(1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — XX. Exemples de pratique. » pp. 48-50
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(1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — XX. Exemples de pratique. » pp. 48-50

XX.

Exemples de pratique.

Qu’elle honte pour des disciples de J. C. de mettre au rang des divertissemens permis, des plaisirs qui ont été réprouvés par des payens mêmes ! Les Spectacles n’ont pû pénétrer chez les Romains, dans les heureux tems de la République  Illas theatricas artes diù virtus Romana non noverat. Platon les condamne hautement. Nous ne recevons point , dit-il, la Tragédie, ni la Comédie dans notre ville. Il arrache au Théâtre ses Acteurs. Il craint que l’imitation des passions qu’ils réprésentent ne les améne insensiblement à la même chose . Il en chasse les Spectateurs, en les avertissant, que ce genre de Poësie voluptueuse est seul capable de corrompre les plus gens de bien ; parce que n’excitant que la colére ou l’amour, ou quelqu’autre passion, elle arrose de mauvaises herbes, qu’il falloit laisser entiérement dessécher . Est-ce un Payen qui parle ici ? & sont-ce des Chrétiens qui veulent qu’on mette au nombre des plaisirs permis un amusement que ce Philosophe leur démontre être si criminel ?
Mais puisqu’il leur faut des Spectacles, il est juste de leur en présenter. Montrons-leur la République Romaine abattant de ses propres mains, sur les représentations fortes & pressantes de Scipion Nasica, le Théâtre qu’elle avoit fait construire. Montrons-leur de nos jours les Magistrats de Burgos, touchés par un excellent Ouvrage contre les Spectacles, & ordonnant la destruction de leur Théâtre qui avoit coûté vingt mille Ducats. Montrons-leur enfin les Quinault & les Racine pleurants leurs Opera & leurs Tragédies, & déplorant des égaremens dont ils auroient voulu qu’il ne restât pas la moindre trace. Le renversement des Théâtres, la pénitence de ses freres, la destruction de l’empire du démon, & l’établissement de celui de J. C. voilà les plaisirs, voilà les Spectacles des Chrétiens.
Que nous nous estimerions heureux, s’il plaisoit à Dieu de répandre sur ce petit Ecrit, la bénédiction qu’il a donné à l’ouvrage de Dom Ramire-Cayorcy Fonséca, qui a fait une impression si vive sur la ville de Burgos. Le zéle seul pour le salut de nos concitoyens, nous l’a fait entreprendre. Connoissant leur respect pour l’Evangile, & leur amour pour J. C. nous avons crû que pour les engager à abandonner les Spectacles, il n’y avoit point de moyen plus sûr que de leur faire voir l’opposition décidée entre les maximes de la Comédie & celles de leur Libérateur ; qu’elle réveille, nourrit, & porte à la révolte des passions qu’il est venu dompter. Que n’avons-nous point à attendre de leur amour pour le bien ? Leur piété une fois éclairée leur permettra-t-elle d’hésiter dans le choix entre le Théâtre & l’Evangile ? C’est ce que nous ne pouvons croire, & c’est la faveur précieuse que nous ne cesserons de demander au Pere des lumieres, de qui toute grace excellente & tout don parfait descend .

 

Nota pour la page 30. On convient assez que chaque Représentation produit aux Comédiens aux environs de 150 livres, ce qui fait près de 600. livres par semaine, & 2400. livres par mois ; de façon que s’ils restent ici un an, ils emporteront aux environs de dix mille écus : somme exorbitante pour la ville. Auroit-elle besoin de quelque chose de plus pour nourrir tous ses pauvres ? De là il est aisé de juger quelles sont les sommes que ces hommes infâmes gagnent dans les grandes Villes du Royaume, & si on a tort de dire qu’elles sont immenses.