Il y a encore un autre grand mal qui se commet et tolèrea, principalement en votre
ville de Paris, aux jours des Dimanches et fêtes, lequel est d’autant plus grand
préjudice à l’honneur de Dieu, et à la sanctification de ses fêtes que aucun autre, et qui
est plein d’un si grand abus, que je l’estime (avec les plus sages) suffisant pour
attrainerb
toutes les malédictions de Dieu sur vous et sur votre Royaume, spécialement sur ladite
ville de Paris, où telle méchanceté est plus autorisée qu’en autre lieu de votre
Royaume. Ce sont les jeux et spectacles publics qui se font lesdits jours de fêtes et
Dimanches, tant par des étrangers Italiens que par des Français, et par-dessus tous, ceux
qui se font en une Cloaque et maison de Satan nommée l’hôtel de Bourgogne, par ceux
qui abusivement se disent Confrères de la Passion de Jésus-Christ.
En ce lieu se donnent mille assignations scandaleuses au préjudice de l’honnêteté et
pudicité des femmes, et à la ruine des familles des pauvres artisans, desquels
la salle basse est toute pleine, et lesquels plus de deux
heures avant le
jeu, passent leur temps en devis impudiques, en jeux de cartes et de dés, en gourmandise
et ivrognerie tout publiquement, d’où viennent plusieurs querelles et batteriesc. Sur l’échafaud l’on y
dresse des autels chargés de Croix et ornements Ecclésiastiques, l’on y représente des
Prêtres revêtus de surplis, même aux farces impudiques, pour faire mariages de risées :
L’on y lit le texte de l’Evangile en chant Ecclésiastique, pour, (par occasion,) y
rencontrer un mot à plaisir qui sert au jeu : Et au surplus il n’y a farce qui ne soit
orde sale et vilaine, au scandale de la jeunesse qui y assiste, laquelle avale à longs
traits ce venin et poison, qui se couve en sa poitrine, et en peu de temps opère les
effets, que chacun sait et voit trop fréquemment.
Par ce moyen Dieu est grandement offensé, tant en ladite
transgression des fêtes, que par les susdits blasphèmes, jeux et impudicités qui s’y
commettent. Davantage Dieu y est courroucé en l’abus et profanation des
choses saintes, dont ils se servent. Et le public intéressé par la débauche et jeux des
artisans. Joint que telle impiété est entretenue des deniers d’une confrérie, qui
devraient être employés à la nourriture des pauvres, principalement en ces temps èsquels
il fait si cher vivre, et auqueld plusieurs meurent de faim.
Or (Sire) Toute cette ordure est maintenant par vous : car vous leur
avez donné vos lettres de permission pour continuer cet abus encommencé devant votre
règne : vous avez mandé à votre Cour de Parlement et
Prévôt de Paris de les faire jouir du contenu en vos lettres. Ce qu’ils ont très bien
exécuté, ayant maintenu un tel abus contre Dieu et la défense des Pasteurs
Ecclésiastiques, et nonobstant la
clameur universelle de tous les prédicateurs de Paris, lesquels continuent encore
journellement de s’en plaindre, mais en vain, n’ayant pu pour tout obtenir sinon une
défense de jouer durant une année, pour recommencer au bout de l’an
plus que
devant. C’est un grand désordre certainement, que l’on a journellement si grande peine à
obtenir vos lettres pour choses de justice, et quand on les a obtenues, la plus grande
peine est en la vérification, exécution et
jouissance du fruit d’icelles, dont on ne peut venir à bout : et toutefois pour telles
moqueries et vilenies qui sont contre le commandement de Dieu, vos lettres et les arrêts
ne manquent point. Jugez (Sire) si cela est faire justice.
Ceux qui défendent telles choses disent une seule raison d’apparence, à savoir que tels
jeux et spectacles, sont bons pour le menu peuple, afin de le détourner des berlanse et autres
débauches qu’il fait lesdits jours de fête, auquel il est
oisif, et que après avoir travaillé toute la semaine en peine et tristesse, cela lui sert de
réjouissance et plaisir, et le retire d’autres vices plus grands : froide et maigre
considération, par laquelle cuidantf fuir un gouffre, l’on tombe dans un autre plus dangereux. Premièrement
je leur
demanderais, s’il est raisonnable de prendre son plaisir, et se
réjouir au préjudice, du commandement de Dieu, qui veut être servi
tout le jour de la fête, par prières et assistance au service public, lequel est délaissé
pour aller à ces jeux, et quelle Théologie est-ce, de dire que les fêtes sont pour réjouir
le peuple ? Dieu dit le contraire en l’écriture Sainte, l’âme (dit-il) laquelle ne
sera affligée au jour de la fête périrag de mon peuple. Ils disent que le peuple est
oiseuxh aux jours de
fête : et qui l’empêche de s’occuper en bonnes œuvres, d’aller au sermon, et d’ouïr le
service tout le jour ? en ce faisant il ne sera point oisif.
Davantage ils disent, que par faute de se réjouir honnêtement, le peuple s’adonne aux
jeux de berlans et autres vices, et qu’ils ruinent leurs familles, (comme si c’était un
plaisir honnête que d’aller aux spectacles le jour de la fête en transgressant le
commandement de Dieu, les saints canons de l’Eglise, et les lois humaines
qui le défendent. La loi dit tit. de
feriis au Cod. qu’il n’est point permis de passer le jour de la fête en aucune volupté :
et l’Empereur auteur de cette Loi le défend expressément : d’où il apperti que aller et
assister aux jeux et spectacles le jour de la fête, est transgresser les lois divines et
humaines : ce n’est donc pas un plaisir honnête.
Au surplus je demande si pour aller à ces spectacles le peuple est moins vicieux et
corrompu, s’il en hante moins de berlans, vu que la salle de ce maudit hôtel de
Bourgogne, lorsque l’on y joue est toute pleine de berlans et de joueurs de cartes et de
dés, et outre cela les fossés de Paris ne laissent pas d’être remplis de tireurs de
arquebuses et d’arcs, de joueurs de quilles, de courte-boullej, de cartes et de dés, sans aucun châtiment du Magistrat. Les
considérations susdites sont donc frivoles pour soutenir telle méchanceté. Car votre
peuple ne laisse pas d’être oisif, vicieux, et corrompu, tant par ces mêmes spectacles,
que par
l’impunité et négligence du Magistrat. Aussi jamais ne fut un si
arrogant et méchant peuple qu’est le menu peuple des villes de France, principalement
de Paris, lequel mâtinek tout le monde, s’échappant des charges et cotisations lesquelles
tombent entièrement sur les médiocresl des villes et aux champs, sur plus pauvres cent fois que ne sont
telles manières de gens Artisans, vivant assurément dans les villes plus francs que les
Gentilshommes.
C’est ce qui rend ce menu peuple si superbe en habits, et plus pompeux que n’étaient
anciennement les grands marchands : et voilà comment ces jeux de l’Hôtel de Bourgogne ont
bien opéré pour retirer le peuple des vices, voilà la profession de piété qui se fait à
Paris sous votre autorité, et de vos Magistrats : voilà la désobéissance générale par tout
votre Royaume au Commandement de Dieu écrit en la première table, lesquelsm ne
regardent que Dieu, son honneur, et son service.