Chapitre premier.
Des Spectacles des Grecs.
O n peut reduire ce grand & presque infiny nombre de jeux ou de spectacles des Grecs, à deux especes principales. La premiere comprend ces Assemblées generales où l’on se rendoit de toutes parts, & dont la magnificence ou la solemnité attiroit vne foule de curieux des Nations les plus éloignées. La seconde ne concerne que les divers amusemens de quelques particuliers, dont les chaudes & vives imaginations, se sont faits divers ébats mysterieux ; tantôt sous le voile de Religion, tantost sous un pretexte de Politique, souvent par une pure ostentation, quelquefois par exemple ou par occasion, mais toûjours pour divertir le public, dont la joye estoit pretieuse, & passoit pour le seul bien universel & approuvé de la raison & des sens.
Il seroit également ennuyeux & inutile d’en parcourir la multitude, & d’en vouloir donner un juste & parfait détail. Le crois qu’il suffira de toucher, & mesme succintement les plus considerables de la premiere classe, comme ceux qui ont eu plus de mystere & qui ont fait plus de bruit parmy leurs Hystoriens & leurs Poëtes. Il en est quatre principaux.
Les premiers furent les Pithiens, instituez à l’honneur d’Apollon en suite de l’importante Victoire qu’il remporta sur un terrible serpent qui ravageoit Delphes, ou plustot sur un celebre & redouté voleur qui faisoit gemir tout le Païs sous la crainte & sous la cruauté de ses brigandages & de ses meurtres. La maniere de leur celebration, n’eut rien de particulier, & consistoit en quelques sortes de combats, au prix & aux couronnemens des vaincueurs ; en simphonies de flutes & de lires, & enfin en dances & en balets. Tout ce qui leur estoit propre & particulier & qui les distinguoit des autres, fut l’ouvrage & le soin des esprits de ce temps▶, qui composerent diverses Chansons à l’honneur de ce Dieu, & qui pour en mieux conserver la memoire voulurent faire d’annuelles representations de son combat auec le serpent, quoy que fabuleux : Mais ils y employerent tant d’industrie, qu’ils persuaderent enfin les Peuples, & qu’ils establirent parmy eux leurs imaginations pour des mysteres.
Les seconds furent les Olympiens. Pelops passe pour leur Instituteur apres l’heureux combat qu’il fit contre Oenomau, & par où il obtint Hypodamie sa Maistresse. Hercule toutefois luy a enlevé une partie de la gloire de cette institution, soit pour avoir heureusement renouvellé des Ceremonies negligées, soit pour en avoir augmenté ou la devotion ou la magnificence. Leur singularité consiste principalement en ce qu’ils ont seruy aux Historiens & aux Chronologistes, de regle & de conduite pour la supputation des ◀temps▶. Car comme ces jeux ne se celebroient que de cinq en cinq ans, on comptoit une Olympiade pour un pareil nombre d’années, & cette maniere de compter les ◀temps a duré mesme apres la reforme du Calendrier & jusques à Constantin. Pour ce qui est de leurs divertissemens, il s’en trouve peu de choses dignes d’vne remarque particuliere : on y courut sur des Chariots attelez de deux Iuments : la jeunesse se piqua de courre aussi vîte qu’elles : & enfin la gloire de la course & de la vitesse s’y disputa en toute façon, tantost à pied, & tantost sur les meilleurs & les plus legers coureurs.
Les troisiémes furent les Neméens, ainsi appellez du nom de leur Païs. Les Argiens sauuez par Hypsipile & garantis du visible peril où la secheresse & la soif les alloit jetter, tuerent un serpent qui avoit devoré le petit Ophelte. Ce combat donna occasion d’en faire un volontaire & funebre à l’honneur de l’Enfant devoré, & pour la consolation d’Hypsipile. A leur imitation le Païs en celebra en suite de pareils de trois en trois ans.
Melicerte s’estant precipité dans la Mer pour éviter la cruauté de sa Mere donna la naissance aux quatriémes, appellez Isthmiens, & conseillez à SiSyphe par les Nereides en l’honneur de ce mal-heureux : leurs jeux & leurs ceremonies n’eurent rien de recommandable que la nouveauté.