[I]
Acteur, Comédien▶ : personne qui fait profession de représenter des Pièces de Théâtre, composées pour l’instruction & l’amusement du Public. On donne en général le nom de ◀Comédien▶ aux Acteurs & Actrices qui montent sur le Théâtre, & jouent des Rôles, tant dans le Comique que dans le Tragique, dans les Spectacles où l’on déclame ; car à l’Opéra, on ne leur donne que le nom d’Acteurs, ou d’Actrices, Danseurs, Filles des Chœurs, &c.
Nos premiers ◀Comédiens▶ ont été les Troubadours, connus aussi sous le nom de Trouvères & Jongleurs : ils étaient tout-à-la-fois Auteurs & Acteurs, comme on a vu Molière, Dancourt, Montfleury, Legrand, &c. Aujourd’hui nous avons des Troupes de ◀Comédiens▶ sédentaires ; tels sont les Comédiens-Français, les Comédiens-Italiens, établis à Paris, sous l’autorité du Gouvernement ; plusieurs autres Troupes qui ont des Théâtres fixes dans les principales Villes du Royaume ; & les ◀Comédiens▶ qui courent les Provinces & s’établissent pour un temps dans nos Villes de la seconde grandeur : on les nomme ◀Comédiens▶ de Campagne.
La profession de ◀Comédien▶ est honorée en Angleterre : on n’y a point fait difficulté d’accorder à Mademoiselle Olfilds un tombeau à Westminster à côté de Newton & des Rois. En France elle est moins honorée ; l’Eglise Romaine les excommunie, & leur refuse la sépulture Chrétienne, s’ils n’ont pas renoncé au Théâtre avant leur mort.
Si l’on considère le but de nos Spectacles, & les talens nécessaires dans celui qui sait y faire un Rôle avec succès ; l’état de ◀Comédien▶ prendra nécessairement dans tout bon esprit ; le degré de considération qui lui est dû. Il s’agit maintenant, sur notre Théâtre Français particulièrement, d’exciter à la vertu, d’inspirer l’horreur du vice, & d’exposer les ridicules : ceux qui l’occupent, sont les organes des premiers génies, & des hommes les plus célèbres de la Nation ; Corneille, Racine, Molière, Renard, monsieur de Voltaire, &c. leur fonction exige pour y exceller, de la figure, de la dignité, de la voix, de la mémoire, du geste, de la sensibilité, de l’intelligence, de la connaissance des mœurs & des caractères, en un mot, un grand nombre de qualités, que la nature réunit si rarement, dans une même personne, qu’on compte plus de grands Auteurs que de grands ◀Comédiens▶. Malgré cela, ils ont été traités très-durement par quelques-unes de nos Loix.
[Adelaïde.
On en voit les raisons dans le cours de cet Ouvrage].
Chez les Romains, les ◀Comédiens▶ étaient dans une espèce d’incapacité de s’obliger ; tellement que quoiqu’ils se fussent engagés sous une caution, & même par serment, ils pouvaient se retirer (Novelle 51). Cette Loi ne s’observe point parmi nous. Les ◀Comédiens▶ étaient autrefois considérés comme infâmes, & par cette raison, on les a regardés comme incapables de rendre témoignage. Un Canon de l’Eglise, dit qu’un ◀Comédien▶ n’est pas recevable à intenter une accusation ; & qu’un fils, qui, contre la volonté de son père, s’est fait ◀Comédien▶, encourt son indignation. Charlemagne, par une Ordonnance de 789, dit la même chose. Différens Conciles défendent aux Ecclésiastiques d’assister à aucun Spectacle, à peine de suspension, & d’être mis en pénitence.
Mais il faut avouer que ces flétrissures & ces peines, effets de la barbarie des siècles d’ignorance, ont moins été prononcées contre des ◀Comédiens▶ proprement dits, que contre des Histrions ou Farceurs publics, qui mêlaient dans leurs Jeux toutes sortes d’obscénités : aujourd’hui que le Théâtre est épuré d’une manière digne de la Raison & de la Philosophie, il serait injuste de concevoir une opinion aussi desavantageuse de nos ◀Comédiens▶. Notre Jurisprudence tient néanmoins toujours pour certain que les ◀Comédiens dérogent ; mais il en faut excepter ceux du Roi, qui ne dérogent point.