défendre par Mercure, de la part de Jupiter, toutes les brigues, parce que, dit-il, pour un Comédien comme pour un Grand homme, la Loi est la même ; c’est par le mérite & non par la cabale qu’il faut triompher :
Eadem Histrioni sit lex, quæ summo viro :Virtute ambire oportet, non favoribus.
Il étoit important aux Comédiens de faire valoir une Piéce. Comme ils étoient Esclaves, la récompense que le Peuple demandoit quelquefois pour eux, étoit la liberté : ce qui ne les empêchoit pas de continuer à représenter. Ils étoient outre cela intéressés à soutenir les Pieces, parce que l’Edile, après les avoir achetées du Poëte, les donnoit quelquefois à examiner au Maître de la Troupe, & lui en faisoit rendre le prix, quand la Piéce avoit déplu au Peuple. C’est ce qu’on apprend par les Prologues de Térence.
On y apprend encore qu’on accompagnoit une Piéce tantôt avec les Fluttes droites ou Lydiennes, tantôt avec les Fluttes gauches ou Tyriennes. Les unes avoient un son aigu, les autres un son grave. Quelquefois dans la même Piéce on jouoit de deux Fluttes de différens sons, tibiis imparibus, quelquefois de deux Fluttes de même son, tibiis paribus, & quelquefois on changeoit de Flutte ; mysteres de Musique, dont l’obscurité désespere aujourd’hui ceux qui veulent les comprendre.
Le succès d’une Piéce de Théâtre étoit fort incertain, parce que ces Spectacles où assistoit une Populace innombrable, étoient rarement tranquilles. Plaute dans un de ses Prologues, après avoir commandé à l’Huissier d’imposer silence, dit aux Nourrices de faire taire leurs Enfans, aux Domestiques d’aller au Cabaret, & à ceux qui sont à jeun de s’en aller, de peur que la faim ne les mette de mauvaise humeur contre sa Piéce,
Dum ridebunt saturi, mordebunt famelici.
Outre cela le Peuple interrompoit tout à coup une Piéce, & demandoit à voir des Baladins, des Danseurs de Corde, des Animaux. L’Hecyre de Térence tomba parce que pendant qu’on la représentoit le Peuple s’occupa à regarder des Danseurs de Corde.
Les Romains délivrés des longues inquiétudes que leur avoit causées Carthage, commencerent à chercher ce qu’avoient dit de bon les Tragiques Grecs : ils oserent même, dit Horace, marcher seuls en mettant sur leur Théâtre des Sujets pris dans leur Histoire & dans leurs Mœurs,
Vestigia GræcaAusi deserere, & celebrare domestica facta.
La différence des Sujets fit donner des noms différens aux Piéces de Théâtre. Celles dont les Sujets étoient Grecs furent nommées Palliatæ, à cause de l’habit Grec que les Acteurs portoient : & celles dont les Sujets étoient Romains, furent à cause de la toge, nommées Togatæ. Quand l’Action de celles-ci se passoit entre des Magistrats, la Piéce étoit nommée Prætextata, à cause de leur robbe bordée de pourpre : si elle se passoit entre des Chevaliers, elle étoit à cause de leur habit, nommée Trabeata ; & elle étoit appellée Tabernaria, quand elle se passoit entre ces personnes viles, qui habitoient ce que les Romains appelloient Tabernas.
Les Piéces nommées Togatæ devoient être graves. Afranius cependant, au rapport de Quintilien, y répandit des maximes impures, & conformes à ses mœurs. Si ces Piéces étoient quelquefois obscènes, que devoient être les Mimes, qu’Ovide appelle Mimos obscæna jocantes, & autre part, imitantes turpia Mimos ! Quelquefois ces Piéces avoient une Morale pour objet : elles n’étoient par toujours obscènes ; mais elles devoient toujours faire rire : elles devoient toujours, comme dit Horace,
Risu diducere rictumAuditoris.
Ces Piéces étoient appellées Mimes, & les Acteurs qui les représentoient étoient aussi appellés Mimes.
Il y avoit encore une espece de Farce nommée Planipedia, & l’Acteur qui y jouoit s’appelloit Planipes, parce qu’il y jouoit sans brodequin. On croit que c’est cet Acteur qui s’est conservé dans l’Italie sous le nom d’Arlequin.
Les Ediles chargés de donner les Jeux, & qui achetoient les Piéces, devoient bien payer les bons Poëtes : il ne paroît pas cependant que les meilleures Piéces ayent fait la fortune des Auteurs, puisque Plaute étoit obligé pour vivre de louer ses bras à un Boulanger, & que l’amitié des Grands que Térence avoit tant cultivée, loin de l’empêcher de tomber dans la misere, l’y conduisit. La fortune d’un excellent Comédien étoit immense. Æsopus, grand dissipateur, laissa cinq millions à un Fils encore plus grand dissipateur que son Pere. Roscius, indépendamment de ce qu’on donnoit à sa Troupe, avoit pour lui seul plus de cinquante mille livres par an. Ce Roscius a laissé un nom si célebre qu’il mérite dans l’Histoire du Théâtre une place d’autant plus honorable, que fameux par sa supériorité dans sa profession, & par une probité rare dans sa profession, il a reçu de Ciceron ce grand éloge, qu’il paroissoit seul digne de monter sur le Théâtre, & seul digne de n’y pas monter. Quiconque excelloit dans un Art, étoit appellé un Roscius, parce que dans le sien il avoit porté si loin la perfection, que ce que nous en lisons seroit incroyable, si nous ne le lisions dans Ciceron, si grand Juge dans l’Art de la Déclamation. Quoiqu’il fût devenu fort vieux, & que la perte d’un vieux Comédien ne soit pas fort à regretter, Ciceron regarde sa mort comme un malheur public, & parle de lui comme d’un homme qui ne devoit jamais mourir. Il formoit les jeunes Orateurs.
Il jouoit plus souvent dans les Comédies que dans les Tragédies, soit qu’il fût mécontent des Tragédies Romaines, soit qu’il lui fût plus aisé dans la Comédie de cacher le défaut de ses yeux, qui étoient de travers. Cependant, quelque rôle qu’il exécutât, toutes les Graces l’accompagnoient, & il excelloit également dans le Tragique & dans le Comique, talent très-rare dans un Acteur comme dans un Poëte. Socrate dit le contraire à la fin du Banquet : mais comme c’est après avoir bu dans une coupe très-profonde, & devant deux Auditeurs qui aiment mieux s’endormir que de le refuter, je crois, malgré l’autorité de Socrate, qu’il est presque impossible que le même homme excelle également dans deux Genres aussi opposés que le Terrible, & le Plaisant.
Il falloit à Rome des Théâtres dignes d’une Ville devenue la maîtresse de l’Univers. Pompée revenant de la Grece apporta le plan de celui qu’il avoit vu à Mitylene, & en fit construire un à Rome dans la même forme, mais beaucoup plus vaste ; il pouvoit contenir quarante mille hommes. Pompée l’orna des Tableaux, Statues, Bronzes, & Marbres transportés de Corinthe, de Syracuse, & d’Athenes.
La sévérité des Magistrats contre les Spectacles étant encore à craindre, de peur qu’ils ne fissent à sa mémoire la honte d’abattre cet Edifice, veritus quandoque memoriæ suæ censoriam animadversionem, il s’avisa de sanctifier un lieu que Tertullien appelle la Citadelle de toutes les infamies, arcem omnium turpitudinum. Il bâtit dessus, un Temple à Venus la Victorieuse, afin que ce qui étoit véritablement Théâtre, faisant aussi partie d’un Temple, fût respecté comme sacré, & à l’abri de la reforme des Censeurs. C’est ce que nous apprend Tertullien dans son Livre des Spectacles. Pompée dont le principal dessein étoit d’élever un Théâtre, & non pas un Temple, plus occupé de plaire au Peuple, que d’honorer la Déesse, voulut que la dedicace de cet Edifice fût solemnisée par des Jeux de toute espece.
Nous connoissons la magnificence de cette Dédicace par une Lettre de Ciceron. Le célébre Æsopus pour faire honneur à Pompée, voulut malgré son grand âge, paroître encore sur la Scene, & joua de façon qui ne fit honneur ni à Pompée ni à lui. Ciceron se mocque de ces six cent mulets, qu’on voyoit passer dans la Tragédie de Clytemnestre : c’étoient sans doute les équipages d’Agamemnon revenant du siége de Troye. Dans la Tragédie d’Andronicus intitulée, le Cheval de Troye, on voyoit passer trois mille Vases, & toutes sortes d’Armes d’Infanterie & de Cavalerie ; ces ornemens d’une Tragédie, la faisoient goûter au Peuple Romain. Dans cette Dédicace qui dura plusieurs jours, on représenta aussi des Comédies & des jeux Toscans : Oscos ludos, c’est-à-dire Piéces bouffones : ce qui faisoit écrire à Ciceron qu’il n’étoit pas nécessaire d’aller au Théâtre pour en voir, qu’on en voyoit assez dans le Sénat. Cette Fête couta la vie à un grand nombre d’hommes & d’animaux, à cinq cens Lions, six cent Pantheres, & à ces vingt Eléphans, qui se plaignant au Peuple de la perfidie de Pompée, (comme je l’ai rapporté sur Phedre en parlant des Imprécations) furent cause que le Peuple oblitus Imperatoris, oubliant tout ce que le Grand Pompée faisoit pour lui plaire, le chargea d’imprécations qui bientôt, comme dit Pline, eurent leur effet, ensorte que ce fameux Théâtre fut fatal à celui qui l’avoit établi.
Quelque magnifique que fût le Théâtre de Pompée, celui de Scaurus Gendre de Sylla, le fut encore davantage : on voyoit trois étages posés sur 360 colonnes, le premier de Marbre, & le second incrusté de Verre, genre de luxe, dit Pline, inconnu depuis. Il étoit orné de trois mille Statues, & pouvoit contenir quatre vingts mille hommes. Quelle dépense pour un Edifice qui devoit être détruit trois mois après, & que Pline appelle par cette raison, Theatrum temporarium !
Puis-je ne point parler ici des deux Théâtres qu’imagina Curion, ce voluptueux, qui n’avoit d’autre revenu, dit agréablement Pline, que la discorde des Grands ? Nihil in censu habuit, præter discordiam Principum. Avec ce revenu il fit de si grandes dépenses pendant son Edilité, qu’elle renversa entierement les mœurs, prostravit mores civiles, & fut plus fatale à la République, que la Puissance de son Beau-pere Sylla. Ce Curion imagina deux Théâtres, qui opposez l’un à l’autre, pendant qu’on jouoit une Piéce dans l’un & dans l’autre, se rejoignoient ensuite tirés par des Machines, & formoient un Amphitéâtre. Pline se rappellant ces deux Théâtres s’écrie avec douleur : Voilà donc le Peuple Romain porté sur deux pivots. Ce Vainqueur de la terre, celui qui distribue les Royaumes, suspendu dans une machine, applaudit à son péril. En hic est ille terrarum victor, & totius domitor Orbis … … in machina pendens, ad periculum suum plaudens.
Les Romains qui ne disputerent point aux Grecs la gloire des Piéces de Théâtre, les surpasserent, de l’aveu de Pausanias, par la magnificence & la grandeur de leurs Théâtres. Ce peuple dans ses Edifices publics a toujours paru le Maître des autres. A l’imitation de l’Odeon d’Athenes, lieu où s’exerçoient les Musiciens & les Comédiens, & ou l’on exécutoit les Piéces, avant que de les représenter sur le Théâtre, il y eut à Rome quatre Odeons. Auguste acheva le Théâtre, dont Cesar avoit jetté les fondemens, & l’on croit que Vitruve en fut l’Architecte ; la Dédicace en fut faite sous le nom de Marcellus. On ne négligeoit ni les Décorations, ni les Machines. Un Edile nommé Claudius inventa des Tonneres si parfaits, qu’ils furent nommés les Tonneres Claudiens. Nous apprenons par Horace que le Théâtre étoit souvent couvert de fleurs, sur lesquelles on faisoit couler des eaux de senteur ; on trouva le secret de les faire tomber en pluye ; on les élevoit au-dessus des Portiques, & elles retomboient par tous les tuyaux cachés dans les Statues.
Que de raisons devoient animer les Poëtes a travailler pour le Théâtre ! Pollion & Varius composoient des Tragédies ; Mécenas en avoit fait deux ; Auguste en avoit commencé une, avec une si grande chaleur, que désesperant de la pouvoir soutenir, il effaça ce qu’il avoit fait. Ce siécle de la Poësie n’a cependant fourni à Quintilien aucune Comédie qu’il ait pu louer, & ne lui a fourni que deux Tragédies dignes de ses éloges, le Thyeste de Varius, & la Medée d’Ovide. Le mauvais goût des Romains faisoit souvent remettre sur le Théâtre les Piéces d’Andronicus, d’Ennius, de Pacuvius, & voilà celles, disoit Horace, où la foule est grande,
Hos arcto stipata TheatroSpectat Roma potens.
L’obscénité qui infecta toutes les Poësies de ce siécle, excepté celles de Virgile, souilla aussi la Tragédie, suivant Ovide,
Est & in obscænos deflexa Tragædia versus.
Les Monstres qui succéderent à Auguste, ajouterent à leurs extravagances, celle de vouloir être Poëtes. Néron qui exécutoit sous le masque, des rôles de Tragédies, institua les jeux Neroniens : & Domitien, qui se disoit Fils de Minerve, institua les jeux Capitolins. Malgré cette protection des Princes, il n’est fait mention d’aucune Piéce de Théâtre, fameuse.
Et quel Poëte, capable d’en faire une bonne, eût voulu s’en donner la peine, lorsque l’Action qu’il eût mise en Vers, charmoit bien plus le Peuple quand elle étoit représentée par les gestes d’un Acteur muet ? Les Pantomimes qui devinrent si fameux sous Auguste, & que favoriserent ses Successeurs, qui ne cherchoient comme lui qu’à amuser un Peuple qu’ils opprimoient, firent tomber tout amour des belles choses. Ce Spectacle, dont je parlerai dans le dernier Chapitre, bien plus propre à exciter la colere de Pline, contre les mœurs de sa Patrie, que le double Théâtre de Curion, devint la seule Passion, & la honte des Romains. Ce Peuple, qui par une fierté mal fondée, avoit pendant plusieurs siécles, regardé comme de vils amusemens des Grecs, tous les Arts qui font honneur à l’Esprit, admira un Baladin, dont la science consistoit à tout imiter par ses gestes : un Acteur toujours muet à qui sa main servoit de langue. Cette danse très-ancienne, connue du tems d’Eschyle, approuvée de Socrate, & unie aux Représentations Dramatiques chez les Grecs, fut longtems sage, & n’étoit que l’imitation de l’Action représentée. Elle ne fut connue des Romains, & séparée de l’Action, que du tems d’Auguste. Pylade & Bathylle, les premiers Pantomimes, eurent un grand nombre de Successeurs, qui mirent toute leur science à imiter les Actions les plus infames. Un Baladin avoit une cour à Rome, y formoit des Partis qui causoient des séditions, recevoit chez lui les visites des Chevaliers & des Sénateurs, marchoit dans les rues environné de la jeunesse Romaine, rendoit les Femmes éprises de lui avec tant de scandale, qu’un Empereur fut obligé de répudier la sienne. Les cendres d’un homme si rare, qui avoit causé tant de désordres, étoient conservées dans un tombeau de marbre, & les passans étoient par son Epitaphe invités à rendre leurs hommages à un tombeau qui renfermoit, suivant les expressions de Martial, toutes les Graces, tous les Amours, toutes les Voluptés, la douleur & la gloire du Théâtre Romain, & les délices de Rome.
Quiquis Flaminiam teris viator,Noli nobile præterire marmor.Orbis deliciæ, salesque Nîli,Ars, & Gratiæ, Lusus, & Voluptas,Romani decus & dolor Theatri,Atque omnes Veneres, Cupidinesque,Hic sunt condita, quo Paris sepulcro.
Chez un Peuple autrefois si admirable, quel Tombeau, & quelle Epitaphe ! La corruption du Théâtre causa celle de la Ville, & celle même des Armées, circo & theatris corruptus miles, dit Tacite.
Rome alloit toujours s’avilissant. Il y eut des Poëtes Dramatiques du tems de Quintilien, qui ne parle avec éloge que des Comédiens. Ils remettoient sur le Théâtre les Piéces anciennes. Dans le Prologue d’une de Comédies de Plaute, l’Acteur félicite les Spectateurs de leur goût pour l’Antiquité : les gens sensés, leur dit-il, sont ceux qui ne boivent que du vin vieux, & qui n’estiment que nos vieilles Comédies. Les nouvelles valent encore moins que nos nouvelles espéces de monnoye. On est surpris de voir les Romains obligés de recourir aux antiques Comédies ; le siecle d’Auguste ne leur en avoit point procuré de meilleures. Sous Dioclétien on faisoit jouer l’Amphytrion de Plaute quand on croyoit Jupiter irrité, & il n’est pas aisé de comprendre pourquoi l’on croyoit appaiser la colere de ce Dieu, par la Représentation d’une de ses Avantures, si peu honorable à sa Divinité.
La Passion des Romains pour les Jeux devint si grande, que dans une famine qui affligea Rome sous Gratien, tandis que pour conserver les Citoyens naturels, on fit sortir tous les Etrangers par une barbarie qu’Ammien, Historien Payen, a condamnée, on conserva trois mille Comédiennes avec tous ceux qui contribuoient aux divertissemens des Théâtres. Ce n’étoient point des Piéces faites pour plaire à l’esprit, qui excitoient cette Passion ; on en exécutoit quelquefois : Saint Augustin dans ses Confessions nous fait entendre qu’il avoit assisté à des Piéces qui l’attendrissoient. Des Piéces de cette nature devoient être peu recherchées par un Peuple qui n’aimant à voir que des Bouffons, des Courses de Chevaux, ou des Gladiateurs, avoit moins besoin de Théâtres que de Cirques & d’Amphithéâtres.
L’amour des Ouvrages d’Esprit avoit rendu les Grecs humains. Le premier Spectacle de Gladiateurs qui leur fut procuré par Persée dernier Roi de Macédoine, jetta la terreur. Il n’y eut point d’Amphitéâtre dans la Grece ; cet Edifice ne fut inventé que pour les Romains. César fit construire le premier sur l’idée qu’avoient donnée les deux Théâtres mouvans de Curion, dont j’ai parlé. L’Amphithéâtre de César étoit de bois. Celui de pierre, dont on voit encore les ruines dans l’endroit qu’on nomme le Colisée, fut bâti par Vespasien & achevé sous Titus. Dans le savant Ouvrage de M. Maffei sur l’Amphitéâtre de Verone, on voit de quelle magnificence étoient ces vastes Edifices.
Il ne fallut plus aux Romains, ou que des Spectacles de sang, ou que des Spectacles si licencieux, si impurs, que Julien l’Apostat défendit aux Prêtres de ses faux Dieux d’y assister. Qu’ils laissent, disoit-il, au Peuple l’impureté de ses Spectacles. De pareils jeux établis dans l’Empire Romain excitoient la colere des Peres de l’Eglise, & faisoient dire à S. Augustin, que les plus tolérables de ces jeux, étoient les Tragédies & les Comédies. Tolerabiliora ludorum, Comediæ & Tragediæ. Ce n’étoient plus les Statues des Poëtes qui ornoient les places Publiques, & les Portiques : c’étoient les portraits des Comédiens, des Pantomimes, & des cochers du Cirque. Theodose par une de ses Loix ordonna qu’ils ne paroîtroient plus qu’aux portes du Cirque & du Théâtre, les portraits des hommes infames, dit cette Loi, ne devant pas paroître dans les lieux honnêtes.
La fureur des Spectacles qui perdit les Grecs, perdit aussi les Romains. Rome devint la proie du Barbare vainqueur, & la main des Goths fit tomber Théâtres & Amphitéâtres, ouvrages qui paroissoient à Pline construits pour une Eternité : Æternitatis destinatione.
§. Pourquoi les Romains n’ont point égalé les Grecs dans la Poësie Dramatique.
La Poësie Dramatique n’a jamais été cultivée chez les Romains avec la même ardeur que chez les Grecs. En rassemblant les noms de tous les Poëtes anciens qu’on sait avoir composé des Piéces de Théâtre, on forme une liste chez les Grecs bien plus nombreuse, que celle que peuvent fournir les Romains : celle-ci cependant est encore assez nombreuse pour nous faire voir, que depuis Andronicus jusqu’à Quintilien, les Piéces de Théâtre ne manquerent pas à Rome ; & de tant de Piéces, le seul Thyeste de Varius, a mérité de Quintilien cet éloge, qu’il étoit comparable à la meilleure des Tragédies Grecques. Il loue les Poëtes Tragiques de l’ancienne Rome, Accius & Pacuvius, plus que ceux qui les suivirent, & plus que ceux de son tems, sans daigner dire un mot de ces misérables Déclamations Tragiques qui sont venues jusqu’à nous, sous le nom de Seneque : & après avoir si peu vanté la Tragédie Latine, quand il vient à la Comédie, Voici, dit-il, notre endroit foible, il faut en convenir. In Comædia maxime claudicamus. Ce jugement nous étonne, parce que nous sommes accoutumés à mettre Plaute & Terence au nombre des excellens Poëtes ; je dirai bientôt la raison qui a fait parler ainsi Quintilien.
Si le Romain, malgré sa passion pour la Poësie, n’a pu égaler les Grecs, dont il suivoit les traces, sa sincérité du moins est admirable, il l’a toujours avoué. Bien différens de ces Peuples, qui dès qu’ils ont su faire des Vers, ont cru surpasser les Grecs, les Romains n’ont jamais prétendu marcher de pair : & dans tous les Beaux Arts, ils ont regardé les Grecs comme leurs maîtres. Quintilien, ce grand juge, que l’amour de sa Nation n’aveugle point, après s’être si étendu dans l’éloge des Poëtes Grecs, ne fait qu’en peu de mots celui des Poëtes Latins, & ne compare pas, comme nous avons coutume de faire, Horace à Pindare, Virgile à Homere. Virgile lui-même étoit mécontent de son Eneide, parce qu’il sentoit combien il lui étoit difficile d’atteindre à Homere : & Horace, qui ne pouvoit pas ne point connoître ce grand Ouvrage de son ami, quoiqu’il ne fût point encore public, quand il parle de Virgile, dit seulement que les Muses champêtres lui ont accordé leurs graces, parce qu’en effet Virgile est par ces Muses au-dessus de Théocrite & d’Hesiode.
Horace est dans l’enthousiasme quand il parle des Grands Poëtes de la Grece, qu’il veut qu’on ait nuit & jour dans les mains. Il parle toujours assez froidement des Poëtes de Rome, & reconnoît que c’est aux Grecs que les Muses ont accordé le Génie & l’Harmonie,
Graiis ingenium, Graiis dedit ore rotundeMusa loqui.
Cette harmonie, l’ame de la Poësie, qui ne se trouvoit point dans la Latine comme dans la Grecque, étoit cause de ce mécontentement des Romains. Horace reproche à Plaute deux choses, ses bons mots, & ses modes.
At nostri proavi Plautinos & numeros, &Laudavere sales, nimium patienter utrumque.
Sa premiere critique est injuste, puisque ce qui lui paroît dans Plaute un sel grossier, paroissoit un sel Attique à Cicéron & à S. Jérôme, qui s’accuse de son amour pour un Auteur qu’il alloit reprendre après avoir toute la nuit pleuré ses péchés. Post noctium crebras vigilias, post lachrymas quas mihi præteritorum recordatio peccatorum, ex imis visceribus eruebat, Plautus sumebatur in manibus.
Horace a sans doute raison dans sa seconde critique ; mais comment le défaut qu’il trouve dans les modes de Plaute, pourroit-il nous frapper aujourd’hui, puisque du tems même d’Horace tout Romain n’étoit pas bon Juge de cette partie de la Poësie ?
Non quivis videt immodulata poemata Judex.
Horace se vante de savoir de l’oreille & des doigts [c’est-à-dire en battant la mesure] distinguer dans les Vers les sons légitimes,
Legitimumque sonum digitis callemus & aure.
Comme nous ne pouvons avoir cette Science d’Horace, nous devons être persuadés que quand nous lisons les Vers des Anciens, nos oreilles sont souvent contente de sons, qui ne paroissoient pas légitimes aux siennes.
Quintilien qui rend justice à Plaute & à Terence, remarque que ces deux Poëtes auroient bien plus de grace, s’ils n’avoient employé que des Vers trimetres. Cependant ils n’approcheroient pas encore des graces de la vieille Comédie Grecque, parce que la Langue Latine ne paroît pas à Quintilien susceptible des graces infinies du langage Attique : ce qui lui fait dire, Loin d’égaler la beauté de la Comédie Grecque, à peine en avons nous l’ombre. Si malgré l’élégance du stile de Plaute & de Térence, les Romains ont eu à peine l’ombre de la Comédie Grecque, que dirons nous, par rapport à cette beauté de langage & d’harmonie de notre Comédie, & sur tout de nos Piéces en Prose ?
Il n’est point étonnant que les Romains n’ayent point égalé des graces dont leur Langue n’étoit pas si susceptible que celle des Grecs : mais pourquoi le Romain n’a-t-il pû atteindre à la noblesse de la Tragédie, lui qui en respiroit le caractere, suivant l’expression d’Horace, spirat Tragicum ? Il étoit plus porté qu’un autre Peuple à penser noblement, & pour dire de grands sentimens, nous disons des sentimens Romains. Quelle plus sublime réponse que celle de Marius, homme sans lettres, Tu as vu Marius assis sur les ruines de Carthage ! Le Romain dans ses paroles comme dans ses actions, avoit toujours un air de grandeur : mais cette antique fierté qu’il conserva, fut cause qu’il conserva aussi un secret mépris pour tout ce qui n’étoit pas gloire militaire. Outre cela Horace l’accuse de ne point aimer le travail, quand il se met à écrire, & de craindre d’effacer, metuitque lituram.
D’ailleurs il y a apparence que les grands Poëtes n’étoient pas tentés d’exposer leur gloire sur le Théâtre, parce qu’ils connoissoient le mauvais goût des Spectateurs, qui étoient capables d’interrompre une Piéce pour demander à voir des Ours, des Eléphans, des Danseurs de Corde. Ce n’est pas seulement la populace qu’Horace accuse, puisqu’il nous dit que dans l’Ordre même des Chevaliers on préféroit le plaisir des yeux à celui des oreilles : Equitis quoque jam migravit ab aure voluptas. Ep. 1. L. 2. On faisoit tout à coup cesser une Piéce pour voir passer Escadrons, Bataillons, Rois enchaînés, Chars, Chariots, Vaisseaux, Villes d’yvoires portées en triomphe, un Chameau, un Leopard. Un Philosophe eût regardé avec plus d’attention que les Jeux, un Peuple attentif à ces sottises,
Spectaret populum ludis attentiùs ipsis.
Virgile eût-il voulu exposer une Tragédie à une pareille assemblée ? Horace qui sait si bien railler les vices, & répandre le sel Attique, semble né pour être un excellent Poëte Comique. On voit par la maniere dont il a parlé de la Tragédie & de la Comédie, qu’il a senti toute la difficulté d’exceller dans la Poësie Dramatique : & comme il connoissoit les caprices du Peuple, il prioit Auguste, qui aimoit les Spectacles, & protégeoit les Poëtes Dramatiques, de conserver aussi quelque bienveillance pour ceux qui aimoient mieux, comme lui, se borner à plaire à des Lecteurs, que de s’exposer aux dédains d’un Spectateur difficile,
Quàm spectatoris fastidia ferre superbi.