XV.
Devoir des parens & des maîtres.
Que les Peres & les Meres sont donc coupables, s’ils permettent à leurs enfans d’aller aux Spectacles ! Qu’ils sont criminels, s’ils les y conduisent eux-mêmes ! Les effets de la concupiscence dans ces jeunes & tendres plantes sont-ils donc trop lents à leur gré ? Ce torrent impétueux a-t-il trop de digues ? Faut-il qu’ils précipitent son cours ? Le feu de l’impureté qui fait des ravages si affreux dans la jeunesse leur paroît-il trop foible ? Faut-il qu’ils en augmentent l’activité partout ce qu’il y a de plus propre à l’embrâser ? Tranchons le mot. Leur tarde-t-il de voir le cœur de leurs enfans en proie à des flammes si honteuses & si criminelles ? Est-ce ainsi qu’ils leur apprennent à connoître J. C. & sa morale ? Est-ce ainsi qu’ils l’ont appris eux-mêmes ?
Quoi ! il suffit à une mere d’avoir quelques sentimens pour arracher d’entre
les mains de sa fille des Romans ou d’autre mauvais livres, pour lui
interdire toute parole deshonnête, & l’empêcher de fixer ses regards sur
des Tableaux indécens : & des meres qui se disent chrétiennes
laisseroient aller, ou conduiroient elle mêmes leurs filles au Théâtre, où
elles trouveroient les mêmes écueils, mais tout autrement dangéreux ! Le
Spectacle saisit les yeux & les oreilles ; tout y paroît réel. Ce ne
sont point des traits morts, des couleurs séches qui agissent ; ce sont des
personnages vivans, de vrais▶ yeux animés de la passion, de ◀vraies larmes
dans les Acteurs, qui en font couler d’aussi véritables dans ceux qui les
écoutent. Quel aveuglement dans de telles meres ! N’auroient elles donc
donné à leurs filles la vie du corps, que pour leur en ôter une autre
infiniment plus précieuse ? Se
repentiroient-elles
de les avoir consacrées à Dieu sur les Fonts sacrés ? Voudroient-elles les
immoler au démon ?
Immolaverunt filios suos &c
filias suas dæmoniis.
Mais n’outrons nous point les choses ? N’en est-il point parmi les Spectateurs qui n’aye pas éprouvé ces funestes effets du Théatre ? Sans doute que ses partisans l’attesteront. Il y a longtems qu’ils cherchent à se couvrir de ce faux prétexte. Qu’il est à craindre que de tels hommes ne soient insensibles aux plaies que leur fait le Spectacle, que parce qu’ils sont tout cangrenés ? Qu’il est à appréhender qu’ils ne sentent plus le poids de l’eau, parce qu’ils y sont entiérement plongés ? Connoit-on toute l’impétuosité d’un fleuve, quand on se laisse aller à son cours ?