(1668) Idée des spectacles anciens et nouveaux « Idée des spectacles anciens et nouveavx. — Idée des spectacles novveavx. Livre II. — Chapitre VI. Des Courses de Bague, & des Testes. » pp. 188-190
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(1668) Idée des spectacles anciens et nouveaux « Idée des spectacles anciens et nouveavx. — Idée des spectacles novveavx. Livre II. — Chapitre VI. Des Courses de Bague, & des Testes. » pp. 188-190

Chapitre VI.

Des Courses de Bague, & des Testes.

Divers Autheurs ont écrit des diverses manieres de Tournois, & de Courses de Bague. Le Theatre de Chevalerie de Monsieur de la Colombiere est plein de ces divertissemens, & il en a traité avec toute l’intelligence, & toute l’exactitude possible.

Les Academies mesme de Paris, & la Noblesse des autres Villes, & dans les Campagnes, se donnent assez souvent ces ébats.

Monsieur le Maréchal de Gramont, revenant de Franc-Fort, amena d’Alemagne une nouvelle mode de courre les Testes, qui a duré, & dure encore, & qui n’a pas esté la moindre partie de nos amusements.

J’ose toutefois dire qu’on y peut encore adjoûter quelque chose, qui ne contribueroit pas peu à faire paroistre l’adresse des Cavaliers, & à donner du divertissement aux Dames & aux Spectateurs, Par exemple, on y peut faire des embaras agreables dot on ne se puisse tirer que par adresse. On peut dans la carriere bien applanie & bien sablée creuser un petit fossé, & à un pas plus loin, dresser une basse barriere. Ces deux malices obligeront le Cavalier à deux soins : le premier, à faire gayement & hardiment franchir à son Cheval le Fossé & la Barriere, & à se tenir si ferme, & conserver si bien sa mire, que nonobstant ces deux interruptions il donne juste ou dans la Bague ou dans les Testes. Ces deux imaginations qui me sont tombées dans l’esprit, ne sont pas si Visionaires qu’elles n’ayent quelque sorte de fondement ; & tel qui voudra leur faire justice ne condamnera pas absolument ma pensée.

Il est des Chevaux qui ont plus de part que ceux qui les montent au succez d’une Course : qui courent si uniment qu’ils dirigent le Cavalier : qui sont si fort en echole, qu’ils en sçavent autant que leurs Maîtres : & qui enfin, connoissent leur carriere, & pour ainsi dire le droit du Jeu. Mais dans ma maniere, & le Cavalier & le Cheval ont differantes choses à observer, & quelque rein, quelque force qu’ait le Coursier, il est obligé à deux efforts qui l’ébranlent, & par où il déconcerte son Cavalier.

De sorte que si l’on n’est ferme, preste, adroit, il est bien mal-aisé de faire de beaux dedans, & de reprendre dans le peu d’espace qui reste de la Carriere, le poinct que l’on s’est proposé.

I’ay veu une chose assez plaisante, pratiquée en ces sortes de divertissemens. Il y avoit trois Bagues qu’il falloit emporter, & elles estoient disposées en sorte que l’on ne pouvoit manquer l’une des trois, sans donner atteinte à deux grands morceaux de bois qui l’entouroient, lesquels estoient attachez à des sceaux plein d’eau, qui estoient ainsi renversez sur les courans qui rencontroient mal, & qui ne donnoient pas juste dans la Bague.

Enfin, pour embelir ces Spectacles, il est besoin d’avoir de l’invention, mais encore plus d’avoir de l’argent pour soûtenir le Prix & le succez des imaginations.