(1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — V. La Comédie donne des leçons de l’amour impur. » pp. 9-11
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(1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — V. La Comédie donne des leçons de l’amour impur. » pp. 9-11

V.

La Comédie donne des leçons de l’amour impur.

Portons nos regards plus avant sur le Théâtre, & bientôt nous découvrirons le Sanctuaire de l’impureté. (C’est ainsi que Tertullien appelle les Spectacles) Ce vice le plus honteux & le plus dangereux de tous, ne devroit pas même, selon saint Paul, être nommé parmi des Chrétiens. Quel crime n’eut-ce pas été aux yeux de cet Apôtre, d’en donner des leçons publiques ?

Tout cependant dans la Comédie annonce ce pernicieux dessein. Seroit-il possible de se le dissimuler ? La pudeur y est toujours outragée, souvent par les expressions les plus lascives, ou auxquelles on ne donne que les voiles les plus transparents. Son ennemi s’y montre avec une confiance & une liberté qui ne sied qu’à elle. On lui ôte toute deffense. On léve toutes ses barriéres, en faisant paroître au grand jour & avec applaudissement ce que les principes d’une bonne éducation ne permettent pas même d’envisager sans peine dans le secret. Les piéces de Théâtre ne respirent pour la plûpart que le feu impur. Ce n’est point ici une accusation hasardée ni exagérée par un vain scrupule ; c’est leur objet direct, c’est le but formel de leurs auteurs.

« Que veut, disoit le grand Bossuet à un Apologiste de la Comédie, que veut un Corneille dans son Cid ? sinon qu’on aime Chiméne ; qu’on l’adore avec Rodrigue ; qu’on tremble avec lui lorsqu’il est dans la crainte de la perdre, & qu’avec lui on s’estime heureux lorsqu’il espére de la posséder. »

En vain lui diroit on que la réprésentation de ces passions trop amies de la corruption du cœur ne les excite qu’indirectement ; il prétend que le soutenir, c’est combattre les régles des grands maîtres. « Le premier principe, ajoûte-t-il ; sur lequel agissent les Poëtes tragiques & comiques, c’est qu’il faut intéresser le Spectateur ; & si l’Auteur ou l’Acteur d’une Tragédie ne sait pas l’émouvoir & le transporter de la passion qu’il veut exprimer, où tombe-t-il ? si ce n’est dans le froid, dans l’ennuyeux, dans le ridicule, suivant les régles des Maîtres de l’art. Ainsi tout le dessein d’un Poëte, tout son travail, c’est qu’on soit comme son héros, épris des belles personnes ; qu’on les serve comme des divinités ; en un mot qu’on leur sacrifie tout, si ce n’est peut-être la gloire, dont l’amour est plus dangereux que celui de la beauté même. Qu’on vante sur ce point tant qu’on voudra la pureté du Théâtre moderne. » Il ne nous convient pas & il est inutile d’examiner ici s’il est aussi châtié qu’on le prétend. Quoiqu’il en soit, il est constant qu’il instruit de l’art criminel d’aimer & d’être aimé ; il apprend le langage de l’amour profane ; il enseigne les moyens de se dérober aux yeux des surveillans. Par-là il ouvre la porte à cette foule de désordres qui font le sujet de nos larmes. Et cela ne nous suffit-il pas pour le déclarer hautement l’ennemi irréconciliable du Dieu qui précipite les impudiques dans l’étang de feu & de souffre ?