(1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — VIII. Les intrigues sont la vraie fin de la comédie. » pp. 15-17
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(1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — VIII. Les intrigues sont la vraie fin de la comédie. » pp. 15-17

VIII.

Les intrigues sont la vraie fin de la comédie.

Mais accordons qu’on ne cherche au Théâtre que l’union conjugale. Les intrigues qui la précédent, seroient-elles conformes à la prudence chrétienne ? N’en auroit-on rien à craindre ? Croit-on que le feu qu’elles auroient jetté dans un cœur deja trop disposé par lui-même à aimer en quelque maniére que ce soit, s’éteindroit par l’idée seule de l’honnêteté nuptiale ? Ce seroit se tromper grossiérement. La passion a saisi son objet. On a commencé à se livrer aux impressions de l’amour. Le mal est fait, & s’est insinué d’autant plus profondément, qu’il se présentoit sous un voile plus honnête. Le reméde de l’union conjugale vient trop tard.

Ecoutons M. Bossuet développer ces importantes vérités. Il le fait de la maniére la plus précise & la plus lumineuse.

« Le Mariage, dit-il, présuppose la concupiscence, qui, selon les régles de la foi, est un mal auquel il faut résister. C’est un mal, dit S. Augustin, dont l’impureté use mal ; dont le mariage use bien ; & dont la virginité & la continence font mieux de ne pas user du tout .
« Qui étale, bien que ce soit pour le mariage, cette impression de beauté sensible qui force à aimer & qui tâche de la rendre agréable, veut rendre agréable la concupiscence & la révolte des sens. Car c’en est une manifeste que de ne pouvoir ni ne vouloir résister à cet ascendant auquel on assujettit dans la Comédie les ames qu’on appelle grandes. Ces doux & invincibles penchans de l’inclination, ainsi qu’on les réprésente, c’est ce qu’on veut faire sentir & ce qu’on veut rendre aimable : c’est-à-dire, qu’on veut rendre aimable une servitude qui est l’effet du péché, qui porte au péché. On flatte une passion qu’on ne peut mettre sous le joug, que par des combats qui font gémir les fidéles mêmes au milieu des remédes.

« Aussi que les mariages des Théâtres sont sensuels, & qu’ils paroissent scandaleux aux vrais Chrétiens ! Ce qu’on y veut, c’en est le mal. Ce qu’on appelle les belles passions, sont la honte de la nature raisonnable, l’empire d’une fragile & fausse beauté ; & cette tyrannie qu’on y étale sous les plus belles couleurs, flatte la vanité d’un sexe, dégrade la dignité de l’autre, & asservit l’un & l’autre au régne des sens.

Peut-on après cela s’étonner assez de la sécurité de ces hommes qui se présentent aux Spectacles aussi hardiment que s’ils etoient de bronze & d’airain. Quoi , s’écrie S. Chrisostome, si lors même qu’on est le plus eloigné de tout ce qui peut blesser la pudeur, il en coûte tant pour se conserver dans la pureté que Dieu exige de nous ; comment notre ame pourra t-elle demeurer chaste, quand elle se plaîra à entendre des choses si dangereuses ? Ignorez-vous donc quelle est la pente qui nous entraîne au mal ? Lors donc qu’à cette inclination naturelle nous ajoûtons l’art & l’étude, devons-nous être surpris si nous tombons dans l’enfer, puisque nous nous bâtons de nous y précipiter ?