(1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — VII. Le mariage dans les Comédies n’est que le voile de ce vice. » pp. 13-14
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(1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — VII. Le mariage dans les Comédies n’est que le voile de ce vice. » pp. 13-14

VII.

Le mariage dans les Comédies n’est que le voile de ce vice.

On convient, répliquera peut-être quelqu’un, (car il faut être de bonne foi) on convient que la concupiscence est mauvaise ; que loin de l’entretenir, il en faut réprimer les faillies ; que la réprésentation des passions illégitimes ne peut que les exciter ; mais qu’est-ce que cela conclut contre le Théâtre ? & de quoi peut-on se plaindre sur ce point ? Le Théâtre dépouille ces passions de tous ce qu’elles ont de grossier ; il ne fait paroître que celles qui ont une fin honnête, & qui ont le mariage pour but. Tel est le dernier retranchement des deffenseurs de la passion de l’amour dans les Spectacles, mais il ne sera pas difficile de les y forcer.

Rappellons ici un principe déja établi & avoué par les plus grands maîtres de l’art, que la passion qui charme, qui transporte le spectateur, est l’objet direct de la Piéce ; & que tout ce qui ne l’intéresse que foiblement, ne s’y trouve que pour la forme. Examinons à présent si dans une Comédie c’est le mariage qui meut, qui ravit les spectateurs. Si cela est, plus l’union conjugale sera formée par des motifs purs & saints, plus les applaudissemens doivent lui être prodigués ; plus elle s’écartera de ces maximes si religieuses, plus les suffrages doivent être contre elle. Sans cela l’honnêteté nuptiale qu’on allégue ne remédieroit à rien. Il n’est pas possible, ce semble, de se refuser à ces conséquences.

Or est-ce ainsi que l’expérience nous apprend qu’on en juge au Théâtre ? Non sans doute. Des mariages où la passion ne domine pas, en sont bannis. Quel froid n’y répandroit pas celui du jeune Tobie, & de la jeune Sara ? Avec quelle indifférence n’écouteroit-on pas ces paroles si dignes d’époux chrétiens :  Nous sommes les enfants des Saints, s’il ne nous est pas permis de nous unir comme les Gentils. On cherche donc autre chose au Spectacle que le nœud conjugal ? Il n’y est donc que pour la forme ?
Mais qu’y cherche-t’on ? Disons-le hardiment. On y cherche tout ce qui rend aimable la concupiscence, que S. Jean deffend d’aimer. On y cherche ces expressions tendres, ces intrigues ingénieuses, ce jeu des passions d’autant plus séduisant qu’il paroîtra plus épuré. On y cherche ces larmes qu’arrache l’image de ses passions si vivement réveillées ; toute cette illusion que S. Augustin appelle une misérable folie . On y cherche enfin tout ce qui favorise la révolte des sens, contre laquelle il faudroit armer le Chrétien, & parconséquent tout ce qui donne la mort à l’ame.