Chapitre VI.
Des Courses de Bague, & des Testes.
Divers Autheurs ont écrit des diverses manieres de Tournois, & de Courses de Bague. Le Theatre de Chevalerie de Monsieur de la Colombiere est plein de ces divertissemens, & il en a traité avec toute l’intelligence, & toute l’exactitude possible.
Les Academies mesme de Paris, & la Noblesse des autres Villes, & dans les Campagnes, se donnent assez souvent ces ébats.
Monsieur le Maréchal de Gramont, revenant de Franc-Fort, amena d’Alemagne une nouvelle mode de courre les Testes, qui a duré, & dure encore, & qui n’a pas esté la moindre partie de nos amusements.
J’ose toutefois dire qu’on y peut encore adjoûter quelque chose, qui ne contribueroit pas peu à faire paroistre l’adresse des Cavaliers, & à donner du divertissement aux Dames & aux Spectateurs, Par exemple, on y peut faire des embaras agreables dot on ne se puisse tirer que par adresse. On peut dans la carriere bien applanie & bien sablée creuser un petit fossé, & à un pas plus loin, dresser une basse barriere. Ces deux malices obligeront le Cavalier à deux soins : le premier, à faire gayement & hardiment franchir à son Cheval le Fossé & la Barriere, & à se tenir si ferme, & conserver si bien sa mire, que nonobstant ces deux interruptions il donne juste▶ ou dans la Bague ou dans les Testes. Ces deux imaginations qui me sont tombées dans l’esprit, ne sont pas si Visionaires qu’elles n’ayent quelque sorte de fondement ; & tel qui voudra leur faire justice ne condamnera pas absolument ma pensée.
Il est des Chevaux qui ont plus de part que ceux qui les montent au succez d’une Course : qui courent si uniment qu’ils dirigent le Cavalier : qui sont si fort en echole, qu’ils en sçavent autant que leurs Maîtres : & qui enfin, connoissent leur carriere, & pour ainsi dire le droit du Jeu. Mais dans ma maniere, & le Cavalier & le Cheval ont differantes choses à observer, & quelque rein, quelque force qu’ait le Coursier, il est obligé à deux efforts qui l’ébranlent, & par où il déconcerte son Cavalier.
De sorte que si l’on n’est ferme, preste, adroit, il est bien mal-aisé de faire de beaux dedans, & de reprendre dans le peu d’espace qui reste de la Carriere, le poinct que l’on s’est proposé.
I’ay veu une chose assez plaisante, pratiquée en ces sortes de divertissemens. Il y avoit trois Bagues qu’il falloit emporter, & elles estoient disposées en sorte que l’on ne pouvoit manquer l’une des trois, sans donner atteinte à deux grands morceaux de bois qui l’entouroient, lesquels estoient attachez à des sceaux plein d’eau, qui estoient ainsi renversez sur les courans qui rencontroient mal, & qui ne donnoient pas ◀juste dans la Bague.
Enfin, pour embelir ces Spectacles, il est besoin d’avoir de l’invention, mais encore plus d’avoir de l’argent pour soûtenir le Prix & le succez des imaginations.