VI.
Elle le donne pour une foiblesse : mais on veut qu’il y régne.
Mais, dira quelqu’un des partisans de la Comédie, ne grossit-on pas ici les
objets ? La Comédie ne donne-t-elle pas elle-même la passion de l’amour
comme une foiblesse ? Grand Dieu ! quelle expression ! qu’elle est
étranger ! Un crime n’est qu’une foiblesse ? « Je le veux, reprend l’illustre Evêque de Meaux. Mais
l’amour ne paroît sur la scène, que comme une belle, comme une noble
foiblesse ; comme la foiblesse des Héros, des Héroïnes ; enfin comme une
foiblesse si artificieusement changée en vertu, qu’on l’admire ; qu’on
lui applaudit sur tous les Théâtres ; & qu’elle doit faire une
partie si essentielle des plaisirs
publics,
qu’on ne peut souffrir de Spectacles où non-seulement elle ne soit, mais
encore où elle ne régne & où elle n’anime toute
l’action.
»
Prétendroit on que tout cet appareil ne seroit pas capable de réveiller le feu de la concupiscence, toujours si prêt à s’embrâser, & d’en augmenter l’ardeur ? A qui en imposeroit on ? Le feu s’éteint-il par les alimens qu’on lui fournit ? Il seroit sans doute plus court, pour justifier le Théâtre, de soutenir que la concupiscence, cette racine envenimée qui étend ses branches par tous les sens, n’est point mauvaise ; qu’il n’y a rien de contraire au Christianisme & aux bonnes mœurs dans le soin qu’on prend pour l’entretenir. Mais si on n’oseroit faire un tel aveu ; si on sent le coup qu’il porteroit à la Religion ; qu’on juge de là au moins dans quel embarras on se met, quand on veut plaider une si mauvaise cause.