V.
Ce qui rend le danger de la Comédie plus grand, est qu'elle éloigne tous les remèdes
qui peuvent empêcher la mauvaise impression qu'elle fait. Le cœur y est amolli par le
plaisir. L'esprit y est tout occupé des objets extérieurs, et entièrement enivré des
folies qu'il y voit représenter, et par conséquent hors de l'état de la vigilance
chrétienne nécessaire pour éviter les tentations, et comme un roseau capable d'être
emporté de toutes sortes de vents. Il y a bien de l'apparence que personne▶ n'a jamais
songé de s'y préparer par la prière, puisque l'Esprit de Dieu porterait bien plutôt à
éviter ce divertissement dangereux, qu'à lui demander la grâce d'être préservé de la
corruption qui s'y rencontre. Que si les ◀personnes▶ qui vivent dans la retraite et dans
l'éloignement du monde, ne laissent pas de trouver de grandes difficultés dans la vie
chrétienne au fond même des monastères; s'ils reçoivent des atteintes du commerce du
monde, lors même que c'est la charité et la nécessité qui les y engage, et qu'ils se
tiennent sur leurs gardes autant qu'ils peuvent pour y résister ; quelles peuvent être
les plaies et les chutes de ceux qui, menant une vie toute sensuelle s'exposent à des
tentations, auxquelles les plus forts ne
pourraient pas résister ? Ne
doit-on pas dire d'eux, en les comparant avec les ◀personnes spirituelles de l'Église, ce
que Job dit de l'homme en le comparant avec les Anges ; « Ecce qui serviunt ei
non sunt stabiles, et in angelis suis reperit pravitatem, quanto magis hi qui habitant
domos luteas consumentur velut a tinea ?
» Ces esprits qui servent à Dieu de
ministres ne sont pas stables, et il trouve des défauts dans ses Anges mêmes ; à combien
plus forte raison des âmes enfermées dans des corps, comme dans des maisons de boue,
seront-elles sujettes à la corruption et au péché ? Ou ce que dit Isaïe : « Super
humum populi mei spinae et vepres ascenderunt; quanto magis super omnem domum gaudii
civitatis exultantis ?
» Si la terre de mon peuple dit le Seigneur, est
couverte de ronces et d'épines; c'est-à-dire si les âmes qui soupirent après leur patrie
céleste sont quelquefois percées par les pointes du péché, à quels désordres ne
s'emporteront point ceux qui vivent dans les plaisirs, et qui ont le cœur rempli de
toutes les folles joies du monde ? « Quanto magis super omnem domum gaudii
civitatis exultantis ?
»