XX.
Exemples de pratique.
Qu’elle honte pour des disciples de J. C. de mettre au rang des
divertissemens permis, des plaisirs qui ont été réprouvés par des payens
mêmes ! Les Spectacles n’ont pû pénétrer chez les Romains, dans les heureux
tems de la République
Illas theatricas artes diù virtus Romana non noverat.Platon les condamne hautement.
Nous ne recevons point , dit-il, la Tragédie, ni la Comédie dans notre ville.Il arrache au Théâtre ses Acteurs. Il craint que l’imitation des passions qu’ils réprésentent
ne les améne insensiblement à la même chose. Il en chasse les Spectateurs, en les avertissant, que
ce genre de Poësie voluptueuse est seul capable de corrompre les plus gens de bien ; parce que n’excitant que la colére ou l’amour, ou quelqu’autre passion, elle arrose de mauvaises herbes, qu’il falloit laisser entiérement dessécher. Est-ce un Payen qui parle ici ? & sont-ce des Chrétiens qui veulent qu’on mette au nombre des plaisirs permis un amusement que ce Philosophe leur démontre être si criminel ?
Mais puisqu’il leur faut des Spectacles, il est juste de leur en présenter.
Montrons-leur la République Romaine abattant de ses propres
mains, sur les représentations▶ fortes & pressantes de Scipion Nasica, le
Théâtre qu’elle avoit fait construire. Montrons-leur de nos jours les
Magistrats de Burgos,
touchés par un excellent Ouvrage contre les Spectacles, & ordonnant la
destruction de leur Théâtre qui avoit coûté vingt mille Ducats. Montrons-leur enfin les Quinault & les Racine
pleurants leurs Opera & leurs Tragédies, & déplorant
des égaremens dont ils auroient voulu qu’il ne restât pas
la moindre trace. Le renversement des Théâtres, la pénitence de ses freres,
la destruction de l’empire du démon, & l’établissement de celui de J. C.
voilà les plaisirs, voilà les Spectacles des Chrétiens.
Que nous nous estimerions heureux, s’il
plaisoit à Dieu de répandre sur ce petit Ecrit, la bénédiction qu’il a donné
à l’ouvrage de Dom Ramire-Cayorcy Fonséca, qui a fait une impression si vive
sur la ville de Burgos. Le zéle seul pour le salut de nos concitoyens, nous
l’a fait entreprendre. Connoissant leur respect pour l’Evangile, & leur
amour pour J. C. nous avons crû que pour les engager à abandonner les
Spectacles, il n’y avoit point de moyen plus sûr que de leur faire voir
l’opposition décidée entre les maximes de la Comédie & celles de leur
Libérateur ; qu’elle réveille, nourrit, & porte à la révolte des
passions qu’il est venu dompter. Que n’avons-nous point à attendre de leur
amour pour le bien ? Leur piété une fois éclairée leur permettra-t-elle
d’hésiter dans le choix entre le Théâtre & l’Evangile ? C’est ce que
nous ne pouvons croire, & c’est la faveur précieuse
que nous ne cesserons de demander au Pere des lumieres, de
qui toute grace excellente & tout don parfait descend.
Nota pour la page 30. On convient assez que chaque ◀Représentation produit aux Comédiens aux environs de 150 livres, ce qui fait près de 600. livres par semaine, & 2400. livres par mois ; de façon que s’ils restent ici un an, ils emporteront aux environs de dix mille écus : somme exorbitante pour la ville. Auroit-elle besoin de quelque chose de plus pour nourrir tous ses pauvres ? De là il est aisé de juger quelles sont les sommes que ces hommes infâmes gagnent dans les grandes Villes du Royaume, & si on a tort de dire qu’elles sont immenses.