Chapitre IV.
Histoire de l’Opéra-Bouffon, autrefois Opéra-Comique & ses progrès.
Si je ne fais remonter ici l’origine de l’Opéra-Bouffon qu’au commencement du siècle passé, il n’en faudra pas conclure qu’il ne puisse se glorifier d’une antiquité plus reculée. Je veux seulement parler dans ce Chapitre de son établissement chez les Français. Je tracerai l’histoire de ses commencemens, de ses progrès, chez un Peuple éclairé, qui finit par l’accueillir avec enthousiasme. Je me réserve d’agiter ailleurs la question, s’il fut connu des Anciens.
Méprisable origine de l’Opéra-comique.
L’Opéra-Bouffon ne peut point trop s’enorgueillir de sa naissance chez les Français. Il doit le jour à la farce, aux quolibets & aux bons mots tant soit peu indécens. On sera forcé d’en convenir. Mais il ressemble à tant de gens sortis de la fange, qui s’élèvent bientôt par leur mérite, & font oublier ce que leur origine a de vil & de bas. Plus un homme sait arriver aux dignités, aux Sciences, malgré la boue dans laquelle le sort l’a placé, plus il est digne de notre estime. De quels rares talens ne doit-il pas être pourvu ? On doit donc faire un grand cas de l’Opéra-Bouffon. Ne semblant destiné qu’à servir de passe-tems aux laquais, qu’à végéter dans un état obscur, il franchit par dégrés l’espace immense qui s’opposait à son triomphe ; il parvint, du milieu des Baladins & des Danseurs de cordes, à l’honneur d’égaler, & même de surpasser les succès de la Tragédie. Quelles sublimes qualités ne lui a-t-il pas fallu ? Il a presque eu besoin d’un miracle.
Les Comédies Italiennes nous en ont donné l’idée.
Nous sommes redevables aux Italiens d’un genre d’amusement aussi précieux : ils ont, je crois, inventés les Chansons modernes. Les Troubadours, d’abord timides écoliers, surpassèrent bientôt leurs maîtres, & apprirent aux Gaulois à chanter de petits Vers galans. Il est donc naturel de regarder les Italiens comme les inventeurs de l’Opéra-Bouffon, puisqu’il était dans son principe l’assemblage de plusieurs couplets ou vaudevilles. L’ancien Théâtre Italien est soupçonné, avec assez de vraisemblance, de nous en avoir donné l’idée. Il entre-mêlait très-souvent dans ses Pièces facétieuses des chansons gaillardement tournées : il n’en fallut pas d’avantage pour faire naître l’Opéra-Comique, qui nous conduisit insensiblement à former un Spectacle plus agréable.
C’est dans les Foires qu’il commence à se montrer.
Les Foires de saint-Germain & de saint-Laurent à Paris furent les prémières causes qui nous firent connaître l’Opéra-comique. Sans elles nous aurions toujours été privés de cet aimable enfant de la joie. C’est dans le sein des différens plaisirs qu’elles rassemblent qu’on le vit se former.
Les Marionnettes le mettent en vogue.
Le croirait-on ? Les Marionnettes du fameux Brioché contribuèrent beaucoup à faire naître notre Opéra-Bouffon, puisqu’elles firent éclore l’Opéra-Comique : elles sont un des plus anciens Spectacles de la Foire. Il est clair que les Marionnettes de ce tems-là parlaient, chantaient & dansaient tout comme à présent. Les Farces qu’elles représentaient jadis, & celles de nos jours, ont une grande analogie avec les Drames de notre Théâtre. Enfin on doit convenir que les Marionnettes en ont tracés le plan. C’est peut-être pourquoi elles ont été si courrues ; on prévoyait déja la beauté du genre qu’elles feraient éclore un jour.
Un Spectacle où l’on fesait danser des Rats fut aussi cause de sa naissance.
Une autre sorte de Spectacle tourna tous les esprits à la gaité. Il parodiait un des principaux ornemens du Théâtre, & montrait un nouveau genre de burlesque qui conduisit insensiblement à la découverte de l’Opéra-Bouffon. L’on trouvera sans doute ridicule ce que je vais avancer ici. L’on me demandera quelle analogie il peut y avoir entre une singularité sans exemple & le genre pour lequel j’écris. Je demanderai à mon tour surquoi l’on décide que Thespis barbouillé de lie soit l’inventeur de la Comédie telle qu’elle est à présent, & même de la Tragédie ? Il n’y a pas tant de raport de Thespis à nos Spectacles que de la chose originale dont je veux parler avec l’Opéra-Bouffon. Voici quel était le Spectacle bizare que je soutiens avoir contribué à sa naissance.
Un Rat d’une grosseur prodigieuse, portant une barbe vénérable, adonisé avec soin, dansait sur la corde tendue ; il tenait dans ses petites pates un balancier, & se présentait avec autant d’assurance que Spinacuta, ou le plus hardi danseur de corde : sa grace & sa gentillesse charmaient tout le monde. Ensuite une douzaine de Rats dressés sur leurs deux pieds, dansaient une sarabande au milieu du Théâtre avec une précision, une agilité surprenantes. Voilà quel est le prodige auquel notre Opéra doit son origine. Puisque l’on prend celle des autres Spectacles dans les danses, dans les fêtes des Anciens, je puis trouver aussi le germe de l’Opéra-Bouffon dans la danse des Rats.
Les Danseurs de cordes le font aussi naître insensiblement.
Quelques années après, des Sauteurs, Voltigeurs & Joueurs de gobelets, joignirent à leur éxercice ordinaire une sorte de Pièce chantante & très-burlesque. Des troupes d’acteurs s’en mirent en possession, & les forcèrent de la leur abandonner, parce qu’ils la représentaient beaucoup mieux. En 1630. l’Opéra-Comique devait avoir pris déja certaine forme, puisque l’on trouve une pièce imprimée en 1640, intitulée La Comédie des Chansons. Cet ouvrage fait augurer qu’il en éxistait beaucoup d’autres long-tems avant, mais que l’impression n’a pas fait parvenir jusqu’à nous.
Ceux qui fixent l’époque de notre Opéra en 1678, & qui disent que la troupe d’Alard & de Maurice en donna l’idée par une pièce qu’elle représenta sous ce titre ; Les Forces de l’Amour & de la Magie, se trompent, selon moi. Cette Pièce était mêlée de sauts périlleux, de machines, de changemens de Théâtre, & l’on n’y voit aucune indice de chant ; d’ailleurs, elle est trop postérieure à la Comédie des Chansons : il vaut donc mieux tirer son origine du Spectacle des Marionnettes, & du Ballet des Rats.
M. Le Sage le soumet à quelques règles.
Le Théâtre moderne resta long-tems enseveli dans l’obscurité ; il était digne à son aurore des Bateleurs qui s’en emparèrent. Des images fort indécentes, & des couplets remplis d’équivoques, en fesaient le principal mérite. Il parut vouloir, au commencement du siècle où nous sommes, se retirer de la crapule dans laquelle il languissait, & se corriger de ses plaisanteries, dont la Vertu rougissait souvent. M. Le Sage eut, dit-on, le bonheur de le polir, & de le rendre moins dèshonnête.
On ne lui ôta point toutes ses indécences.
Au reste, quand je dis que notre Opéra fut purgé de ses indécences, & rendu parfait, il faut entendre qu’on le corrigea de ses défauts autant que sa mauvaise constitution put le permettre. Il lui resta toujours un penchant irrésistible au mal, un reste de ce qu’il avait été dans son origine. Tout ce qu’on put faire, fut d’amener au moins ses Auteurs à chérir l’apparence des bienséances théâtrales : il fallut se contenter de ce faible succès. Lorsqu’on parvient à résoudre un fameux libertin à se priver d’une partie de ses plaisirs, on s’applaudit d’une aussi petite victoire ; elle en fait espérer une plus grande. Le débauché revenu de ses erreurs laisse souvent entrevoir les vices auxquels il était le plus enclin ; notre nouveau Spectacle agissait de même.
C’est à ce Spectacle que nous devons le Vaudeville.
Il posséda long-tems le Vaudeville. C’est lui qui nous apprit l’Art de le tourner avec élégance, d’y joindre l’esprit à la malignité. Il unit ensuite la musique aux simples chansons. L’accueil que lui fit le Public, lorsqu’il se fut paré de ces nouveaux ornemens, l’engagea de renoncer tout-à-fait aux airs communs ; & de ne plus se montrer sans être accompagné d’une foule d’Ariettes. C’est ainsi que nous le voyons de nos jours, & qu’il restera selon les apparences.
Ce qui lui fit adopter la Musique.
La raison qui lui fit se servir de la Musique, est assez facile à trouver. Il s’était réservé le droit de parodier les meilleures Piéces des autres Théâtres ; en voulant tourner en ridicule les Opéra-sérieux, pouvait-il se dispenser de récourir à quelques morceaux de leur musique ? On parodie le chant comme les paroles déclamées. Mais il se sera d’abord servi d’un air léger ou d’un récitatif du grand Opéra pour accompagner de nouvelles paroles, plutôt que pour donner au chant une tournure bouffonne. Il s’enhardit peu-à-peu en parodiant les Ariettes Italiennes les plus célèbres, c’est-à-dire en fesant plier des paroles Françaises aux mouvemens d’une musique qui nous était étrangère. Nous allions chercher chez nos voisins des airs vifs, & les chefs-d’œuvres de leurs grands maîtres, parce que nous nous imaginions bonnement qu’il serait impossible à des Français de devenir habiles musiciens. Dès que l’expérience eut prouvé le contraire, on cessa d’être copiste, & l’on se rendit digne à son tour d’être imité.
Comment les Français prirent du goût pour l’Ariette Italienne.
Les Chanteurs Italiens qui charmèrent tout Paris en 1748. ont beaucoup contribué à l’amour éxcessif que nous ressentons pour la Musique Italienne. les Intermèdes qu’ils représentèrent, tout mauvais, tout pitoyables qu’ils étaient, nous aidèrent à créer l’Opéra-Bouffon : l’on voulut tâcher de se consoler de leur départ. La mémoire de ces trois Italiens sera toujours fameuse en France. L’Opéra-Sérieux qui leur permit de monter sur son Théâtre, ne s’attendait pas qu’ils dussent lui jouer un si vilain tour.
Quelles furent les prémières Pièces chantantes.
Les Troqueurs, pièce de Vadé, est le prémier Drâme-Bouffon que l’on ait mîs en musique en France. Les Aveux indiscrets le suivit bientôt. Ces deux Comédies chantées au son des instrumens, firent une sensation étonnante ; mais ce n’était point encore le genre que nous avons adopté. M. Sédaine en est le vrai créateur. Blaise le Savetier fit prendre une forme différente à l’Opéra-Comique, & changea même notre Littérature. Transporté dans une sphère nouvelle, ce singulier Théâtre se trouva tout-à-coup en état d’obscurcir les autres Spectacles. Il leur déroba la plus grande partie de leurs Spectateurs ; &, ce qui leur fut bien plus sensible, presque tout le profit qu’ils en retiraient.
Ce n’est guères qu’en 1754. que l’Opéra de la Foire sentit l’utilité de la musique, & les agrémens des Ariettes. Il ne faut pourtant pas conclure, malgré l’expérience & le bon sens que les Italiens ayent connus l’Opéra-Bouffon avant nous. Ils ont été nos maîtres sur bien des choses ; mais nous ne conviendrons jamais qu’ils nous ayent indiqués le genre qui nous enchante. Afin de leur en ravir l’honneur, nous allons le chercher jusques dans les prémiers Opéras de Quinault, tels qu’Alceste & Cadmus ; oui, nous prétendons y démêler le genre d’un Spectacle qui nous est si cher. La scène de Caron & des Ombres dans Alceste est pour nous une preuve sans replique. La sincérité me force d’avouer qu’il y a des Scènes dans Pomone, Opéra qui fut représenté en 1671, qui sont très-dignes du Théâtre moderne. Il est du moins certain que Molière lui-même travailla, sûrement sans y penser, dans le goût des Drames qui sont l’objet de notre estime. Pour s’en convaincre, il suffit de faire attention aux Divertissemens de ses Comédies, surtout à ceux de Pourceaugnac, du Bourgeois Gentil-homme & du Malade imaginaire. Enfin, loin de céder aux Italiens la découverte de l’Opéra-Bouffon, nous soutenons au contraire, qu’ils nous en sont redevables. Convenons au moins que nous leurs devons les Chansons, ainsi que je l’ai remarqué plus haut. J’observerai en faveur des Anglais, que ce Peuple si sage semble avoir connu avant nous l’Opéra-Bouffon ; il suffit pour s’en convaincre, de jetter les yeux sur l’Opera du Gueux, La double Métamorphose ; & sur plusieurs de leurs Poèmes-Dramatiques, dans lesquels on rencontre du chant enjoué.
L’Opéra-Comique éprouva bien des revers.
Ce Spectacle que nous chérissons tant éprouva bien des revers. Il fut souvent prêt à tomber sous les coups de ses énnemis. Son courage le soutint, & le conduisit enfin au bonheur dont il jouit. Les talens éxcitent toujours contre eux l’envie & la cabale ; les sots cherchent à déprimer ce qu’ils ont le malheur de ne pouvoir connaître. Soyons-en persuadé, si l’Opéra-Comique n’avait eu un certain mérite, il n’aurait point soulevé contre lui un si grand nombre de jaloux, ardens à le déprimer, & à lui susciter mille traverses. Le détail des peines qu’il lui fallut essuyer avant de confondre ses envieux, & de pouvoir en paix nous amuser, ressemble beaucoup à un Roman. Pour peu que l’on eut d’imagination, ou qu’on voulut broder son histoire, on ferait un livre rempli d’avantures surprénantes. Voici l’extrait de ces diverses catastrophes.
Ruses qu’on mit pour lui en usage.
A peine fut-il sorti de la grossiéreté qui paraissait devoir être son partage, qu’il lui fut défendu de se montrer5. Il osa pourtant risquer un subite apparition quelques années après sa disgrace. On ne lui dit rien tant qu’on le vit marcher d’un pas timide dans la carrière des Lettres ; mais dès qu’il voulut reparaître avec quelque éclat, on l’abolit de nouveau. Les Acteurs forains, réduits d’acheter à prix d’argent le droit de divertir le Public, traitèrent avec les Directeurs de l’Académie Royale de Musique, & obtinrent la permission de le remettre sur la Scène avec tout l’éclat qu’ils pourraient lui prêter. Il parut6 d’un air enjoué & galant, indice certain de ce qu’il serait un jour. Le bruit de ses succès réveilla les serpens de l’envie. De nouveaux énnemis renaissaient à chaque instant, semblables à l’hydre domptée par Hercule, plus on en terrassait, plus leur nombre se multipliait. On trouva qu’il fesait tort aux autres Spectacles ; il lui fut défendu de se servir de la parole ; mais il s’avisa d’un expédient digne lui seul de le couvrir d’une gloire immortelle. Comme ses Personnages étaient contraints de jouer à la muette, on descendait un carton, qui s’arrêtait sur la tête de ceux qui devaient parler, & sur lequel étaient écrites en grosses lettres les paroles que l’Acteur ne pouvait faire entendre que par signes. Ces cartons se succédaient très-rapidement, & fesaient à-peu-près le même éffet que le dialogue. Il fallait alors à notre Opéra des Spectateurs & des Lecteurs. Cette jolie invention mérite de passer à la postérité. Une autre-fois il eut recours à un autre stratagême, qui sçut encore tromper la malice de ses rivaux. Les couplet qu’on devait chanter étaient sur des airs connus, on en répandait des copies dans le Partèrre & dans les Loges ; l’Orchestre jouait l’air, des gens apostés exprès, confondus parmi les Spectateurs, commencaient à chanter, le Public les accompagnait en chorus. Cette ruse charmante éxcitait tout le monde à la gaité. Un de ses Auteurs eut encore recours à un autre stratagême : comme il était dit que les Acteurs de l’Opéra-Comique ne parleraient point sur le Théâtre, il s’avisa de les faire parler en l’air ; dans la Pièce intitulée Les Perroquets, il était naturel de voir tous les personnages sur des arbres. Les sollicitations qu’on ne cessait de faire contre cet infortuné Théâtre l’emportèrent encore7. Il ne fut plus permis de représenter à la foire que des Pantomimes.
L’Opéra-Comique est forcé de retourner aux Marionnettes.
Je vais apprendre au Public un trait de l’histoire de notre Opéra sur lequel on semble avoir jetté un voile, sans doute parce qu’il n’est pas trop à la gloire de l’Opéra-Comique. Il s’agit d’une nouvelle subtilité qu’imaginèrent ses Auteurs afin de le faire paraître en dépit de ceux qui cherchaient à le détruire ; elle est digne d’être conservée aussi bien que ses autres stratagêmes : la voici. Entre les années 1724. & 1726, il lui fut ordonné de ne plus se montrer : ce malheureux Spectacle fut contraint alors de récourir à sa prémière origine, c’est-à-dire, qu’il revint habiter avec les Marionnettes. Non-seulement Polichinel & ses autres confrères de bois, représentaient les piéces de l’Opéra-Comique ; mais encore les infortunés Acteurs de ce Spectacle si souvent renversé jouaient avec eux ; ils se tenaient cachés derrière la toile, & parlaient tandis qu’on fesait mouvoir les Marionnettes. C’est à l’aide d’une invention aussi bisare qu’ils donnèrent au Public Pierrot Romulus ; le Rémouleur d’amour. &c ; les paroles sont de Le Sage. Si quelqu’un doutait de ce que j’écris ici, j’ai des preuves en main qui convaincraient les plus incrédules. Le maître des Marionnettes se nommait Jeannot-Bertrand, bisayeul du Sieur Bienfait qui vit encore. On le gratifiait d’un louis par jour. Voici un des couplets des Vaudevilles du Rémouleur d’amour ; ce couplet prouve qu’on chérissait déja beaucoup l’Opéra-Comique. On jurerait qu’il est composé depuis peu, tant il a de raport avec notre façon de penser actuelle ; qu’on en juge.
Grands Auteurs quittez la Lyre,Et cessez de travailler ;A présent on aime à rire,Le Sublime fait bâiller ;C’est le tic, tic, tic, tic,C’est le tic du Public.
Eloge de celui à qui l’Opéra-Comique a le plus d’obligation.
Enfin celui qui devait mériter à jamais l’estime de la Nation, vint dissiper la profonde nuit dont ce Spectacle était environné. Illustre M*** ! si j’oubliais de t’accorder les éloges qui te sont dus, la France jetterait un cri d’indignation ; elle m’accuserait de taire par envie les vertus des grands-hommes. Tu te consacras dès ton enfance à l’amusement du Public. Quel service n’as-tu pas rendu au génie folâtre de la Chanson ! Ah, si l’usage d’élever des statues aux généreux mortels qui s’immolent pour le bien Public, & qui se distinguent par eur talens, n’était malheureusement aboli, tu recevrais bientôt cet honneur suprême ; mais sois sûr pour le moins d’en avoir une dans tous les cœurs. M. Monet, obtint en 1752. le privilege de réinstaler l’Opéra-Comique sur le Théâtre de la Foire. C’est alors que cet aimable Spectacle acheva de se polir, & de mériter tous les suffrages.
Dernier accident qui lui arrive.
Qui ne l’aurait cru à l’abri des revers ? Il paraissait n’avoir plus lieu de craindre les caprices de la fortune ; la volage l’éleva au plus haut de sa roue afin de l’en précipiter avec plus d’éclat. En un mot, malgré les plaisirs qu’il inspirait, & malgré les gémissemens du Public, ce singulier Spectacle fut entiérement aboli8. Cependant ce qu’ont dit les Philosophes se trouva véritable ; il dévint heureux lorsque ses disgraces furent à leur comble : il fut réuni à ses adversaires, c’est-à-dire au Théâtre-Italien9. Il s’en consola bientôt, par la joie qu’il eut d’être honnoré du titre de second Théâtre de la France, & de s’assurer chaque jour qu’il en est le prémier.